Pressenza traduit et publie cette série de 13 articles réalisés par Verdadabierta.com après cinq ans de la signature de l’Accord de Paix en Colombie. Le premier article traduit a été : « L’objectif final est la réconciliation, et elle est obtenue grâce à une vérité incontestable », car – malgré les difficultés – nous pensons et sentons que toutes les tentatives de réconciliation valent la peine d’être racontées.

La matérialisation de l’Accord entre l’État colombien et l’ancienne guérilla des Farc emprunte un chemin sinueux, cahoteux et inégal, qui limite les avancées. Ces difficultés préoccupent les victimes du conflit armé, qui réclament une plus grande rapidité. Le bilan, cinq ans après, est aigre-doux. C’est ce que révèle cette série journalistique de 13 articles :

1– Le silence des fusils a été de courte durée.
2– La Juridiction Spéciale pour la paix (JEP) avance, malgré l’opposition.
3– La Colombie face au miroir de la vérité.
4– L’Unité de Recherche des Personnes portées Disparues (UBPD) n’a pas encore comblé le vide des disparitions.
5– « L’objectif final est la réconciliation, et elle est obtenue grâce à une vérité incontestable ».
6– Le solde en attente pour les femmes et la communauté LGBTI.
7– Le Chapitre Ethnique se limite au papier.
8– La mise en œuvre de l’Accord de Paix s’est avérée fatale pour les dirigeants sociaux.
9– Sécurité des ex-combattants : une dette qui a coûté la vie à 290 personnes.
10– Réintégration de l’ancienne guérilla : Le retour difficile à la vie légale, un bilan doux-amer.
11– Le Programme National Intégral de Substitution des Cultures Illicites (PNIS), un programme mis en œuvre au compte-gouttes.
12– Les Programmes de Développement axés sur le Territoire (PDET) n’ont pas réussi à étancher la soif de bien-être rural.
13– Cinq années de recherche de la paix au milieu des fractures.

 

Cinq ans d’Accord de paix en Colombie : Le silence des fusils a été de courte durée

Grâce au processus de paix, les communautés des régions dominées par les anciennes Forces armées révolutionnaires de Colombie Farc (Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia) ont pu vivre en paix pendant un certain temps. Cependant, préalablement aux promesses de l’après-conflit, de nouveaux groupes armés sont arrivés et la violence est revenue.

« Alors que dans le pays l’on parlait de paix et de la mise en œuvre des accords afin de parvenir à la non-répétition de la violence, dans nos territoires les menaces, les assassinats sélectifs et les massacres sont vite revenus », déplore Juan Manuel Camayo, coordinateur du Réseau de Défense de la Vie (Tejido de Defensa de la Vida) de l’Association des Conseils Indigènes du Nord du Cauca Acin (Asociación de Cabildos Indígenas del Cauca Norte), chargé de suivre les violations des droits humains subies par le peuple Nasa.

Entre fin 2016 et début 2017, les Farc ont déposé les armes conformément à l’Accord de Paix et l’on s’attendait à ce que l’État reprenne globalement les zones contrôlées pendant des années par l’ancienne guérilla, en assurant le développement et la sécurité, pour combler cette absence de pouvoir, pour éviter de nouveaux cycles de violence, et régler les dettes historiques endurées par les communautés les plus touchées par le conflit armé.

Cependant, la criminalité a été plus rapide que l’institutionnalisme. Ainsi, la situation décrite par Camayo n’est pas exclusive à sa région : elle s’est reproduite dans différents départements du pays.

Les groupes armés qui étaient autrefois proches des anciennes Farc, les guérilleros qui se sont distancés du processus de paix, et les hommes qui ont repris les armes après leur démobilisation, ont gagné la course et se sont retrouvés impliqués dans de nouveaux conflits pour le contrôle du territoire. Ceux qui en paient le prix sont les communautés paysannes, noires et indigènes, à qui l’Accord de paix avait promis que la violence ne se répéterait pas ; mais cinq ans plus tard, cette promesse n’a toujours pas été tenue.

C’est ainsi que Michel Forst, alors rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits humains, l’explique dans son rapport sur la situation en Colombie en 2019 : « la démobilisation des Farc – armée populaire Farc-EP (Farc – Ejército del Pueblo) n’a pas entraîné la mobilisation et la présence intégrale de l’État dans les zones précédemment sous leur contrôle, ce qui a permis la réorganisation du pouvoir entre les mains de groupes armés illégaux et de groupes criminels autour d’économies illicites, face à l’inaction et / ou l’absence de l’État ».

