Le mouvement Nuit Debout est né le 31 mars, après la grève générale contre la Loi travail. Le réalisateur du documentaire « Merci Patron » et Rédacteur en Chef du journal Fakir, François Ruffin, a appelé les manifestants à ne pas rentrer chez eux et à aller se rassembler Place de la République pour montrer leur mécontentement.

Bien que cette action ait été planifiée et diffusée sur les réseaux sociaux, personne n’aurait pu imaginer l’ampleur que prendrait ce mouvement. Des gens de différents horizons, origines, âges, revendications et classes sociales se donnent rendez-vous chaque soir Place de la République pour se parler, s’entendre et discuter sur la société dans laquelle ils veulent vivre.

D’abord, c’était pour se retrouver, savoir qu’ils n’étaient pas seuls. Après parler. La parole, toujours monopolisée par les politiciens, les experts, les communicants en langue de bois, revient au peuple. Et les gens se sont mis à parler de politique, d’écologie, de travail, des injustices.

Et d’une façon quasi spontanée une micro société a commencé à se développer autour de cette nouvelle agora. Une radio, une cantine, une bibliothèque et une infirmerie ont vu la lumière à Nuit Debout.

Radio Debout

De la nécessité d’informer et de donner la parole à ceux qui ne la prennent pas souvent, en seulement 24 heures et en toute simplicité a été créée Radio Debout. Quatre jours après le début du rassemblement un groupe de personnes qui travaillent en radio ou de simples amateurs se sont mis à la tâche d’assurer chaque jour sa sortie sur les ondes à partir de 19 heures.

Lise Marie, une des créatrices de la radio raconte son expérience: « Tout le monde est bénévole, bien évidemment, parce que la radio n’a pas d’argent ni de publicité. Nous sommes une quinzaine de personnes qui participent et nous faisons une grille assez large pour permettre à des gens qui ont quelque chose à dire de s’exprimer et débattre. On a déjà accueilli des radios associatives comme Paris Pluriel ou un blogger tchadien qui lutte pour les droits de l’homme dans son pays.

On construit vraiment in situ sur la place et autour car il y a des Nuit Debout qui commencent à se faire dans des villes à coté de Paris, donc on va les suivre, on va les appeler pour voir comme ça se passe, on a déjà eu des contacts avec Nice et Bruxelles ».

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La Cantine

Bien que s’informer et discuter soient importants, il n’en est pas moins vrai qu’on réfléchit mieux avec le ventre plein. Aussi, une cantine populaire fait-elle partie des installations de Nuit Debout. La particularité de cette cantine est qu’elle fonctionne à base de récupération d’aliments dans des marchés ou grâce aux dons des gens. Le prix est libre, donc chacun donne ce qu’il veut.

C’est à cet endroit que l’on retrouve la plus grande mixité: français, étrangers, réfugiés, tout le monde est le bienvenu pour aider, tant en cuisine qu’au service.

Philou, bénévole à la cuisine, explique que le seul fait de participer dans un mouvement comme celui-là  et de chercher des alternatives à la société actuelle est déjà une victoire. « Ce qu’on vit maintenant c’est de l’autogestion, c’est l’horizontalité. Avec cette expérience je redécouvre ce qu’est travailler, ne pas accomplir des tâches absurdes pour un gros salaire, mais de travailler pour être ensemble, cuisiner ensemble, prendre plaisir à ce qu’on fait et être fier de ce qu’on fait. »

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Bibliothèque Debout

Un peu plus loin sur la place se trouve un petit stand avec des livres mis à disposition du public. C’est la Bibliothèque Debout. Le principe est simple: le partage et le don. Une bibliothèque qui appartient à tous et à personne. Tout le monde peut venir prendre des livres mais les responsables de la bibliothèque encouragent aussi les participants à ramener leurs livres pour les partager. Il y a aussi des livres numériques qui peuvent être téléchargés gratuitement sur les portables.

« On savait pas trop bien si ça allait marcher ou pas, si par exemple tout le monde allait prendre tous les livres et qu’on allait se retrouver sans rien très vite, mais ce n’est pas l’esprit d’ici. On a eu énormément de dons des éditeurs, des livreurs, des auteurs ce qui nous permet de continuer et d’avoir des livres de bonne qualité, qui font sens et qui servent à propager les idées de ce mouvement », explique Lionel, un des responsables de la Bibliothèque Debout.

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Infirmerie

La Commission d’Accueil et Santé est plus connue Place de la République comme l’Infirmerie. Les bénévoles qui y participent appartiennent généralement au monde de la santé: médecins, infirmières, aide-soignants, brancardiers, secouristes, etc.. et ils s’occupent des blessures ou de coordonner les appels aux pompiers.

La médecin généraliste Salomé croit que la Loi Travail a servi pour donner un « coup de pied aux fesses » à un grand nombre de personnes qui se sont mobilisées au début contre la loi mais qui avec le mouvement Nuit Debout ont trouvé un moyen de mettre leurs compétences au service de tout le monde.

« On nous dit qu’on est marginaux, mais en fait on voit que non, qu’il suffit de mettre une tente avec un panneau infirmerie et que les premiers jours, les seules personnes qui venaient nous voir étaient des soignants qui demandaient si on avait besoin d’aide.  Cela permet de voir qu’on n’est pas tout seuls, qu’on est nombreux et qu’on a une énergie prête à être utilisée ».

Les exemples de Nuit Debout commencent à se reproduire dans d’autres villes en France et dans d’autres pays. Bien que personne ne s’aventure à donner une prédiction sur le futur du mouvement, les participants sentent que la première barrière a été franchie, celle de se retrouver ensemble pour rêver d’une société différente.