Bienvenues à la Guillotière
Les associations sont souvent des éléments centraux pour ce que l’on appelle “la vie de quartier”. C’est-à-dire pour l’ensemble des relations et activités qui fédèrent et font vivre ensemble les habitant·es d’une partie de la ville. Des habitudes communes, des connaissances, et des valeurs se partagent ainsi au sein du voisinage, qui se met alors à réellement habiter ensemble cet espace et à se le réapproprier. En bref c’est la création d’une vie commune, qui repose souvent sur la solidarité entre habitant·es et sur le partage des ressources et connaissances.
Les associations sont pour cela centrales: elles participent au partage des connaissances et des usages, à la création d’habitudes communes, de lien social… et surtout permettent que tout cela soit accessible à plus de monde. Les problématiques touchant les associations de quartier seront visibles à l’échelle locale, mais leurs conséquences sont souvent plus globales. L’impact d’une association est également important à une plus grande échelle, dans le sens où il existe des réseaux associatifs, et que les événements touchant la vie de certain·es habitant-es se répercutent à l’extérieur du quartier, si ce n’est de la ville. De plus, les notions telles que le vivre ensemble sont d’actualité à l’échelle nationale, voire internationale, compte tenu des crises et conflits actuels, qui divisent et discriminent en masse.
Le quartier qui nous intéresse aujourd’hui se situe à Lyon, dans le département du Rhône, en France. La Guillotière est ce quartier situé dans le 7ème arrondissement lyonnais, au centre de la ville, entre la rive gauche du Rhône, le quartier de la préfecture, le grand parc Blandan et le chemin de fer de la gare Jean Macé. Le conseil de quartier de la Guillotière est officiellement délimité à l’ouest par le Rhône, au nord par le cours Gambetta, à l’est par le boulevard des Tchécoslovaques et au sud par la rue de l’Université, la rue Marc-Bloch, la rue Domer, la rue du Repos et la rue de l’Épargne (voir l’image ci-dessous).
Situation du quartier la Guillotière au centre de la ville de Lyon, département du Rhône, en France.
Ce quartier populaire est historiquement caractérisé par sa mixité sociale et culturelle. Il est aujourd’hui le théâtre d’un impressionnant processus de gentrification. Une population au statut social plus favorisé tend à remplacer la population dite “historique”, et le bien immobilier a une valeur croissante et les prix augmentent. La vie est plus chère à la Guill’ qu’ il y a quelques années, ce qui n’a de cesse de compliquer la vie des habitant·es. Un important réseau de lieux associatifs, collectifs et militants permet encore aujourd’hui d’accéder à des alternatives bon marché et solidaires. Ainsi nous nous penchons sur l’Atelier du Chat perché, au 29 rue Salomon Reinach. Situé sur le même pâté de maison que l’Espace Communal de la Guillotière (ECG) et que l’Annexe, ancien centre militant et culturel d’une grande importance expulsé octobre 2024, le Chat fait partie de cet îlot Mazagran, encore symbole de la lutte contre la gentrification.
Une courte histoire du Chat Perché
En 2007 on assistait à la création de l’Atelier du Singe de l’Au-delà, le grand parent du chat, au squat du Boulon, rue Paul Verlaine à Villeurbanne en banlieue lyonnaise. En 2008 l’atelier s’installe à la friche RVI dans le 3ème arrondissement de Lyon. L’atelier est très vite renommé “le chat perché” en référence au jeu, mais aussi au chat de l’atelier. Deux ans plus tard, en décembre 2010, un incendie se déclenche dans la Friche RVI, et l’atelier stocke ses affaires dans une cave, avant de s’installer en mars 2011 le squat du 31BB à Villeurbanne.
La même année en octobre l’association l’Atelier du Chat perché est créée et adhère au réseau national l’Heureux Cyclage (L’Heureux Cyclage). En novembre l’atelier déménage dans le 7ème, rue Montesquieu. Il participe à la Création de la CLAVette lyonnaise, la Coordination Locale des Ateliers Vélo (CLAVette lyonnaise – Coordination Locale des Ateliers Vélo participatifs et solidaires) avec 4 autres ateliers d’auto-réparation. La coordination compte aujourd’hui dix ateliers situés dans Lyon et les environs.
