Comment la pratique du vélo à plusieurs peut-elle créer du lien social ? Pourquoi militer en tant que cyclistes et comment ? Comment le vélo peut-il être un outil social et solidaire ?… Tant de questions qu’on aborde dans ce podcast participatif, fait par les intervenantes et pour toutes celles et ceux qui ont des trucs à dire. Dans “Salut, ça roule ?”, on explore des façons de faire différemment ensemble, des initiatives militantes, une culture commune à vélo.
Épisode 4 sur 4 : Sur un cargo, en mécano, ou en voyage: Les initiatives queer, féministes et MINT à vélo
Transcription
Pour le dernier épisode de ce podcast je me suis demandée de quoi je pouvais parler. J’avais envie de faire un peu une synthèse, mais pas un résumé, de poser des questions qu’on avait seulement effleuré. Bref ça m’a paru évident : il fallait bien parler des problèmes d’accès et d’inclusion sociales dans cette culture cycliste. Et mon expérience personnelle m’a amené à me pencher sur la question du genre dans ces milieux-là.
Le vélo se démocratise dans les années 1890, comme l’illustre l’ouverture en Angleterre du premier club de cyclisme féminin, en 1892. C’est aussi la décennie durant laquelle Annie Londonderry réalise un tour du monde à vélo à partir de Chicago. L’année suivante, l’Américaine Maria Ward publie le premier ouvrage sur le cyclisme à destination des femmes : un guide à visée émancipatrice dont l’objectif est de leur apprendre à être autonomes dans l’achat, la conduite et l’entretien d’un vélo. Maintenant on est en 2025, les meufs ont le droit de faire du vélo, mais pour autant la question ne semble pas complètement derrière nous.
D’abord le vélo n’est pas un objet neutre du point de vue du genre. Dans sa pratique mais aussi dans sa connaissance, sa mécanique, l’accès ou les opportunités d’apprendre qu’on a est inégal en fonction de notre socialisation genrée. Les milieux cyclistes sont encore majoritairement masculins, le sport en général aussi, tout comme le bricolage. Bref, ça manque de copaines (écriture inclusive de copains et copines) mais tous ces problèmes-là sont souvent des non-dits. Personne ne dit à une meuf qu’elle n’a pas le droit de venir bricoler dans un atelier. Mais l’ambiance, la réaction des gens à une question, l’absence d’autres nanas, les remarques comme “wow t’es une meuf qui sait bricoler ?”… Tout ça rend l’accès à ces lieux complexes. Donc il faut commencer par expliquer comment et pourquoi c’est encore un problème.
Deuxièmement c’est l’occasion de créer du lien autour du vélo, pour créer des espaces à soi, qui nous ressemble, où on se sent bien et légitime.
Dans cet épisode on va essayer d’expliquer pourquoi les initiatives queer sont importantes autour du vélo. Et aussi de qui on parle quand on dit queer? Et pas juste meufs? Ou féministes? Ou Mint?
Pour commencer quelques définitions:
Queer vient de l’anglais et signifie à l’origine “étrange”. Aujourd’hui on l’utilise pour désigner tout ou une partie des minorités sexuelles et de genre, c’est-à-dire les personnes ayant une orientation sexuelle ou une identité de genre différente de l’hétérosexualité ou de la cis-identité.
MINT signifie meuf-intersexe-non binaire-trans, c’est une catégorie de mixité choisie qui n’inclue par les hommes cis-genre.
La mixité choisie consiste à se réunir entre personnes appartenant à une ou plusieurs minorités opprimées et discriminées, en excluant la participation de personnes appartenant aux groupes pouvant être oppressifs et discriminants. C’est un outil d’auto-émancipation utilisé pour organiser les luttes pour la justice sociale.
Cisgenre désigne une personne dont l’identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance. Par exemple, une personne née avec des organes génitaux masculins qui s’identifie en tant qu’homme est considérée comme cisgenre. En d’autres termes, une personne cisgenre est en accord avec le genre qui lui a été attribué à la naissance, qu’il soit masculin ou féminin.
Alleycat Queer et questionnements chez les coursièr.es
Photo durant la Queercat de Nantes. (Crédit photo : Tom)
Tom est coursier à Nantes depuis quelques années. Grâce à un ami en commun, on a pu discuter des initiatives queer autour du vélo. Entre coursiers on a été ravis de parler un peu des questions de genre dans ce milieu là. Dans l’entreprise ”BiciCouriers” (BiciCouriers) où il travaille, on réfléchit beaucoup à ces thématiques là.
“Moi c’est Tom, je suis une personne trans, je suis blanc et de classe moyenne, c’est un peu pour me situer en termes de privilèges. Je trouvais ça important. Et après, mon parcours, un peu classiquement, j’ai fait une école d’ingénieur. Après, j’ai un peu bossé dans le bâtiment du coup. Et ensuite, j’ai été développeur web. Ensuite, je me suis trouvé une passion pour le vélo et j’ai un peu fait un truc que j’en avais marre. De ce que je faisais et que ça n’avait pas de sens pour moi, donc je suis devenue coursier à vélo. Du coup, ça fait deux ans maintenant que je suis coursier à vélo à Nantes. Bah en fait, j’ai commencé à faire du vélo avec des potes.
Avec des potes et j’ai été dans un groupe un peu alternatif à Nantes. Tu fais du vélo tous les mercredis soirs. Genre, c’est un peu un regroupement. Tous les mercredis soirs, tu viens avec ton vélo et tu vas faire du vélo. C’est très vélo, c’est très sportif. Du cycliste de route, quoi. C’est très sportif, c’est ce milieu-là, quoi. Et j’ai commencé à aller rouler là-dedans. C’est très, aussi un peu compétitif. C’est beaucoup de mecs Cis-Het blancs qui roulent à fond les ballons pour se défouler, quoi. Moi, j’ai commencé à rentrer là-dedans, à rouler à fond et à faire un peu de longue distance aussi, vu que c’était vraiment la vibe aussi du groupe. J’ai appris plein de trucs.
J’ai commencé aussi à vouloir monter mes propres vélos, des trucs comme ça. Comme ça, il y avait vraiment une grosse communauté avec beaucoup de partage d’infos. Et dans ce groupe-là, du coup, il y avait aussi, du coup, des personnes qui bossaient là où je bosse actuellement. Et qui m’ont dit, genre, euh, on cherche quelqu’un. Moi, je ne savais pas trop quoi faire, vu que j’avais un peu tout lâché. Du coup, je me suis retrouvé là-dedans. C’est ça.