Les communautés de Nariño, Cauca, Chocó, Antioquia, Córdoba, Bolívar, Putumayo, Caquetá, Meta, Guaviare, Arauca et du Nord de Santander ont pu se reposer du vacarme produit par la détonation de fusils et d’explosifs lors de la phase finale des négociations de paix qui ont eu lieu à Cuba et des premiers mois de mise en œuvre de l’Accord qui a mis fin à une guerre de plus de 50 ans.

Entre novembre 2012 et août 2016, les délégués du président de l’époque, Juan Manuel Santos (2010 – 2018) et les anciennes Farc ont négocié un agenda en six points pour établir l’Accord Final pour la Fin du Conflit et la Construction d’une Paix Stable et Durable. Pendant cette période, les déplacements forcés, les captivités, les massacres, et les décès de civils dus aux affrontements entre groupes armés ont diminué.

Le seul indicateur qui a augmenté pendant cette période est celui des menaces et celles-ci sont liées aux pourparlers : les réunions que les victimes du conflit ont eues avec les négociateurs à La Havane ont déclenché une vague de menaces massives. (Lire la suite : Victimes à La Havane : ceux qui y sont allés et ceux qui n’y sont pas allés).

Le paradoxe est qu’à partir de 2017, au moment même où la mise en œuvre de l’Accord de Paix et des politiques dites de post-conflit a commencé, les chiffres de la violence ont à nouveau augmenté. Cette fluctuation se reflète dans les différents indicateurs consolidés par le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humaines (OCHA).

Déplacements forcés                                              Confinements                                                    Massacres

Victimes civiles des actions de guerre                    Disparitions forcées                                                      Menaces

La désescalade et l’intensification du conflit se reflètent également dans les indicateurs au fil du temps. Pendant les négociations de paix, les affrontements entre les forces de sécurité et le plus grand groupe armé du pays ont diminué, ce qui a eu un effet positif. Après la démobilisation, les affrontements ont augmenté en raison de conflits territoriaux impliquant d’anciens et de nouveaux groupes armés. La plupart des indicateurs et des cas consolidés par OCHA enregistrent le tournant vers l’escalade de la violence au cours de l’année 2017.

Combats                                                      Harcèlements                                                     Attentats

Incursions                                      Attaques infrastructures forces de l’ordre           Confrontations entre acteurs non étatiques

Au sujet de ce panorama, Andrés Cajiao, chercheur dans le domaine de la dynamique des conflits de la Fondation Idées pour la Paix FIP (Fundación Ideas para la Paz) souligne que, depuis que les Farc ont déposé les armes, le pays est passé par trois étapes distinctes.

La première est le développement de nouveaux groupes armés. Ceci est dû aux chefs des anciennes Farc qui se sont distancés du processus de paix avant la signature de l’Accord, ainsi que l’a fait Miguel Botache Santilla, alias « Gentil Duarte », qui opère dans les départements de Meta et Guaviare.

L’étape suivante est celle de la reconfiguration territoriale, qui s’est produite entre 2018 et 2019 lorsque « d’importantes recrudescences sont observées dans différentes zones du pays, comme dans le Pacifique : Nariño, Cauca et Catatumbo ; l’on voit aussi l’expansion de l’armée de libération nationale Eln (Ejército de Liberación Nacional) au sud du Chocó, et les intentions des groupes d’Autodéfenses Gaitanistas de Colombie Agc (Autodefensas Gaitanistas de Colombia) pour occuper le Chocó depuis Urabá. » (Lire la suite dans : « Radiographie des 30 groupes qui ont émergé après le désarmement des Farc »).

La dernière étape a eu lieu à partir de fin 2019, avec la résolution de certains conflits : « L’Eln reste dominant à Catatumbo, bien qu’il y ait un conflit à Tibú ; Arauca s’est stabilisé ; dans le sud du Meta, le Bloc Jorge Briceño est demeuré sous le commandement de ‘Gentil Duarte’ et ‘d’Iván Mordiscó’ ». Toutefois Cajiao précise que des affrontements intenses persistent à Nariño, Chocó, Cauca, Bolívar, et Bajo Cauca Antioqueño.