En janvier 2014 il emploie son premier salarié et propose une première formation en mixité choisie, ce qui lance les Heures Félines (https://www.chatperche.org/reparer/heures-felines/) . Cette permanence en mixité choisie est ouverte deux jeudis par mois. Elle permet aux personnes le souhaitant, de réparer leurs vélos sans présence d’homme cis-genre (homme assigné homme à la naissance) dans l’atelier. Cette permanence est considérée comme un espace sûr, car les ateliers de mécanique vélo sont souvent des lieux très masculins, ce qui peut créer des comportements oppressants pour les femmes, personnes trans et minorités de genre.
En Juillet 2016 l’atelier déménage dans le local du 29 rue Salomon Reinach, où il est depuis et salarie une seconde personne. En 2017 l’atelier lance des démarches pour l’utilisation d’outils informatiques libres et participe en juin à la 1ère Vélorution “A l’Assaut du Gier” avec un itinéraire cyclable entre Lyon et Saint-Étienne. En septembre iels accueillent un atelier de réparations électroniques participatifs “L’Atelier Soudé” dans leurs locaux.
En mars 2020 une troisième salariée est embauchée, l’atelier est ensuite contraint à fermer pendant deux mois à cause de la pandémie. En octobre, le Chat Perché milite pour le Vélo à Assistance Électrique sur ordonnance (cf https://www.chatperche.org/2020/10/nous-militons-pour-le-velo-a-assistance-electrique-sur-ordonnance/) . Trois ans plus tard, en janvier 2021 La CLAVette embauche son 1er salarié pour favoriser l’essaimage des ateliers vélo dans la région lyonnaise. En août le Chat voit le départ de 2 salariées et embauche à nouveau. En octobre on fête les 10 ans de l’atelier. L’atelier est toujours ouvert, plus que jamais, mais son bail précaire rue Salomon Reinach s’est fini en décembre 2024.
Mécanique vélo, autoréparation et autogestion
Mais alors qu’est-ce qu’on y fait ? Le fonctionnement de l’atelier repose sur l’autoréparation: les personnes venant réparer leurs vélos sont considérées comme autonomes et utilisent les outils ou pièces de rechanges à leur disposition. Les bénévoles de l’atelier ne font pas à leur place et sont là pour accompagner et aider. Ici on apprend donc à réparer ensemble pendant les permanences. Elles sont ouvertes pour tous et toutes et sont organisées par les bénévoles, toujours là pour orienter, conseiller ou montrer des manip’ inconnues.
Dans la charte il est mis en avant que l’autonomie des personnes est un but important de l’atelier. Et je cite “Cet épanouissement dans la mécanique se veut coopératif et solidaire : chacun·e est invité·e à apprendre à d’autres comment entretenir ou réparer sa bicyclette dans une ambiance conviviale.” Coopératif car tout le monde y est de bon conseil, et solidaire par les prix que propose l’atelier. En effet, les réparations se font à prix libre et l’adhésion à l’association est bon marché.
Un adhérent récent nous raconte :
X : “Je suis non-binaire, mon pronom c’est iel. Donc moi, ça fait un mois que je suis venu pour la première fois. Là, c’est ma deuxième aujourd’hui. Je trouve personnellement que c’est vraiment cool qu’il y ait ce genre d’atelier qui existe. Ca fait qu’on n’est pas obligé d’aller dans des espèces de grandes boutiques officielles ou je ne sais pas quoi pour aller réparer son vélo. En plus, ici, il y a une bonne ambiance. C’est convivial et tout. Ça fait aussi des lieux de sociabilisation vraiment sympas. Personnellement, j’avais déjà un peu d’expérience là-dedans parce que derrière moi, j’ai 9 ans d’aller-retours au lycée ou au taf à vélo tous les jours. On apprend quand même pas mal de trucs. Mais par exemple, le fait de pouvoir compter sur des gens qui ont plus d’expérience que moi, c’est quand même cool. Notamment, là aujourd’hui, j’ai changé mon dérailleur. Je n’aurais pas été capable d’y faire tout seul. Je trouve que c’est vraiment cool. Et puis, mine de rien, j’apprends des trucs. Et puis maintenant, je sais changer un dérailleur, démonter une chaîne, etc.” (Propos recueillis le 19 février 2025).