Moi, je me considère comme une personne queer. Enfin, après, ça a beaucoup de définition aussi, queer. Dans le sens où je rentre dans le LGBT. Et aussi, je, genre… C’est aussi un look queer qui est un peu plus politique, qui remet en cause la binarité de ce monde. C’est aussi quelque chose qui me parle aussi dans ma façon de vivre aussi ma vie. Donc ça, ça me parle et du coup, ça fait pont sur le fait que j’aime le vélo. Et du coup, c’est grave des espaces que je questionne d’avoir des espaces de personnes queers. Quels espaces on a nous en tant que personnes queers pour faire du vélo, quoi ? Là, dans le collectif dans lequel je bosse, où on fait de la livraison à vélo, c’est une entreprise, quoi, mais on est trois. Et moi, quand je suis arrivé, déjà, il y avait une dynamique de, on veut embaucher, en fait, des personnes queers.
On veut rendre accessible le métier de coursier et coursière à vélo qui est un milieu quand même pas forcément facilement accessible, le profil classique des coursiers à vélo en France c’est des hommes de 6 hétéros blancs de 30 ans. Du coup, comment on fait pour, pour qu’il y ait aussi… faut qu’il y ait des personnes queers aussi dans ce métier. Donc moi, il y avait déjà cette vibe-là quand je suis arrivé et c’est vrai, ça fait partie des critères: je me suis fait embaucher aussi par rapport à ça. Et aussi la réflexion d’en faire un espace bien pour nous, quoi. Et du coup, ça fait partie des réflexions qu’on a dans ce collectif, bah, d’embaucher, d’être entre personnes queers. Enfin, on n’est, on n’est que trois, donc, euh, c’est limité, mais, mais oui, c’est un peu d’en faire un espace assuré.
On continue de se poser des questions de genre, qu’est-ce que ça veut dire queer, c’est qui les personnes queer, est-ce qu’il y a des personnes aussi qui sont pas, qui se définissent pas queer, mais en fait qui sont queer d’une certaine manière parce que on ne rentre pas dans certaines normes. Mais oui, d’en faire un espace où on se sent bien, où on peut arriver et dire, et pouvoir échanger sur le fait qu’on se fait mégenrer par certains clients et que ça nous saoule. D’avoir ce genre de discussion qui soit dans nos quotidiens.
Ouais. Et euh, on est que trois à bosser mais en vrai on a aussi l’idée de, on a beaucoup invité des personnes aussi à venir, et prendre des cargos qu’on a, et du coup de former des gens. Des personnes queers qui veulent utiliser des cargos, bah nous on en a, vas-y viens, essaye. Faire un peu, moi j’utilise pas beaucoup ce mot, mais un peu de, l’empouvoirment via le vélo quoi, et de, d’ouvrir, de donner accès à notre espace aussi.
Non, c’est trop intéressant, en vrai. Enfin, nous, on est encore en train de réfléchir là-dessus parce que c’est des trucs qui bougent tout le temps, en fait, de ce que les gens mettent quelle image derrière quel mot. C’est vraiment des bails de mixité choisie, quoi : qu’est ce que ça veut dire quand on dit espace de mixité choisie? Mais, comme tu disais, espace de mixité choisie féministe, ça veut pas dire la même chose pour nous. Pour les gens queer. Et du coup, on utilisait plutôt le mot queer. Mais là, en discutant aussi avec des, certaines personnes, avec, même des meufs trans qui disent, “nous, queer, en fait, ça nous correspond pas forcément, on s’y sent pas forcément bien non plus dans ces espaces.”
Et ils sont remplis de qui, aussi, ces espaces qu’on nomme queer ? Il y a aussi MINT, où c’est meuf, intersexe, non-binaire, trans. Ces endroits-là, ils sont remplis de quelles personnes et quelles personnes n’y a pas vraiment accès ? Parce que c’est dur, c’est dur d’y entrer. En y réfléchissant, est-ce que c’est vraiment aussi accessible pour les personnes trans ?
Y ‘a beaucoup de meuf cis dedans, on se sent pas forcément très à l’aise, surtout quand on est une personne trans avec un passing très masculin, et que du coup, on a un passing de mec cis. A quel moment on est pas très bien regardé non plus par des personnes qui sont très misandres, quoi. Donc c’est toujours des réflexions comme ça qu’on a. Pareil pour les, les meufs trans qui ont des copains, copains gays, c’est pas forcément des espaces ouverts, quand on est dans des espaces mint et qu’on dit y a pas de mec cis. Donc quand on est un mec trans, on est obligé de s’outer, quoi.
Donc, c’est des vraies questions qu’on se pose, de quels mots on utilise en permanence, et comment ça évolue aussi, quoi. S’outer c’est faire son coming out, dire : moi, je suis un mec trans, quoi. Arriver dans un espace et devoir dire moi je suis un mec trans parce que sinon, tu te fais mal regarder parce qu’on pense que t’es un mec cis et que t’as pas ta place là en fait. Oui du coup ce qui ne rend pas l’espace très accueillant. C’est important qu’il y ait des espaces pour, pour tout le monde et enfin, oui ça fait partie de… Enfin, l’outil de la mixité choisie il est… Il est super, enfin, il a des limites, mais il est important dans notre société actuelle. On a besoin de créer ces espaces-là, et créer des espaces courts, c’est super. Moi, ça m’a, ça m’a sauvé, quoi, d’avoir ces espaces-là.
Enfin, en vrai, c’est via le collectif de livraison à vélo, du coup, bah, on traîne dans les milieux de, enfin, les alley cat, ça fait partie de…de la culture du coursier à vélo, quoi. Et du coup, on s’est dit, vas-y, c’est trop bien les alley cat. On a envie que les queer, ils puissent faire des allées 4 aussi. Et du coup, on l’a appelé la queer-cat. C’est pas très original. On a créé, du coup, une allée-cat, et on a choisi queer, maintenant, on est plutôt sur du queer en questionnement, ou du trans…du TPG, Transpédé, Gouine en questionnement, enfin, on est en réflexion aussi, mais… Mais, du coup, ouais, c’est de refaire des alley cat en dégommant un peu les concepts de,grosse compétition, et plutôt faire un truc plus fun, ou qui est accessible à plus de personnes qui n’iraient pas dans les alley cat classiques (“Salut, ça roule ?” Épisode 2 sur 4 : les Alley Cat, explorons la ville !). Et sans podium, avec des lots, mais où les personnes sont tirées au sort, que les bénévoles gagnent des lots aussi. Le finish, qu’il soit pas forcément basé sur de la consommation d’alcool aussi. De recréer ça, reprendre le concept de l’alley cat qui est trop bien quoi, et d’essayer d’en faire un autre truc, pour d’autres personnes quoi.
