Pressenza traduit et publie cette série de 13 articles réalisés par Verdadabierta.com après cinq ans de la signature de l’Accord de Paix en Colombie. Le premier article traduit a été : « L’objectif final est la réconciliation, et elle est obtenue grâce à une vérité incontestable », car – malgré les difficultés – nous pensons et sentons que toutes les tentatives de réconciliation valent la peine d’être racontées.

La matérialisation de l’Accord entre l’État colombien et l’ancienne guérilla des Farc emprunte un chemin sinueux, cahoteux et inégal, qui limite les avancées. Ces difficultés préoccupent les victimes du conflit armé, qui réclament une plus grande rapidité. Le bilan, cinq ans après, est aigre-doux. C’est ce que révèle cette série journalistique de 13 articles :

1– Le silence des fusils a été de courte durée.
2– La Juridiction Spéciale pour la paix (JEP) avance, malgré l’opposition.
3– La Colombie face au miroir de la vérité.
4– L’Unité de Recherche des Personnes portées Disparues (UBPD) n’a pas encore comblé le vide des disparitions.
5– « L’objectif final est la réconciliation, et elle est obtenue grâce à une vérité incontestable ».
6– Le solde en attente pour les femmes et la communauté LGBTI.
7– Le Chapitre Ethnique se limite au papier.
8– La mise en œuvre de l’Accord de Paix s’est avérée fatale pour les dirigeants sociaux.
9– Sécurité des ex-combattants : une dette qui a coûté la vie à 290 personnes.
10– Réintégration de l’ancienne guérilla : Le retour difficile à la vie légale, un bilan doux-amer.
11– Le Programme National Intégral de Substitution des Cultures Illicites (PNIS), un programme mis en œuvre au compte-gouttes.
12– Les Programmes de Développement axés sur le Territoire (PDET) n’ont pas réussi à étancher la soif de bien-être rural.
13– Cinq années de recherche de la paix au milieu des fractures.

 

Cinq ans d’Accord de paix en Colombie : Le Chapitre Ethnique se limite au papier

Après avoir surmonté de multiples obstacles, les communautés afro-descendantes et indigènes ont réussi à inclure une série de garanties dans l’Accord de Paix afin de protéger leurs droits et de s’assurer que leurs territoires ne seraient pas affectés par la mise en œuvre des politiques post-conflit. Cinq ans plus tard, à quelques exceptions près, il n’y a eu pratiquement aucun progrès.

« Dès le petit-déjeuner, vous savez ce que sera le déjeuner », dit le proverbe. Cette phrase illustre la mise en œuvre de l’ensemble des garanties que les peuples autochtones ont réussi à inclure, à la dernière minute, dans le pacte qui a mis fin à plus de 50 ans de confrontation entre l’État colombien et la plus ancienne guérilla du continent.

Le petit-déjeuner concerne les pourparlers de paix que le gouvernement du président de l’époque, Juan Manuel Santos (2010-2018), et la guérilla des FARC, – aujourd’hui disparue -, ont tenus à La Havane, à Cuba, entre novembre 2012 et août 2016. Depuis qu’il a été annoncé qu’une table de négociation serait mise en place pour discuter d’un programme en six points visant à construire une paix stable et durable, les Afro-descendants et les peuples indigènes ont demandé à être autorisés à participer.

Malgré leur insistance, leurs paroles n’ont pas été entendues, comme ce fut le cas pour la Sous-commission sur le Genre, qui avait été créée pour garantir que les droits des femmes et des membres de la communauté LGBTI seraient harmonieusement inclus dans l’Accord de Paix. Face à ces refus, les communautés ethniques ont réagi avec plus d’insistance et diverses actions de plaidoyer, comme la création de la Commission Ethnique pour la Paix pour unir les forces et même demander le soutien de l’étranger, notamment du Congrès des Etats-Unis.