 

Nouveau scénario

À la suite des démobilisations des Autodéfenses Unies de Colombie Auc (Autodefensas Unidas de Colombia) et des guérillas des Farc, qui ont eu lieu respectivement entre 2003 et 2006, et entre 2016 et 2017, la dynamique du conflit armé en Colombie a considérablement changé. Elle est passée d’un conflit entre de grandes structures armées, avec une hiérarchie verticale marquée et une portée nationale, à des conflits entre plusieurs groupes avec des portées locales et régionales.

« Nous avons appelé la situation actuelle des conflits focalisés ou des confrontations armées focalisées, pour la distinguer de la décennie précédente, où il y avait une situation de guerre plus ou moins généralisée. Maintenant il y a un changement, où la situation est passée par une période de désescalade après 2012, et nous sommes entrés dans une période de conflits de basse intensité », explique Camilo González Posso, président de l’Institut d’études sur le développement et la paix (Indepaz).

Le 4 octobre dernier, ce centre d’études publique a publié le rapport Les Foyers de Conflit en Colombie (Los Focos del Conflicto en Colombia) dans lequel il caractérise les groupes armés actuels et leurs actions. Parmi elles, figurent 22 structures de groupes apparus après la démobilisation des Auc et connus sous le nom de narco-paramilitaires, 30 structures post-démobilisation des Farc, et huit fronts de guerre de la guérilla de l’Eln.

Cette enquête indique qu’en 2020, les groupes néo-paramilitaires étaient actifs dans 291 municipalités, les Farc réarmées et dissidentes dans 123 et l’Eln dans 211. L’enquête a révélé huit foyers de confrontation.

 

Régions de conflit

Cliquez sur ce lien Régions en conflit et Déplacez le curseur sur les zones colorées.

Source : Rapport Los Focos del Conflicto Armado en Colombia de Indepaz. Créé avec Datawrapper

À cet égard, le rapport indique que ces « foyers territoriaux ne sont pas de nouveaux scénarios de conflit, mais qu’en leur sein, la dynamique a été transformée par la reconfiguration armée et, avec elle, les niveaux de violence ou les interconnexions entre eux. »

González souligne que la situation actuelle est le produit des difficultés de la transition vers l’après-conflit : « Avec la signature de l’Accord de Paix, les problèmes structurels de conflits armés pour les territoires et le pouvoir n’ont pas été résolus » : ils font partie d’un modèle qui préconise l’utilisation des armes pour s’enrichir et conserver le pouvoir. Ces conflits sont très violents et continuent d’avoir un impact sur 300 municipalités du pays.

D’un autre côté, Kyle Johnson, chercheur à la Fondation Réponses aux Conflits (Core, Fundación Conflict Responses) affirme que le conflit armé a une portée plus réduite, se dégrade et se criminalise : « Il va devenir de plus en plus local et régional. Je ne pense pas que la Colombie aura un conflit avec des acteurs qui pensent menacer le pouvoir de l’État central et qui resteront au niveau local. »

En ce qui concerne la dégradation, il affirme qu’elle est liée à l’augmentation de l’intensité des luttes pour le contrôle territorial : « Dans le cadre de ces conflits, il y a une dégradation en termes de répertoire des violences contre la population civile. Les actes de violence sont plus cruels qu’avant les négociations de paix avec les Farc. C’est pourquoi il y a une augmentation de séquestrations et de meurtres. « (Lire plus dans : Les massacres, une stratégie de terreur lors de confrontations multiples, et En 2020, il y a eu 147 massacres ?)

L’une des principales raisons que Johnson attribue à cette dégradation est la jeunesse et le manque de formation des responsables des groupes armés illégaux. « Les acteurs principaux sont plus jeunes que les acteurs avec les Farc et les Eln il y a 15 ans. Ce sont des jeunes qui ont grandi dans un contexte très différent, à un moment international différent et dans une culture locale différente. Ils n’ont pas de racines dans la lutte paysanne, » dit-il.