Ouais là on en a fait trois, c’est trop cool, à part… des petits problèmes de météo mais… Nantes quoi. Mais ouais en vrai c’est trop bien, et là du coup on a envie que ça continue. Après on va faire une passation parce que dans les personnes qui organisait, il y en a certaines qui sont plus là. C’est repris par d’autres personnes, en plus c’est trop cool quand s’est repris par d’autres personnes, il y a d’autres idées. Oui, on a demandé des retours et tout. Et en vrai ça marche bien, les gens sont toujours hyper contents et contentes de participer, même s’il pleut. Donc, enfin on a des axes d’amélioration normal quoi, mais oui ça plaît et ça fait vraiment découvrir le concept à plein de gens qui ne connaissaient pas du tout aussi, c’est trop cool.”
Logo de la Queercat, organisé à Nantes
Bivouak, lever les freins construits pour partir à l’aventure
Après avoir papoté avec Tom, j’ai eu l’occasion de faire une visio avec Charlotte, qui roule avec Girls on Wheels et le Grew, des groupes de ride collective dont une copine m’avait parlé. Charlotte organise aussi des sorties gravel avec Bivouak.
“Bah du coup je m’appelle Charlotte. Aujourd’hui, je vis à Paris. Je fais beaucoup de vélo dans ma vie. Depuis un petit peu avant le COVID, j’ai commencé par voyager à vélo. Et puis, au fur et à mesure, j’ai rencontré des copain.es qui faisaient aussi du vélo. J’ai roulé dans différents collectifs, notamment des collectifs en non mixité. Depuis un an et demi, c’est devenu mon métier. Avec une ancienne collègue, on a monté une structure qui s’appelle Bivouak et on emmène des gens dans des aventures à vélo, on organise des événements vélo. Donc c’est un peu, c’est une grosse partie de ma vie le vélo on va dire. Donc quand je suis revenue du premier voyage, j’habitais déjà à Paris et je voulais un petit peu explorer le monde du vélo et j’ai commencé à me renseigner sur ce qui pouvait exister comme initiative.
Il y a énormément de groupes qui roulent à Paris, un petit peu tous les soirs, sous des formats social ride, où on se retrouve à un endroit, on fait une boucle et ensuite on va boire des bières. Il y a pas mal d’hommes. Et à l’époque, ma coloc me dit, ah bah viens avec moi, je connais un groupe qui s’appelle les Girls on Wheels (« Girls on Wheels » : les filles s’emparent du vélo) . C’est un groupe en mixité choisie, donc, meuf, personne transgenre, non binaire. Et, j’ai roulé avec elles pour la première fois, je m’en souviens très bien, parce que c’était un moment un peu… Un peu fort, tu te retrouves à trente, trente nanas, au milieu de la capitale. T’es une sorte d’entité en fait, roulante. Et c’est trop bien, enfin, vraiment, c’est se réapproprier l’espace public. Donc ça a commencé un petit peu comme ça.
Et puis ensuite, j’ai une collègue qui s’appelle Caroline, qui est devenue mon associée,qui a créé un collectif sur le même principe, mais qui faisait du gravel. Et donc moi, à l’époque, j’achète mon premier gravel, et je me dis, bon bah, il va falloir l’utiliser. Et donc je me retrouve à rouler avec cet autre collectif, donc plutôt le week-end, sur des sorties à la journée en Ile-de-France. Ce collectif s’appelle le Grew (Le GREW), et au début, on est quelques-unes, plutôt dans le cercle proche de Caroline, et très vite, ça prend pas mal d’ampleur. Avec un groupe WhatsApp où les filles échangent entre les sorties, un petit groupe restreint de mappeuses. qui proposent des itinéraires, et qui proposent les dates des sorties, et qui emmènent le groupe. Et ouais, très vite, c’est devenu des sorties où il y avait 30 meufs avec leur gravelle, et qui avaient envie d’aller se rouler dans la boue.
Donc ouais, ça a été mes deux expériences de non-mixité, on va dire, dans des collectifs, qui étaient assez chouettes. Et qui m’ont permis pas mal de prendre confiance en moi, dans le sens: c’est ok d’être là, c’est ok de poser des questions. T’aurais peut-être pas posé la même question si t’étais entourée que d’hommes. Après, je l’ai pas beaucoup fait, donc je ne sais pas si ça aurait été comme ça pour moi dans ces contextes-là, mais en tout cas, là, il y avait vraiment une facilité de parler de tout. Très vite, ça parle de selle et de, en fait, j’ai mal entre les jambes quand je roule longtemps, et c’est marrant parce que la parole se libère hyper vite, on se marre…
On se partage les tips de crème pour le cul et de selle adapté à la morphologie féminine. Donc ça, j’ai trouvé que c’était un truc assez puissant, assez rapidement, de se dire; bon bah y a pas de mauvaise question et on est dans un cadre hyper bienveillant. Et même pour le matos, en vrai, ça a été assez cool parce que moi je suis une meuf petite et c’était un sujet pour moi, pour tout en fait. Trouver un vélo, régler mon vélo, avoir des bagages qui s’adaptent sur mon vélo et pouvoir quand même emporter un peu de matos aussi. Notamment quand tu fais du backpacking et que t’as besoin de ta tente, ton sac de couchage et que t’as un petit vélo. Et ça c’est, pour ça c’était assez cool d’avoir ces groupes-là à dispo pour poser des questions, demander des tips.
Charlotte lors d’un voyage à vélo sur les bords de la Loir. (crédit photo Caroline)
Alors le gravel, à la base, je considère que c’est un peu une invention marketing dans le sens où c’est un type de vélo… Qui est assez, enfin qui est relativement récent. Qui a une tête hybride entre un vélo de route dans le sens où c’est un vélo qui est quand même un peu sportif. Et un VTT, parce que tu mets des pneus un petit peu plus larges dessus, l’idée du gravel pour moi c’est de pouvoir passer un petit peu partout. Donc je le vois plus comme un vélo d’aventure. Et pour moi le gravel c’est pas tant un vélo dans le sens la machine, mais c’est plutôt un état d’esprit, enfin en tout cas moi ce que je fais avec. Donc je préfère le terme bikepacking à gravel s’il faut en choisir un, parce que à mon sens, et du coup c’est ma pratique aujourd’hui, c’est de pouvoir partir de chez moi. Et, pouvoir aller sur n’importe quelle surface, que ce soit des petites routes de campagne qui sont parfois un peu défoncées, ou alors des petits chemins et des petits sentiers, parce que parfois j’ai envie de sortir un peu hors du monde.