Ne pas baisser les bras a finalement payé : entre les 26 et 27 juin 2016, les négociateurs du gouvernement national et des anciennes FARC ont reçu une délégation de dix représentants des communautés noires, dix des communautés indigènes et deux des communautés roms. (Lire plus : La longue route des communautés ethniques pour atteindre La Havane).

À cette époque, à Cuba, cinq des six points du futur Accord de Paix avaient déjà été convenus. Les délégués ethniques avaient peu de marge de manœuvre et sont retournés sur l’île des Caraïbes en août 2016. Pour cette raison, sur les 310 pages qui composent le traité de paix avec les FARC, seules quatre donnent vie au Chapitre Ethnique.

Le 24 de ce mois d’août, lorsqu’il a été annoncé au monde que « tout était convenu », les représentants afro et indigènes se battaient toujours pour leurs droits. Ils ont finalement réussi à les faire inscrire comme point 6.2 de l’Accord Final pour la Fin du Conflit et la Construction d’une Paix Stable et Durable.

Son principe directeur reconnaît que les communautés ethniques « ont souffert de conditions historiques d’injustice, du fait du colonialisme, de l’esclavage, de l’exclusion et d’avoir été dépossédées de leurs terres, territoires et ressources ; elles ont également été gravement touchées par le conflit armé ».

Feliciano Valencia, membre indigène du peuple Nasa et sénateur de la République pour le Movimiento Alianza Indígena y Social (MAIS), explique que le chapitre ethnique comprend quatre garanties qui empêchent la mise en œuvre des accords de La Havane de porter atteinte aux droits des peuples ethniques. C’est pourquoi toute politique dite post-conflit doit préserver le caractère primaire et non subsidiaire de la consultation préalable libre et informée ; le droit à l’objection culturelle comme garantie de non-répétition ; l’approche transversale de l’ethnicité, du genre, des femmes, de la famille et de la génération ; et la garantie de non-régression.

Tel était le « petit déjeuner » du Chapitre Ethnique et, depuis cinq ans, on sert le « déjeuner ». Et comme le suggère le vieil adage, sa mise en œuvre s’avère similaire à sa négociation, car elle a été entachée de retards, de non-conformités et de refus.

Approches ethniques et de genre : la dette historique continue

Podcast 24’ – ESP

Nouveau scénario, vieilles habitudes

Tout comme les communautés ethniques n’ont été entendues qu’à la fin des pourparlers de paix, la construction du Plan Marco de Implementación (PMI) [Plan cadre de mise en œuvre], qui est la feuille de route permettant de traduire les dispositions de l’Accord de Paix en politiques publiques, n’a pas eu lieu.

« Quatre mois ont été accordés pour la mise en œuvre du point 6.1 de l’Accord de Paix, relatif à l’élaboration du Plan cadre de mise en œuvre (PMI). Le gouvernement a immédiatement poursuivi sur la voie de l’exclusion systématique des peuples ethniques : nous n’avons pas commencé le processus de construction, alors que les garanties du Chapitre Ethnique l’établissaient », explique Helmer Quiñones, coordinateur de l’équipe consultative de l’Instance Spéciale de Haut Niveau avec les Peuples Ethniques (IEANPE).

Pour remédier à cette carence, les communautés ont eu recours à leur outil le plus puissant : la protestation. « Nous avons également fini par participer à la fin du Plan cadre de mise en œuvre (PMI), entre septembre et décembre 2017, mais à cause de la minga indigène et afro-descendante qui a bloqué la route panaméricaine et a obligé le gouvernement à nous faire participer au processus », se souvient Quiñones.

Par le seul biais des canaux de facto, les quatre pages du Chapitre Ethnique sont devenues 80 dispositions et 97 indicateurs, répartis en 27 volets dans les six points de l’Accord de Paix. Ce décalage a été constant dans la mise en œuvre.

Selon le rapport le plus récent de l’Institut Kroc de l’Université de Notre Dame, qui surveille le niveau de mise en œuvre des politiques post-conflit, en juin dernier (2021), la plupart des points ethniques étaient au minimum.