Camayo d’Acin, est d’accord avec cette approche, affirmant que l’après-conflit a été beaucoup plus grave que le conflit armé : « L’Accord de Paix a eu pour effet de diviser les structures armées, et maintenant l’on ne sait pas avec qui parler des questions humanitaires. Il n’y a aucun moyen de dialoguer et les acteurs ne respectent pas les communautés ou leurs autorités. »

Malheureusement, les faits confirment cette affirmation, puisque dans le nord du Cauca, la décision des réserves indigènes d’exercer leur droit à l’autonomie territoriale et à l’autogouvernement – après la démobilisation des anciennes Farc -, a coûté la vie à des douzaines de membres de la Garde indigène et des autorités ancestrales, car ils s’opposaient à la présence de groupes armés et à l’exploitation de revenus illégaux. (Lire plus dans : Le bilan douloureux et incessant de la Nasa).

Six groupes dissidents des Farc sont présents dans le Cauca, groupes qui se sont séparés des 6e et 30e fronts : La colonne Jaime Martinez, la colonne Dagoberto Ramos, le front Carlos Patiño, le front Rafael Aguilera, le front Ismael Ruiz et le front Diomer Cortés. À cela s’ajoute l’Eln, et des menaces circulent constamment au nom des « Aigles Noirs » (Aguilas Negras) et de l’Agc, bien que la police affirme qu’il n’y a pas de présence de groupes paramilitaires dans ce département.

Les effets de la reconfiguration ou de la désorganisation des groupes armés pendant l’après-conflit se font également sentir au Catatumbo. Wilfredo Cañizares, directeur de la Fondation Progresser (Fundación Progresar), qui surveille les violations des droits humains dans cette région frontalière du département de Norte de Santander, souligne qu’avant 2016, le contrôle de chaque groupe armé était différencié.

« Après les accords, il existe aujourd’hui trois groupes de dissidents dans la région : le 33e front, qui, selon le gouvernement, travaille avec ‘Gentil Duarte’, la deuxième Marquetalia, d’‘Iván Márquez’ ; et le 41e front, d’‘Otoniel’. La situation est passée d’un 33e front clairement établi avec son domaine et ses intérêts à trois groupes dissidents des Farc dans la région. Il y a des tensions entre le 33e et le 41e front, mais heureusement la confrontation entre l’armée populaire de libération Epl (Ejército Popular de Liberación) et l’Eln a diminué ».

Cinq ans après la signature de l’Accord de Paix, les communautés qui ont le plus souffert de la guerre éprouvent un sentiment de désespoir. C’est ce que pense Richard Moreno, membre du Forum interethnique de solidarité du Chocó Fisch (Foro Interétnico Solidaridad Chocó), un espace où les communautés noires et indigènes promeuvent un accord humanitaire pour ce département qui souffre constamment de déplacements forcés et de séquestrations en raison des affrontements entre l’Agc, l’Eln, et les forces publiques.

« La signature de l’Accord a généré des niveaux de tranquillité que nous n’avions pas connus auparavant, mais cela a duré environ un ou deux ans. Nous pensons que le gouvernement national n’a intentionnellement pas exercé de contrôle, avec des investissements sociaux, sur les territoires laissés par les Farc, et a permis le recyclage et la reconfiguration des acteurs armés, ceux qui étaient déjà là, et ceux qui sont arrivés plus tard. Aujourd’hui nous continuons avec la même absence et le même déni de l’État, la même apathie de la part des gouvernements locaux, et les communautés continuent de subir les pires conséquences. » (Lire plus dans : En moins d’un mois, San Juan est devenu un enfer).

 

Et les autorités ?

Au milieu de la spirale de violence actuelle, dans laquelle augmentent année après année les assassinats de chefs sociaux et d’anciens combattants des Farc en voie de réincorporation, les massacres, les déplacements forcés et les séquestrations, le Ministère de la Défense présente des chiffres avec lesquels il réfute les critiques formulées par différents secteurs sociaux.

En réponse à une demande de VerdadAbierta.com, ce portefeuille gouvernemental affirme qu’afin de consolider et protéger les régions où se trouvaient les anciennes Farc, la Police Nationale a réalisé 866 opérations entre le 24 novembre 2016 et le 30 septembre dernier, et les Forces Militaires maintiennent onze « grandes opérations » conjointes dans le pays.

Et que de plus, afin de respecter les objectifs de la politique de Défense et Sécurité, le portefeuille a exécuté le Plan stratégique Victoria de stabilisation et de consolidation, le plan de guerre Victoria Plus, et l’actuel Plan de guerre Bicentenaire Héros de la Liberté.