Là, t’es sur des social rides, euh, alors pour les Girls on Wheels, c’est à Paris, en semaine, le soir, le mercredi soir. Donc, il y a différents niveaux, t’as trois niveaux en fonction de l’intensité de la sortie. Mais dans tous les cas, t’es quand même un petit peu limité, tu pars à 21h, donc tu vas pas faire non plus 150 km. Donc pour moi, c’était plutôt de la découverte et parfois euh… Avoir envie de pousser un petit peu sur la pédale, mais dans les contraintes d’être dans un milieu urbain quand même. Pour le Grew, là ça pouvait être des sorties plus ou moins longues, mais pareil, entre guillemets, il y en a pour tous les goûts, donc tu choisis aussi un petit peu en fonction de ce que tu as envie de faire. Et, alors, moi j’ai jamais vu le vélo comme une pratique sportive. Enfin, je suis plutôt rentrée par le voyage à vélo. Tu vois, je me suis jamais dit, « Ah, bon là, je vais faire une séance de vélo. »
Et je crois que sur des rides comme ça, pour moi, l’objectif, en tout cas à l’époque, c’était plutôt que je connaissais pas beaucoup de monde qui faisait du vélo. Moi, pendant longtemps, j’ai voyagé à vélo avec mes amoureux. J’avais aussi un peu envie de sortir de ce truc très vu et revu et très genré de la meuf qui faisait du vélo, qui part avec son mec, enfin, je m’étais retrouvée dans des situations en voyage où on parle qu’à ton mec parce que t’es dans des pays où il ya aussi une culture patriarcale qui est plus forte. Et toi t’es là: bah en fait mec, je peux aussi répondre aux questions, j’ai fait l’itinéraire potentiellement, peut-être que j’en sais plus que lui, dans certaines circonstances… Donc j’avais un peu ce besoin aussi d’ouvrir mon panel, rencontrer d’autres personnes, et notamment des meufs qui faisaient du vélo. Donc c’était, ce qui me motivait, la rencontre. Et je pense que le sport dans le vélo, c’est toujours un peu un prétexte.
Alors du coup avec Caroline on s’est rencontré dans notre ancien job, on était toutes les deux consultantes dans la transition écologique, donc rien à voir. On faisait toutes les deux beaucoup de vélo, mais on a des pratiques assez différentes. Caro elle vient plutôt du monde du sport, où elle a fait beaucoup de triathlons, elle fait de l’ultracyclisme, et moi plutôt voyage à vélo. Donc on avait des visions qui étaient assez complémentaires avec une envie d’engager les gens à partir à l’aventure à vélo parce que pour nous, dans des circonstances différentes, ça nous a pas mal changé la vie, ça a été vraiment une façon de s’émanciper, de voyager plus loin et différemment.
Soirée de présentation de Bivouak chez Panache, atelier vélo dans le 13ème arrondissement à Paris
Il y avait aussi le sujet de… c’est un monde quand même assez masculin, on le voit sur les social rides. On le voit dans les contextes plus sportifs de compétition, mais aussi dans les freins qui existent, peut-être plus pour une meuf à se lancer pour partir à l’aventure. Du coup, on avait envie de monter un projet qui coche un petit peu ces différentes cases. Donc c’est comme ça que Bivouak (Bivouak – Aventures bikepacking à impact positif!) est né, donc ça fait un an et demi que ça existe. On a déjà fait une première saison d’événements, donc avec différents formats, on fait des formats un peu découvertes sur le week-end, où là on part à la découverte d’une région de France. Et on fait de l’itinérance, donc c’est vraiment l’idée de faire un voyage bikepacking où t’as tout ce qu’il te faut pour être autonome, donc on encourage le fait de pouvoir dormir dehors.
Ce n’est pas forcément du bivouac sauvage à chaque fois mais ça peut être des campings. Cette idée de pouvoir être autonome et un petit peu faire face à l’imprévu et justement se laisser porter aussi par cet imprévu. Et on organise aussi des plus grandes aventures transfrontalières. Donc là d’une semaine on part d’une ville en France. L’année dernière par exemple, on est parti de Montpellier. Et on a fait 700 kilomètres jusqu’à Girona en Espagne. Donc là, il y avait un groupe de 70 personnes qui roulaient et qui se retrouvaient, se perdaient au gré de la trace et… Et à la fin, on se retrouve tous et toutes et on fait la fête. On boit des coups, on débrief du voyage, de l’expérience et… Il y a le côté aussi un peu où c’est un peu dur parce que, bah, ça demande quand même un engagement physique. Et dans ce dépassement de soi, les connexions et les amitiés qui se créent, elles sont quand même assez… Enfin ce qu’on voit sur les événements,c’est génial parce que c’est des gens qui se rencontrent, qui deviennent potes et qui ensuite se revoient, vont potentiellement refaire des voyages à vélo ensemble.
Nous, en tout cas, notre but c’est vraiment de lever les freins pour partir à l’aventure en backpacking. Avec un prisme où on va s’adresser plus aux femmes, dans notre discours de façon générale, dans notre communication aussi, on essaie de montrer des femmes le plus possible. Pour autant, on ne fait pas d’événements en non-mixité aujourd’hui. Parce que ça peut être une réponse, mais c’est pas forcément une réponse qui convient à tout le monde. Donc nous, on a plutôt pris le parti de montrer à voir beaucoup de femmes, des représentations de femmes, des femmes qui parlent de leur expérience, donc des témoignages de meufs. On a fait un film l’année dernière, cette année on produit un podcast. Donc toujours aussi dans l’idée d’avoir des représentations et des modèles auxquels se raccrocher. Ce qui fait que ça donne des événements qui sont assez joyeux, bienveillants, festifs, avec 40 pourcent de femmes, ce qui est quand même cool pour des événements vélo.
Alors concrètement, comment ça se passe ? Quand tu t’inscris à une aventure bivouac, t’es intégré dans un groupe WhatsApp, donc tu peux déjà discuter avec les autres participants pour apprendre à se connaître, échanger des tips, éventuellement lever les doutes. Nous, ce qu’on fait, c’est qu’on envoie un, ce qu’on appelle un carnet d’aventures. C’est une sorte de guide de voyage, finalement, qui reprend tous les fondamentaux de l’aventure en elle-même, l’itinéraire. On repère des hébergements potentiels, mais ça reste de l’autonomie. Donc, c’est-à-dire que tout le monde part au même moment. Ils ont l’itinéraire, un itinéraire qu’on a reconnu, qu’on a tracé, qu’on a reconnu. Alors, j’allais dire du gravel, mais du coup, on fait mixte route-chemin.