Mais le fonctionnement de l’association est avant tout non-lucratif : les recettes de l’atelier servent à l’entretien du lieu, à l’achat de matériel, et aux salaires. On peut lire sur le site de l’atelier (Les valeurs du Chat Perché – Atelier du Chat Perché) de la part des participant·es “nous n’attendons pas de retour sur investissement et nos pratiques n’ont pas de valeur marchande.” L’idée est d’être utiles à celles et ceux qui en ont besoin. Ainsi l’association fonctionne majoritairement en autofinancement , même s’il arrive de demander des subventions, il lui est important de ne pas être dépendantes d’institutions, afin de rester libres dans ses projets.
Car l’atelier se finance en partie par les adhésions annuelles. Les personnes souhaitant revenir à l’atelier adhèrent pour vingt euros et peuvent à chaque permanence réparer leurs vélos en utilisant les outils et pièces de rechange mises à leurs dispositions. Le reste se fait à prix libre: chacun·e donne ce qu’il ou elle veut en échange de ce qui a été utilisé dans l’atelier. Le prix libre et conscient se veut l’opposition du prix fixe inégalitaire qui impose le même prix à toustes. Ce n’est pas un prix fixe, ni un don, ni un prix conseillé, c’est un peu les trois ! Et pour le reste de ses financements, le chat compte sur des ventes de vélo de seconde main, entièrement révisées par les bénévoles et salarié·es. L’idée étant de promouvoir le réemploi, la réparation, plutôt que l’achat de neuf. Ce recyclage vaut pour le vélo comme pour les pièces. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se (ré)utilise.
Un·e adhérent·e nous affirme qu’iel se sent plus autonome et se fait plus confiance. Iel ajoute “ce que je me dis surtout, c’est qu’à l’avenir, je pourrais plus facilement aider d’autres qui auraient besoin de ça aussi. […] Je pense que globalement le partage de connaissances, c’est vraiment important.” (Propos de X, adhérent·e depuis un mois, recueillis le 19 février 2025).
Ce lieu ne vivrait pas sans celles et ceux qui y viennent. Deux adhérentes, E et L nous parlent de leurs expériences à l’atelier.
L : “Je venais surtout au Chat l’an dernier parce que j’avais un vélo qu’on m’avait prêté qui nécessitait souvent des réparations. Et je venais à cette époque, je pense, deux fois par mois pendant un certain temps. Et cette année, je suis moins venue, mais c’est toujours un plaisir de venir. Donc, j’aurais aimé plus souvent venir, mais c’est vrai que j’avais moins souvent le déclic qui me faisait y aller.
E : Et moi, j’ai un rythme très irrégulier. En fait, j’avais un vélo qui n’était pas à moi l’an dernier. Et au début de l’été dernier, j’ai eu mon vélo où il y avait absolument tout à refaire. Et du coup, je suis venue à partir de juin, je pense. Vraiment de manière intensive, genre en juin-juillet. Et après, je ne suis plus revenue parce que du coup, j’avais fait les choses nécessaires. Et maintenant, je viens pour des réparations ponctuelles. Je trouve qu’il y a vraiment une super ambiance et j’ai tout appris, parce que je n’avais aucune base en mécanique vélo, vraiment aucune et j’ai quand même appris des choses. Enfin disons que maintenant je me sens bien pour venir si jamais j’ai besoin, et je sais que je vais être accompagnée et tout et que ça va être cool. Donc, même si évidemment il y a plein de trucs que je ne sais pas faire, je sais que je peux venir, que je serai accompagnée, que je vais pouvoir me débrouiller pour à peu près n’importe quoi. Donc c’est cool.