Mise en œuvre de l’approche transversale à travers les différentes catégories en juin 2021

Déplacez le curseur sur les zones colorées.

Jaune = pleinement mis en œuvre | Bleu = dans une phase intermédiaire | Rouge = progrès minimes | Gris = pas commencé

 

En raison de ce retard, Richard Moreno, coordinateur du Conseil afro-colombien pour la paix (Conpa) et membre du Forum de solidarité interethnique de Chocó (Fisch), affirme que les peuples ethniques éprouvent un sentiment aigre-doux à l’égard de l’accord de paix.

« Nous avions de grands espoirs et espérions que le Chapitre Ethnique servirait à faire des progrès dans la lutte contre le retard historique de nos peuples en termes de besoins fondamentaux non satisfaits. Dans notre évaluation globale, la mise en œuvre est d’environ 8 %. Et les progrès ne sont pas réalisés sur les points les plus importants dont nous avons besoin », déplore-t-il.

Charo Mina, membre du Proceso de Comunidades Negras PCN, qui regroupe des dizaines d’organisations afro-descendantes, est d’accord avec M. Moreno et souligne que les quelques avancées ont concerné de petits projets d’infrastructure.

« Cette situation est très problématique, car cela signifie qu’elle n’est pas en relation aux priorités établies par le Chapitre Ethnique, au niveau des droits territoriaux, mais qu’elle est davantage liée aux engagements du gouvernement national envers les entités territoriales, qui ne sont pas nos priorités en tant que peuples ethniques. Il n’y a pas de titres des terres ou d’extension des territoires collectifs, ni de possibilités de retour pour les personnes déplacées », affirme Mina.

La terre, la principale dette

Différentes organisations afro-descendantes et indigènes s’accordent à dire que la Réforme Rurale Globale présente d’énormes lacunes. Elles soulignent même que le gouvernement national gonfle les chiffres du nombre d’hectares attribués par le biais du Fonds des Terres naissant.

Camilo Niño, président du Secrétariat technique de la Commission nationale des territoires indigènes (CNTI), affirme qu’ils ont découvert cette situation lorsque l’Agence Nationale des Terres (ANT) leur a notifié qu’ils avaient reçu 245 000 hectares du Fonds des Terres, fruit de la mise en œuvre de l’Accord de Paix.

« Lorsque nous avons vérifié, nous avons constaté que les 245 000 hectares proviennent de processus qui étaient en cours avant la signature des Accords de Paix. Par exemple, nous avons une zone de réserve (resguardo) dont on avait demandé sa prolongation il y a 42 ans, et d’autres qui correspondaient à des processus judiciaires, mais qui ont été inclues à la suite de l’Accord de Paix », explique-t-il.

Niño affirme catégoriquement que cet octroi n’est pas possible car les exigences définies à cet effet n’ont pas été remplies. « Il aurait fallu créer un FISO (formulaire d’inscription des sujets de la gestion des terres) et un RESO (registre des sujets de la gestion des terres) indigènes pour le différencier de celui des paysans. À ce jour, il n’existe pas de FISO ethnique, ni de sous-compte ethnique dans le Fonds des Terres. C’est pourquoi nous continuons à nous demander d’où viennent ces terres, si les instructions différentielles que le décret-loi considère n’existent pas », argumente-t-il.

À cet égard, Mina, membre du Proceso de Comunidades Negras PCN, demande le respect de la garantie qui a établi que les processus de réclamation que les communautés ethniques avaient menés avant la signature de l’Accord de Paix ne seraient pas inclus dans la mise en œuvre.

« Le gouvernement a fait preuve d’un titrage collectif des terres qui ne correspond pas aux engagements de l’Accord, mais à des engagements venus du passé. Cela signifie que les nouveaux engagements ne sont pas respectés », insiste-t-il.