Donc, c’est important de reconnaître ces itinéraires-là, parce que parfois, c’est, sur une carte, ça va être assez différent de, dans la réalité. Donc, du coup, on reconnaît les itinéraires, et les participants partent tous en même temps. Ils ont l’itinéraire, ils s’égrènent au rythme de, de la trace. Ils se retrouvent généralement en petits groupes en fonction des rythmes, des niveaux et des envies aussi de, et des besoins de pause de chacun et chacune. À mi-parcours, il y a un moment qu’on orchestre de retrouvailles où ils peuvent se retrouver, se restaurer, passer la nuit. Et à la fin, on organise aussi un rassemblement festif. L’idée c’est aussi d’en faire un ensemble. C’est aussi d’organiser des petites activités qui soient en lien avec le vélo, le slow travel ou l’écologie de façon plus large.
Donc l’idée c’est que nos événements restent accessibles en termes de prix. À la fois on donne des tips sur comment faire pour voyager à vélo et en train. Et à la fois on pousse aussi de plus en plus les gens à réfléchir à la location s’ils n’ont pas de vélo. La location aussi de matos outdoor parce que une fois que t’as ton vélo il te faut des sacoches. Une fois que t’as des sacoches il te faut un matelas de camping, il te faut une tente éventuellement, et t’as du matériel qui peut être cher. Orchestrer un petit peu le prêt entre participants aussi, ça c’est assez cool. Tout le monde a plein de matos chez soi qui dort généralement dans un placard, donc euh…
On a eu pas mal de retours, on a justement essayé aussi de faire un focus un petit peu là-dessus. Notamment sur un événement, on avait demandé aux participantes de nous raconter un petit peu leur expérience. Et c’était assez, assez cool parce que typiquement tu vois il y en avait une qui disait qu’elle avait jamais voyagé sans son, sans son copain et que le fait de pouvoir être dans un groupe aussi avec une organisation ça, bah ça permet de se dire j’ai pas à me préoccuper de l’itinéraire j’ai pas à réfléchir à où je vais dormir donc tout ce côté logistique qui peut freiner un petit peu te permet de profiter pleinement de l’expérience.
Et ouais, il y a une bonne petite team de meufs qui se sont trouvées. De façon générale, en fait, on n’a que des participants qui sont vraiment trop choux, quoi. Au-delà du, de, tu vois, de la non-mixité qui peut être une façon de prendre confiance quand t’es une meuf et que tu veux voyager, là, nous, ce qu’on essaie de faire, c’est vraiment de proposer un cadre qui soit bienveillant, de faire hyper attention aussi à des comportements qui pourraient être problématiques.
Et quand on en a, on essaie d’aller voir les personnes et leur dire, bah, en fait, non c’est pas ok. Donc, ouais, de mettre en place un certain nombre de choses pour que les gens vivent la meilleure expérience. Qu’ils soient une meuf, ou un mec, finalement. Mais ce qui est, généralement, ce qui ressort aussi pas mal sur les femmes, c’est que, euh, elles sont assez contentes d’avoir des retours d’expérience d’autres femmes. Donc des personnes qui vont avoir l’habitude de voyager, qui ont déjà tout leur matos. Et c’est super cool en fait de pouvoir leur poser des questions directement parce que aussi tu peux t’identifier plus facilement à elles. C’est une source d’inspiration de savoir qu’une telle a déjà fait un voyage solo.
Tu vois, il y a dans le, le groupe WhatsApp, donc, de discussion il y a souvent des filles qui sont là, qui partagent leur expérience en disant, « Bon bah, maintenant que je roule avec le groupe, je me sens beaucoup plus en confiance pour aussi voyager toute seule. » Et ça c’est, ça c’est génial parce que tu te dis, « Bon bah, j’ai un peu donné les clés de la suite, quoi, de la suite de l’aventure.”
On a fait un peu une étude des besoins et des envies et des freins aussi de, d’un panel de personnes là en début d’année pour bivouac et c’était hyper intéressant. Alors c’était des gens qui avaient quand même globalement une pratique assez similaire, des gens qui voyagent déjà à vélo.Mais en fait les freins ils sont, ils reviennent souvent, c’est souvent les mêmes. T’as le frein du train, donc de la logistique finalement, du voyage, de comment est-ce que je vais au départ de mon itinéraire. Moi ça c’est un frein aussi dans ma vie, et maintenant je fais toujours très attention à ce qu’il y ait une option TER pour me rendre au départ. Je trouve qu’au début tu galères un petit peu, tu te dis « Ah je vais jamais y arriver », ensuite tu te rends compte qu’ en fait c’est possible.
Et que juste il suffit parfois d’allonger un petit peu le trajet, de prendre deux TER au lieu d’un TGV. Et puis démonter son vélo, c’est possible aussi. Parce qu’au début, je m’en faisais une montagne et maintenant, que j’ai déjà fait, c’est moins un frein. Donc il y a le frein du train et il y a le frein de l’itinéraire aussi. Il y a plein d’itinéraires qui existent. Tu peux te retrouver sur une véloroute. Il y a plein de choses. Moi, j’ai commencé comme ça et… Et c’est très bien parce que aussi t’as pas forcément besoin d’avoir de GPS quand t’es sur une vélo-route typiquement, t’as des panneaux tous les 100 mètres. J’exagère un peu mais c’est presque pas exagéré. Je m’étais retrouvée comme ça en Autriche à faire Autriche-Hongrie, une véloroute qui suivait un fleuve et c’était cool. Mais en fait j’étais dans des paysages de fous autrichiens, donc dans le Tyrol avec des montagnes et tout. Et en fait la véloroute restait en fond de vallée, au bord de la rivière, entre l’autoroute et la voie de chemin de fer. Alors évidemment, c’est vrai que c’est beaucoup plus pratique en termes d’aménagement, et heureusement qu’ils existent. Mais en fait, assez vite dans ma pratique, j’ai eu envie aussi d’explorer autre chose. Je pense que la plupart des gens passent par cette phase-là, et une fois qu’ils ont fait la Loire à vélo, ils se disent, bon bah, c’est quoi la suite, quoi ?