Il présente aussi les résultats obtenus en termes de saisies de drogues, de destruction de laboratoires de transformation de stupéfiants, d’éradication d’hectares cultivés en coca, et de captures liées à l’exploitation minière illégale ; ce sont les deux principales sources de financement des groupes criminels.

 

Progrès dans la lutte contre la drogue

Données du 24 novembre 2016 au 30 septembre 2021

24 Nov-Déc               Jan-Déc                Jan- Déc                  Jan- Déc              Jan-Déc                  Jan-Sep

2016                      2017                       2018                          2019                   2020                          2021

Traduction colonne variable : Coca base saisie / Basuco (crack) saisi / Cocaïne saisie / Héroïne saisie / Feuille de coca saisie / Infrastructures de production de drogues illicites détruites * / Marijuana saisie / Apports liquides saisis (gallon) / Apports solides saisis / Éradication des cultures illicites (hectares) **

*Comprend les laboratoires, les cuisines, les cristallisoirs et les centres de collecte de marijuana.

**Comprend l’éradication des cultures de coca, de pavot et de marijuana.

Source : MinDefensa Créé avec Datawrapper

 

Actions contre l’exploitation illégale des minéraux

Données du 24 novembre 2016 au 30 septembre 2021

24 Nov-Déc   Jan-Déc         Jan-Déc         Jan-Déc       Jan -Déc        Jan-Sep

2016              2017              2018             2019              2020                2021

Traduction colonne variable : Captures / Interventions dans des mines illégales / Machines jaunes (pelleteuses et bulldozers) / Autres machines (dragues, classificateurs, mélangeurs et concasseurs)

Source : Commandement Général des Forces Militaires et Police Nationale Consolidé par la Direction des Études Stratégiques du Ministère de la Défense créé avec Datawrapper

 

D’autre part le Ministère de la Défense souligne que les opérations des forces publiques ont permis de capturer, tuer ou démobiliser 27 281 membres de l’Eln, du “Clan del Golfo” (Autodéfense Gaitanistas de Colombie), de “Los Caparros”, de Los “Pelusos” et de “Los Puntilleros”, parmi d’autres groupes armés illégaux. Il indique également qu’au cours des cinq dernières années, 358 membres en uniforme des Forces armées et de la police nationale ont été blessés et 98 ont été tués. (Voir ici pour les réponses du Ministère de la Défense).

 

Actions des Forces Publiques contre les groupes armés

Pour voir les résultats de chaque groupe armé cliquez sur le petit triangle noir sous le titre :

Eln : Ejército de Liberación Nacional (Armée de libération nationale)
Agc : Autodefensas Gaitanistas de Colombia
Disidencias Farc (GAO-R) : Dissidents des Farc [GAO-R, Grupos Armados Organizados Residuales (Groupes armés organisés résiduels)]
Caparros : GAO, Grupo Armado Organizado (Groupe armé organisé)
Pelusos : GAO. Disidencia EPL, Ejército Popular de Liberación. (GAO. Dissidents de l’EPL, Ejército Popular de Liberación.)
Puntilleros : GAO, Grupo Armado Organizado (Groupe armé organisé)
Grupo Delincuencial Organizado (GDO): Groupe criminel organisé

(jaune) Démobilisés      (bleu) Capturés       (rouge) Tués pendant les opérations

Source : Commandement Général des Forces Armées et de la Police Nationale. Consolidé par la direction des Études Stratégiques du Ministère de la Défense. Tableau Flourish

 

Si les forces de sécurité de l’État ont agi de manière cohérente durant la période dite d’après-conflit, comme le montrent les chiffres, pourquoi la violence explose-t-elle dans certaines régions ?

Andrés Cajiao, de la fondation Idées pour la Paix FIP (Fundación Ideas para la Paz), affirme que le rôle des forces de sécurité a été différencié et a eu des résultats différents. Selon son analyse, elles ont réussi à empêcher le renforcement de certains dissidents des Farc, comme dans le sud de Tolima, mais leurs actions ont également causé des désordres criminels : « Lorsque leurs dirigeants principaux sont attaqués, les groupes se fragmentent et de nouveaux scénarios de violence sont créés ».