Parmi les dettes qu’ils espèrent que l’Accord de Paix aidera à rembourser, il y a le besoin d’environ un million d’hectares pour 200 conseils communautaires qui demandent un titre de propriété collectif. « Il y a des conseils communautaires qui ont perdu de l’espace et n’ont jamais obtenu de titre collectif, comme les 40 conseils du nord de Cauca, parce que les différents gouvernements ont refusé de reconnaître qu’il y a une population afro-descendante dans ces territoires », explique Mina.

Dans une situation similaire se trouvent 779 réserves indigènes dans tout le pays, qui ont acquis des terres par leurs propres moyens par le biais du système général de participation, mais qui n’ont pas été annexées à leurs titres collectifs. Il y a 1 014 demandes d’extension, de constitution et de réglementation dans les bureaux de l’Agence Nationale des Terres ANT. (Lire aussi : « Nous demandons la formalisation de 8 millions d’hectares »).

Sur ce point précis, Niño, de la Commission nationale des territoires indigènes CNTI, précise qu’il n’est pas vrai que les peuples indigènes exigent que l’État leur achète et leur attribue des millions d’hectares, car « nous avons déjà l’usage et la possession de nombreuses zones qui ne demandent qu’à être formalisées ». Bien qu’il n’exclût pas la possibilité que certaines réserves indigènes nécessitent un arbitrage.

Qu’en est-il des Gardes ?

L’une des rares mentions nominales dans les quatre pages du Chapitre Ethnique est consacrée aux mécanismes de protection collective des peuples autochtones : « Le renforcement des systèmes de sécurité propres aux peuples ethniques, reconnus au niveau national et international, tels que la Garde indigène et la Garde Cimarrona, sera garanti ».

Armando Valbuena, secrétaire de l’Instance Spéciale de Haut Niveau avec les Peuples Ethniques IEANPE, une entité créée par l’Accord de Paix pour assurer le suivi de la mise en œuvre des dispositions ethniques, affirme que cette dette demeure en raison du manque de volonté politique du gouvernement national et du fait qu’ils ont reçu peu de ressources.

« L’Unité de Protection Nationale a fourni des ressources pour soutenir certains processus clés de protection collective, mais il ne s’agit pas d’une politique d’État pour exercer un contrôle territorial. Dans la zone du Pacifique, nous sommes présents dans 30 municipalités et nous n’avons pas les ressources nécessaires pour mobiliser les gardes. Des choses simples sont nécessaires, comme les communications dans les régions sans connectivité, c’est pourquoi nous demandons des radios de communication et c’est un long processus qui n’a pas été accepté », dit-il.

La situation de la Garde Cimarrona est pire car elle n’a aucune reconnaissance légale. « Il y a un désaccord avec le gouvernement national pour reconnaître cette Garde comme un mécanisme qui fait partie du système de gouvernement du peuple noir, et il a été très difficile de parvenir à un accord », dit Mina.

Il poursuit : « Il y a un acte de discrimination de la part du gouvernement national à l’égard de la Garde Cimarrona. Il n’a pas besoin d’une loi pour qu’elle soit reconnue, la Garde a la reconnaissance, car elle fait partie du processus de lutte. Cela fait partie des actions discriminatoires du gouvernement. Il n’y a pas de volonté politique de reconnaître le peuple afro-descendant ».

Edwin Mauricio Capaz, l’un des porte-parole du Conseil régional indigène du Cauca (Cric), affirme que la Guardia de ce département a reçu quelques fournitures logistiques qui ne sont pas suffisantes pour les contextes de violence auxquels elle est confrontée : « Ils ont donné des bottes, des radios, des gilets. Des choses utiles pour l’usage quotidien, nous n’allons pas sous-estimer ce qui a été donné ; mais des bottes et des gilets chaque année, par rapport à ce que nous prenons en charge, ne sont pas suffisants pour les dynamiques adverses qui existent dans nos territoires, qui méritent de plus grands efforts. Ils seraient certainement suffisants dans d’autres contextes ». Entre 2016 et 2020, 175 membres de communautés indigènes ont été assassinés dans la seule partie nord du Cauca. (Lire aussi : Le bilan douloureux et implacable des indiens Nasa).