Et c’est là où construire son propre itinéraire, ça peut être un peu complexe. Soit parce que tu ne connais pas les outils. Bah, comme je le disais, tu vois, pour Bivouac, nous, on reconnaît tous les itinéraires. Donc, tu ne vas pas faire ça pour un voyage, quoi. Tu vas pas dire, bon, bah, je vais d’abord, reconnaître mon itinéraire avant de vraiment partir sur mon itinéraire. Et parfois tu te retrouves dans des galères : il y a dix jours on était en reco et on s’est retrouvés sur un GR, donc vraiment un chemin de randonnée pointe à 30 pourcent… enfin bon bref personne n’a envie de s’infliger ça pendant ses vacances, donc le sujet de l’itinéraire c’est quand même un frein qui revient assez souvent. Et puis après sur le reste c’est plutôt de la je dirais de la logistique. Mais qui peut se retrouver dans n’importe quelle façon de voyager, finalement. Tu pourrais voyager en sac à dos, t’aurais toujours le sujet d’où est-ce que je vais dormir, où est-ce que je vais manger. Moi, pour moi, en tout cas, j’ai l’impression que c’est un truc que j’ai un peu musclé au fur et à mesure.
J’ai accepté de plus en plus que c’était ok de partir un peu à l’aventure sans avoir rien planifié et que je savais dans tous les cas, que sur la route j’allais trouver des choses. En France, en Europe, t’es jamais dans des zones complètement blanches, enfin, quand t’es à vélo en tout cas. Une fois que t’as, que tu l’as vu une fois, je trouve que tu te dis bon bah, tu peux un peu te lâcher là-dessus. Et sur l’hébergement aussi, moi ça me faisait un peu flipper de bivouaquer dans la nature au début. Même accompagné parce qu’il y avait un peu ce côté semi-interdit où tu sais pas trop et puis dans certains pays tu connais pas forcément les règles donc t’as un peu peur que le fermier du coin te réveille avec sa carabine et te dise de dégager alors qu’il est 3h du mat’ quoi. Et en fait quand tu réalises que tu peux aussi aller toquer chez les gens, leur demander si tu peux poser ta tente dans leur jardin…C’est vraiment ce truc classique du voyage et je pense que ça peut se retrouver dans plein de formes de voyages différentes mais de voyages itinérants. Où finalement, t’es en autonomie et y’a toujours des solutions, quoi.
J’ai trop envie de pouvoir le transmettre aussi aux gens. Et c’est ce qu’on essaie de faire avec Bivouac, où tu vois même dans le groupe, sur le matériel que t’emportes, au début, tu te dis, mais j’ai besoin de plein de trucs. Et en fait, au fur et à mesure,tu sais exactement avec quoi tu vas partir. Et puis après il y a le sujet mécanique. Moi j’ai eu des grosses galères mécaniques sur mon premier voyage à vélo. Et heureusement on était deux, donc on avait deux cerveaux pour réfléchir à trouver des solutions. On a toujours trouvé des solutions. Pour moi c’est pas un frein, alors que je maîtrise pas plus que ça. Pas plus qu’une autre quoi. Je sais, euh, changer une chambre à air, régler mon dérailleur, et encore, quand j’ai de la chance et que j’ai la patience de le faire. Mais ça peut être aussi un frein projeté, je pense. Y’a pas mal de gens qui se disent : mais en fait, si je me retrouve au milieu de nulle part? Bah en fait, si t’es au milieu de nulle part, bah tu pousses ton vélo. Y’a toujours des solutions. C’est marrant, les tutos YouTube, c’est vraiment le moment où t’es dans la gadoue, sous la flotte, que tu regardes ces vidéos-là, sinon tu ne les regardes jamais. Et tu te dis, j’aurais dû le faire avant.
Dans ce que je te partage, on a, enfin, moi en tout cas, j’ai interrogé plus de meufs que d’hommes. Je pense de façon générale que les mecs ont les mêmes peurs, mais juste qu’ils y vont et qu’ils ne le disent pas. Euh, donc en réalité, je pense que les freins, ils sont très similaires pour tout le monde, quel que soit ton genre, ou quel que soit ta… la façon dont t’as été socialisé dans la société. C’est juste qu’on t’a appris plus ou moins à… à pas le montrer et à pas montrer que t’avais peur et à y aller quand même, quoi. Enfin, les mecs, ils s’inscrivent à des événements, ils réfléchissent après. Les meufs, pour s’inscrire à un événement, elles vont avoir besoin de se dire « Ok, alors attends, j’ai tout le matos, je sais que je vais avoir une pote avec moi… Je sais que je peux poser mes vacances” et puis tu vas avoir d’autres problématiques si t’as des enfants.
Je pense que les freins sont les mêmes, mais que les façons d’y répondre sont peut-être différentes. Bah ouais, on peut debunker, aller debunker ses freins, c’est important pour notamment rassurer les meufs. Y’a le frein que j’entends souvent, c’est dormir seul en bivouac sauvage. Et je, enfin, pour en avoir discuté avec des hommes aussi, ils ont tout aussi peur que nous, mais évidemment, quand t’es une femme, t’as d’autres peurs qui sont pas exactement les mêmes qu’un mec. Mais finalement c’est aussi des peurs de, je sais que c’est facile à dire comme ça, mais qui sont pas souvent fondées parce que t’as, on a plus de chances de se faire agresser dans, en ville qu’au milieu de la nature. Enfin t’as plus de chances de rencontrer un sanglier au milieu de la nature qu’une personne mal intentionnée. Une fois que t’es dans ta tente, personne ne sait si t’es une femme ou un homme. Mais du coup c’est vraiment des années de construits sociaux qu’il faut déconstruire quoi. Et c’est ça qui prend du temps.
Et c’est pour ça que, bah c’est cool en fait de se dire aussi j’ai pas forcément l’obligation de partir toute seule si j’en ai pas envie. Le fait qu’on soit aussi dans une société de beaucoup d’injonctions et de beaucoup d’injonctions à être la meilleure version de soi-même et qu’en fait faut faire aussi attention à ça parfois et se lâcher du lest. C’est-à-dire que c’est ok de ne pas en avoir envie. Et c’est cool d’être en groupe. Moi je n’aime pas trop voyager toute seule, tu vois, je trouve que c’est cool de temps en temps. Mais je suis contente de partir avec des gens, de partager des moments avec des gens. Et du coup, bah, quand vient le moment de planter ta tente en bivouac sauvage, si tu es entouré de gens, évidemment c’est beaucoup plus simple, quoi. Donc voilà. Mais, pour ça, il faut savoir avec qui partir. Et ça, ça peut être aussi un gros frein. Et c’est là où, bah, les groupes, les raids sociaux, c’est hyper cool parce que tu rencontres toute une communauté.