Il ajoute : « En général, l’État a été réactif. Il met fin aux conflagrations lorsque la violence et les homicides augmentent considérablement, en déployant davantage de force. Les forces de sécurité ont mis du temps à s’adapter à la nouvelle logique de confrontation, où il n’y a plus de confrontations directes, et où les groupes tentent d’être moins visibles. »

Les groupes armés ont désormais une plus grande capacité à se recomposer, soutient Cajiao, et il affirme qu’« ils ne sont plus ces structures suprêmement hiérarchisées, dans lesquelles l’élimination d’un chef implique un changement structurel marqué ou un remplacement difficile. Les structures deviennent plus dynamiques et horizontales. »

Jorge Restrepo, professeur à l’Université Javeriana et directeur du Centre de Ressources pour l’analyse de Conflits Cerac (Centro de Recursos para el Análisis de Conflictos) estime que l’Accord de Paix tout seul ne suffit pas pour répondre aux problèmes de sécurité actuels. Pour cette raison, il affirme qu’il est nécessaire de réformer le secteur de sécurité pour l’après-conflit, ainsi que le système judiciaire, qui ne dispose pas des mesures nécessaires pour faire face au crime organisé.

« Pourquoi vivons-nous des temps violents malgré le processus de paix ? », se demande Restrepo. Et il répond : « Parce que la fin du conflit avec les Farc n’a servi que les intérêts des groupes de crime organisé. Dans cette fin de conflit, l’absence de politiques contre le crime organisé a fini par l’aider à se réinventer et à s’étendre. Ce processus de réorganisation s’est avéré particulièrement violent. »

La mise en œuvre complète de l’Accord de Paix est une demande de différents secteurs sociaux. Ils estiment que si la réforme rurale intégrale, le programme national de substitution des cultures PNIS (Programa Nacional Integral de Sustitución de Cultivos), la commission nationale des garanties de sécurité (Comisión Nacional de Garantías de Seguridad), entre autres mesures, progressaient à la vitesse voulue, les perspectives seraient différentes.

« Chaque point qui n’a pas été mis en œuvre, ou qui a été mis en œuvre au compte-gouttes, a facilité le recyclage de la violence. L’Accord de Paix ne peut être mis en œuvre petit-à-petit car il est global. Le point 3.4 qui concerne les garanties de sécurité a échoué parce que plus de 290 ex-combattants ont été assassinés, mais l’on peut dire également que le Programme national global de substitution des cultures illicites PNIS n’a pas été mis en œuvre au cours des six premiers mois, alors qu’il était essentiel pour retirer le pouvoir des mains des mafias », déclare González, d’Indepaz.

En fin de compte, comme ce fut le cas pendant la période la plus dure du conflit armé, ceux qui supportent les conséquences de la situation sont les habitants des campagnes, les réserves indigènes, et les conseils communautaires des communautés noires. Une fois de plus, ils sont à la merci de ceux qui s’installent sur leurs terres avec des armes en bandoulière ou dans leurs pantalons.

« Le processus de paix a été un échec pour ceux d’entre nous qui ont souffert du conflit armé. Il n’a pas permis la vision et les désirs que les communautés avaient : ne plus entendre de coups de feu, vivre en paix avec leurs familles et faire des rêves paisibles. Aujourd’hui, cette tranquillité d’esprit ne se reflète pas. Les parents pleurent le recrutement de leurs enfants et subissent des menaces pour avoir tenté de les sauver des groupes armés », reproche avec beaucoup d’émotion le chef indigène Juan Manuel Camayo depuis les montagnes du Cauca, où les fusils ne cessent de rugir.

C’est ce qui s’est passé et continue de se passer dans diverses régions de Colombie où, cinq ans plus tard, la promesse de non-répétition de la violence est restée « enfermée » dans les 310 pages de l’Accord Final pour la Fin du Conflit et la Construction d’une Paix Stable et Durable.

 

Sources

Article « Le silence des fusils a été de courte durée » en espagnol et anglais :

https://tortuoso-camino-implementacion.verdadabierta.com/silencio-fusiles-duro-poco/

https://tortuoso-camino-implementacion.verdadabierta.com/en/silence-rifles-did-not-last-long/

Présentation complète avec les 13 articles :

https://tortuoso-camino-implementacion.verdadabierta.com/

 

Traduit de l’anglais par Evelyn Tischer, révision Ginette Baudelet