Système intégral, une autre histoire

Dans la mise en œuvre de la Juridiction Spéciale pour la Paix (JEP), de la Commission de Clarification de la Vérité (CVE) et de l’Unité de Recherche des Personnes Disparues (UBPD), contrairement aux autres mesures de l’Accord de Paix, les communautés ethniques ont été prises en compte. Ces trois entités donnent vie au Système Intégral de Vérité, Justice, Réparation et Non-répétition.

À cet égard, Helmer Quiñones de l’Instance Spéciale de Haut Niveau avec les Peuples Ethniques IEANPE affirme que ce cas montre comment la mise en œuvre correcte des garanties du chapitre ethnique change le sort des peuples autochtones.

« Le mécanisme de sélection a reçu le message qu’il devait mettre en œuvre une approche ethnique et raciale. C’est pourquoi nous avons pris soin de choisir Patricia Tobón et Ángela Salazar au sein de la Commission ; nous avions la possibilité que 8 des 38 magistrats soient ethniques ; et dans l’Unité de recherche nous avions un référent similaire et avec sa directrice nous avons conçu un mécanisme de consultation plus sophistiqué et nous avons des voies de dialogue qui ont permis au Plan National de Recherche d’avoir des chapitres spécifiques pour les Afro et les indigènes », dit-il.

Pour Marino Córdoba, président de l’Association des Afro-Colombiens Déplacés (Afrodes), malgré le fait que le Système Intégral ait été fortement contesté par le gouvernement national, c’est le seul élément qui, jusqu’à présent, donne des résultats concrets pour les communautés ethniques.

« Cela fait mal d’entendre cette réalité, mais pour nous, il est important de comprendre comment le conflit nous a affectés différemment. Il y a également eu des progrès en termes de participation, dans la construction des rapports, dans la présentation de nos points de vue, nous avons été entendus et nous sommes représentés. La seule chose que nous pouvons mettre en évidence de tout ce processus de paix, limites comprises, c’est le Système Intégral », précise-t-il.

En ce qui concerne les communautés indigènes, le sénateur Valencia souligne que le travail des trois entités créées pour réparer les victimes du conflit armé peut générer « une reconnaissance et une vérité sur le conflit à partir des voix des communautés indigènes elles-mêmes, car bien que le conflit armé ait profondément affecté de nombreux secteurs sociaux et communautés rurales, les impacts sur les communautés indigènes ont une signification particulière, étant donné qu’ils transcendent l’individualité et ont imprégné le sujet collectif ».

La loupe des organes de contrôle

Le bureau du Procureur général et le bureau du Contrôleur général ont suivi de près la mise en œuvre du Chapitre Ethnique. Dans différents rapports, ils ont mis en cause le retard de sa mise en œuvre et ont demandé que les dettes dues aux peuples ethniques soient réglées rapidement.

Dans son troisième rapport au Congrès sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de l’Accord de Paix, présenté en août dernier (2021), le ministère public a conclu que l’application du Chapitre Ethnique, cinq ans après la signature de l’Accord de Paix, se situe à un niveau très bas.

« Les peuples continuent de subir les conditions historiques d’injustice et d’iniquité et continuent d’être gravement affectés par la dynamique de la reconfiguration du conflit armé interne et l’intensification de la violence dans les territoires », peut-on lire.

L’une de principales critiques portait sur la gestion du Fonds des Terres, étant donné que le sous-compte ethnique n’est pas encore réglementé et qu’aucun fonds ne lui est alloué. Et dans la lignée des plaintes formulées par les porte-parole de la Commission nationale des territoires indigènes CNTI et du Proceso de Comunidades Negras PCN, il a été souligné que la constitution de trois réserves (resguardos) indigènes et l’expansion de deux autres ne sont pas liées à l’Accord de Paix, comme le rapporte l’Agence Nationale des Terres ANT.