Charlotte lors d’un évènement Bivouak en juin 2024, traversée du Vercors de Grenoble à Valence
Ouais, bah, il y a juste, peut-être ce truc de représentation, tu veux, je t’ai parlé du fait qu’on avait produit un film et un podcast. Pour moi, ça c’est important et c’est important ce que tu fais aussi en faisant toi-même un podcast parce que je suis persuadée que c’est en écoutant des femmes ou en voyant des femmes, des images et en construisant tout un narratif autour de ça. En construisant des imaginaires qui sont construits par autre chose que des hommes cis. Et bah c’est comme ça que tu lèves un certain nombre de freins parce que tu te projettes. Y’a un certain nombre de films maintenant qui racontent des histoires de meufs qui partent à vélo qui sont géniaux parce que, bah, ça raconte des histoires d’aventure trop cool. Et tu te dis, bah moi aussi je pourrais être cette personne. Pour nous le podcast c’était aussi l’objectif. C’était de donner le micro à des femmes aventurières qui partent à vélo, qui ont toutes des expériences hyper différentes. Il y en a, avoir envie de faire des courses d’ultra de ouf, c’est pas forcément la pratique de tout le monde, mais c’est hyper inspirant d’entendre aussi la façon dont elles se sont… Donc elles en sont arrivées jusque-là. Je trouve que c’est important, les représentations.”
Les Heures Félines à Lyon, la méca en mixité choisie
Merci à Charlotte et ses explications super claires. Les social rides et les évènements de gravel c’est vraiment des bons endroits pour croiser du monde. Un autre endroit où on peut croiser les copaines c’est pendant les horaires d’ouverture en mixité choisie des ateliers d’auto-réparations. Lucie est bénévole au Chat Perché à Lyon et nous parle des Heures Félines (Les Heures Félines – Atelier du Chat Perché), qui ont lieu un jeudi sur deux.
Logo des Heures Félines au Chat perché, lyon 7ème arrondissement, 2ème et 4ème jeudis du mois de 18h à 20h30
“Eh ben moi c’est Lucie. Ça fait plus de dix ans que je suis à Lyon. Je suis militante, féministe, pour la liberté des unes et des autres, décoloniale. Bah, ça fait près de dix ans que j’habitais dans le septième, après j’ai déménagé, je suis revenue dans le septième. Du coup, 10 ans que je vagabonde autour du Chat Perché. Et que je suis bénévole au chat, avec des périodes où j’étais plus ou moins présente, dispo, investie. Et du coup j’ai participé au début des Heures Félines (Les Heures félines, la réparation de vélos en mixité choisie | Mediapart), qui est la permanence en mixité choisie ouverte aux femmes et aux personnes trans depuis le début. C’est cette mixité choisie qui a été définie un jeudi, donc qui a lieu un jeudi sur deux. C’est un temps de permanence où il y avait rien, au chat perché et où on a eu l’envie et on a créé et fait cette permanence-là. Bon du coup ça fait, euh, 6, 7 ans, je sais plus, qu’il y a les heures félines, que moi j’y participe ponctuellement.
Et sinon j’ai participé aussi à des rencontres cycloqueer. Cet été, du côté du Mans, où on avait des pratiques autour du vélo, et puis plus largement.
Les initiatives queers et féministes, donc les heures félines, ça en fait partie du chat perché. C’est une association pour l’autoréparation du vélo et plus largement pour l’autonomie. Donc l’autonomie est très politique. C’est l’autonomie de circuler, de son moyen de déplacement de locomotion. Et puis c’est aussi une autonomie politique. Pendant des années il n’y a eu aucune subvention. Le chat perché ne vivait pas de subvention. Et depuis quelques années la politique a un peu changé puisqu’il y a eu quelques subventions. Mais l’autonomie, donc, ça fait partie d’un enjeu féministe puisque la mécanique reste principalement accessible encore aujourd’hui aux hommes.
La transmission de la mécanique, que ce soit le vélo, les voitures, et des savoir-faire manuels restent dans un domaine masculin. Et dans la plupart des ateliers de réparation ou d’autoréparation, bah ça reste un champ masculin, des hommes qui sont bénévoles, qui sont investis.Et bah c’est par la pratique que les choses peuvent changer. Et les heures félines participent vraiment de manière très pratique, concrète, à amener des changements pour les femmes, les personnes trans, les gouines, donc les personnes qui ne sont pas des hommes cisgenres, en trouvant leur propre autonomie sur des pratiques où elles ne se sentent pas en confiance… où elles n’ont pas l’habitude de le faire seules, et où c’est encore des hommes qui vont faire à la place d’eux, qui vont prendre les outils.
Donc, aussi parce que c’est une permanence ouverte, accessible à tout le monde et que le chat perché est une grosse association avec plus de mille adhérents et adhérentes. Ca c’est très important quoi, que ce soit accessible à toute femme, toute personne non cisgenre, non homme cisgenre qui passe, qui peut venir là et qui peut participer à cette permanence.
Les retours que j’ai, ils sont positifs. Après, honnêtement, il y a des périodes où il y a très peu de monde, où même, enfin c’est aussi en tant que bénévole où on n’est pas très très nombreuses, dispo pour tout. Mais bon, voilà, c’est comme ça, ça vient, ça va, ça vient. À part des retours de certains mecs sur les questionnaires qui demandent un peu leurs idées reçues, leurs préjugés sur la question. Et puis, il y a quelques sorties de mecs qui voient ça encore comme du séparatisme, comme un sexisme inversé, alors qu’on leur prend aucun espace. Ils ont accès aux permanences qu’ils veulent, et puis dans la vie, dans la société, ils ont toute la place qu’ils veulent, nous, on n’y change rien. On crée une permanence qui n’existait pas avant, donc à laquelle ils n’auraient pas accès de toute manière, puisqu’elle n’existe pas pour eux. Et du coup, le fait qu’il y ait un espace où ils n’ont pas accès…leur posent un problème, sans se poser la question de pourquoi, et du fait, sans prendre conscience et chercher à savoir qu’on n’a pas le même rapport à la mécanique, et du coup qu’il y a des raisons politiques à ces regroupements, quoi.
C’est pas pour se fendre la poire et passer du temps, tranquille entre nous, et quand bien même… Mais il y a des raisons politiques à ces retrouvailles, parce qu’on est minorisés dans l’accès à la pratique de la mécanique. Du coup, c’est scandaleux qu’encore aujourd’hui, il y ait des préjugés comme ça. Et au sein du chat, je pense qu’on en parle pas assez. Et puis comme je suis là depuis longtemps, et que je suis aussi présente sur l’asso, sur les perm’ mixtes, des fois, je… j’essaye de faire un peu un lien, si besoin entre ces milieux-là, quoi. Parce que comme il y a quelques félines qui ne venaient qu’aux permanences des félines, des fois elles avaient une vision biaisée sur certaines choses, à l’inverse des préjugés, des questionnements un peu stéréotypés chez les bénévoles mecs. J’essaye de le faire quand c’est nécessaire sur certaines choses, après je pense que les bénévoles mecs, bon bah c’est pas leur bise, c’est pas leur affaire. Qu’est-ce qui se passe aux heures félines ? ce genre de questionnement. Bah de la mécanique, et puis voilà, qu’est-ce que ça peut bien vous faire. Voilà, on n’a pas à justifier, à raconter ce qu’on fait, des fois c’est une sorte de curiosité un peu mal placée.
Mais rappeler la pertinence et le sens de ses permanences ici, c’est important, de le rappeler aux mecs pour qu’ils défendent ça devant les adhérents. Que ce soit pas qu’ aux femmes, d’expliquer pourquoi il y a les heures félines. Que les bénévoles mecs et ceux qui sont là depuis longtemps devraient le faire tous les jours aussi.
C’est un engagement qui fait sens. Dans un accès à toutes et tous pour les hommes cisgenres aussi qui ont leur place ici. Donc je trouve que ce côté public large, c’est très important. Ce n’est pas un temps pour parler théorique, c’est très pratique. Donc c’est l’accessibilité à une autonomie, c’est hyper essentiel pour nos libertés, pour notre confiance en nous. Et puis ça peut bien sûr aussi amener à des temps d’échange, de discussion, mais voilà. Et puis du coup de faire vivre ça dans cet espace en plein centre de la Guillotière du 7ème, que tout le monde a vu là-dessus, c’est sur notre site, bah oui, du coup y’a des réactions, bah tant mieux quoi. Ça fait exister ça dans cet espace.
Cet enjeu politique sur le sexisme… moi, ça me fait beaucoup de sens de participer à cet espace-là, même si ça prend du temps, qu’à des moments on n’est pas très nombreuses, que les choses bougent lentement. Je trouve que c’est très important, voilà. Ouais, je voulais dire qu’il y avait justement un bénévole mec qui était là depuis longtemps, qui avait écrit un article sur pourquoi c’est important et comment être vigilant aussi en tant que mec à ces questions de sexisme et que les heures félines avaient toute leur place.
Et donc, moi, j’ai fait un peu, enfin, j’ai participé à quelques étapes d’écriture sur cet article, mais ça fait partie des choses importantes pour soutenir la démarche. Et à côté de ça, il y a deux salariés au chat perché. Un salarié mec depuis le début, et une salariée meuf, et ça fait partie de la volonté politique du chat perché que d’avoir une seconde salariée qui soit une femme, pour la parité, et puis pour faire vivre cette mixité autour de la pratique de la mécanique, d’avoir une démarche, une attention là-dessus.
Bah moi c’est une initiative qui me parle, que j’ai envie de soutenir. Je connais beaucoup, plusieurs personnes femmes cisgenres ou gouines ou trans qui sont à l’aise surtout ou que dans ces permanences-là, par exemple, et qui ne viennent pas aux permanences mixtes, où c’est pas du tout la même ambiance, de fait. Euh, je pense que ça peut être des étapes pour des gens pour prendre confiance et pour du coup avoir une pratique mécanique avec le vélo et aller vers l’autonomie et je soutiens ça. Après je vais aussi aux heures mixtes parce que pour moi c’est complémentaire, c’est dans le sens de l’association, c’est important, c’est important qu’il y ait des bénévoles meufs aussi sur les permanences mixtes, pour moi ça, ça se complète.
Et puis comme la question elle est queer aussi, petit mot sur la mixité qui a été choisie, c’est, donc ça a été défini comme un, un espace pour meufs et personnes trans. Moi perso, j’aurais souhaité qu’on visibilise aussi les gouines, d’appeler cet espace : Pour meuf, gouine, trans, dans l’idée que les lesbiennes ne sont pas juste des femmes, et de faire vivre aussi notre identité. Pour différentes raisons en tant que lesbienne, je me sens pas à l’aise dans l’espace hétéronormé, et d’être avec plein de bénévoles mecs, par exemple, à des moments. Voilà, du coup, je trouve, de la confiance et de la place dans cet espace très important. Pour d’autres raisons que juste le fait d’être une meuf, entre guillemets. Mais bon, c’est les termes de meuf et trans qui ont été retenus, vu que c’est une asso publique avec beaucoup de public mainstream et de partout qui viennent ici. Déjà, il faut faire de la pédagogie, expliquer le terme trans. Donc ça aurait été très compliqué, je pense, de… d’expliquer aussi gouines ou lesbiennes et quoi, et ceci, cela.
Et je trouve ça déjà très bien de mettre en avant les personnes trans dans cet espace-là et, et de le faire vivre concrètement quoi, que ce soit, pas que de la théorie mais de la pratique et que, on l’ait inclus dès le départ. Après, maintenant, on peut parler aussi d’espaces FLINT: femmes, lesbiennes, intersexes, non-binaires, trans. Et voilà, je trouve que c’est un peu plus inclusif. On va dire ça c’est entre nous, et puis dans un discours plus face à un public plus large, on parle de femmes et personnes trans.”
Merci beaucoup Lucie, qui clôt le podcast. N’hésitez pas à vous renseigner sur les horaires d’ouvertures en mixité choisie des ateliers, beaucoup d’autres ateliers en ont. Si vous avez des questions sur les ateliers d’auto-réparation vous pouvez aussi aller écouter le podcast n°3 de cette série.
Bref c’était le dernier épisode de “Salut, ça roule?”. Merci aux participantes, à celleux qui m’ont donné des conseils. Merci à l’artiste Isqar pour la musique, extrait de son nouvel ep “Sail ep”, que je vous recommande. En espérant que la série de podcast vous ai plu !
Voir aussi :
Ateliers vélo le Chat Perché, les chemins des communs
“Salut, ça roule ?” Épisode 1 sur 4 : la critical mass, la rue à deux roues
“Salut, ça roule ?” Épisode 2 sur 4 : les Alley Cat, explorons la ville !
“Salut, ça roule ?” Épisode 3 sur 4 : Aux ateliers vélo, on devient mécano !