À cet égard, Emilio Archila, conseiller présidentiel principal pour la stabilisation et la consolidation, explique que les objectifs atteints pendant le gouvernement du président Iván Duque (2018-2022) sont plus que satisfaisants, car 1,2 million d’hectares sont entrés dans la banque de terres au cours des trois dernières années, alors que l’objectif pour 15 ans est de trois millions, et sur les 7 millions d’hectares qu’il était prévu de donner aux paysans ayant peu ou pas de terres, plus d’un million ont déjà été accordés.

« La formalisation des propriétés des terres fait l’objet d’une discussion aussi bien politique que juridique. Selon le bureau du Procureur général, nous ne devrions pas pouvoir compter les terres qui proviennent de processus antérieurs, ni celles qui sont incultes, mais notre vision est que nous avons besoin de paysans avec des terres », a souligné le fonctionnaire.

Les retards du Programme National Intégral de Substitution des Cultures Illicites (PNIS) ont également été soulignés, car il n’a pas d’orientation ethnique et ce n’est qu’en décembre de l’année dernière (2020) qu’une consultation des communautés indigènes a été convenue pour sa mise en œuvre, mais le gouvernement national « a exprimé sa volonté de mettre en œuvre le programme dans des territoires qui n’ont pas été formalisés en tant que réserves (resguardos), de sorte qu’il n’y aurait pas de consultation avec les communautés qui habitent ces zones ».

Un autre point que le bureau du Procureur souligne est que la consultation préalable, libre et informée « n’a pas été réalisée de manière efficace dans les communautés, il y a donc un risque élevé de régressivité dans cet aspect ». Il s’interroge également sur le fait que ce n’est qu’en mars de l’année dernière (2020) qu’un budget a été alloué à l’Instance Spéciale de Haut Niveau avec les Peuples Ethniques IEANPE pour lui permettre de remplir son mandat de consultant, de représentant et d’interlocuteur sur les questions liées au Chapitre Ethnique.

Pour sa part, la principale critique du Bureau du Contrôleur est que cinq ans après la signature de l’Accord de Paix, il n’existe aucun indicateur permettant de mesurer l’investissement budgétaire pour se conformer à la mise en œuvre du Chapitre Ethnique.

Dans sa radiographie, le Bureau du Contrôleur est d’accord avec le Bureau du Procureur général sur plusieurs points. Cependant, le Bureau du Contrôleur a présenté des conclusions sévères sur la question de la terre, la plus sensible pour les communautés ethniques en raison de leurs besoins et de leur cosmogonie. Il a établi que, jusqu’au 31 mars de cette année (2021), aucun des plans nationaux de réforme rurale intégrale n’avait effectivement intégré l’approche ethnique.

« La participation des peuples ethniques dans la conception et la mise en œuvre des Plans nationaux n’a pas été garantie, parce qu’en plus de l’absence d’une stratégie pour l’attention de cette population, dans certains cas (eau, irrigation) l’absence d’une approche ethnique différentielle a été justifiée dans la nature universelle du service public, et bien que dans les autres cas elle soit mentionnée dans le texte du Plan, elle est seulement mentionnée comme un critère de différenciation », a-t-il détaillé Emilio Archila.

Toutes ces dettes, en plus de la résurgence de la violence dans les réserves (resguardos) et les conseils communautaires, par de nouveaux et d’anciens groupes armés qui se disputent les territoires contrôlés par les anciennes FARC, montrent que le Chapitre Ethnique se limite aux quatre pages de l’Accord de Paix.

Néanmoins, les communautés afro et indigènes ont demandé à leurs dirigeants de continuer à se battre pour la mise en œuvre du Chapitre Ethnique, car elles ne perdent pas espoir de vivre en paix.

 

Sources

Article « Le Chapitre Ethnique se limite au papier » en espagnol et anglais :

https://tortuoso-camino-implementacion.verdadabierta.com/capitulo-etnico-confinado-papel/

https://tortuoso-camino-implementacion.verdadabierta.com/en/the-ethnic-chapter-is-confined-on-paper/

Présentation complète avec les 13 articles :

https://tortuoso-camino-implementacion.verdadabierta.com