L : Moi, un des points importants, c’est que la première fois que je suis venue, c’était pour les Heures Félines*, en fait. Et du coup, c’était pour ça que j’y allais. Et pareil, je ne savais rien faire du tout. Et je me suis retrouvée avec un vélo à refaire. Et du coup, je suis revenue… En fait, j’ai vu qu’il y avait des heures en non-mixité. Et après, c’était trop cool parce que je me sentais vraiment bien. Enfin, aux Heures Félines, il y avait un encadrement où c’était plus tranquille. En fait, c’était trop cool parce que ça se faisait hyper lentement. La bénévole, je crois que c’est elle, ou iel, peut-être. Et bien, iel m’a grave dit quoi faire. Mais après, iel m’a laissé patauger avec l’outil. Et en fait, c’était trop bien parce que j’ai passé, je ne sais pas, deux heures à juste refaire le moyeu d’une roue.
Et en fait, c’était hyper bien de faire grave des erreurs et de prendre le temps. Je pense que dans d’autres endroits, je n’aurais pas eu ça. Enfin, on m’aurait un peu peut-être pris l’outil des mains ou quoi. Du coup j’ai bien aimé cette ambiance où si t’as besoin d’aide tu sollicites et sinon c’est bien aussi de faire soi-même et de galérer. Au niveau du lieu, je trouve ça trop cool : tous les outils en commun, tu parles aux autres si t’as besoin d’un outil enfin c’est trop con mais ça met une ambiance où tout le monde se parle et tout le monde se pose des questions. Et puis le fait qu’il y ait des trucs à prix libre ou sinon des pièces d’usure genre les chambres à air que tu puisses acheter neuves c’est trop cool. Ou aussi les cadenas. Enfin il y a tout qui va et du coup ça fait grave s’attacher au lieu, d’utiliser tous les outils du lieu. Enfin, je pense que c’est l’envie de prendre soin des choses, quoi.[…]
L : Un truc très cool aussi, c’est que moi je suis allée très peu finalement aux heures en non-mixité, c’était vraiment la première fois pour commencer, ça m’a aidé. Et après j’ai trop aimé parce qu’aux autres heures de perm, il y avait souvent d’autres bénévoles, des gars plus vieux et tout ça, et j’ai trop aimé réparer mon vélo avec eux, parce qu’ils étaient hyper bien briefés je pense. Et du coup j’ai jamais eu de mansplaning* dans les autres heures, enfin c’était trop cool. Et sinon quoi d’autre ? Ah si, on était allé à la fête du Chat cet été** et c’était trop cool, moi j’avais vu la conférence gesticulée”. (Propos recueillis le 18 février 2025).
*le mansplaning est la situation dans laquelle un homme explique à une personne en minorité de genre (femme, personne trans, non-binaire, et autres) quelque chose qu’elle sait déjà, voire dont elle est experte, potentiellement sur un ton paternaliste ou condescendant
** La fête de la CLAvette a eu lieu le 21 Juin 2024 au local du Chat Perché rue Salomon Reinach. Toute la journée des activités, spectacles et jeux se sont déroulés dans l’atelier et dans la rue, alors entièrement réservée à cet usage. Des bénévoles, adhérent·es et habitant·es du quartier étaient présent·es, et ont pu déguster des crêpes, boissons et smoothies fait grâce à un vélo smoothie : le mixeur à smoothie étant relié à la transmission d’un vélo à roue unique, la personne s’assoit et pédale pour activer mécaniquement l’hélice du mixeur. On peut ainsi réaliser des jus, pâtes à crêpes, soupes etc. sans utiliser d’électricité, en plus d’amuser les enfants. Cette anecdote est parlante pour décrire l’importance de cette association dans la vie du quartier.
Habitons Mazagran en lutte contre la gentrification
En effet l’atelier du Chat Perché est membre depuis juin 2018 du collectif de quartier “Habitons Mazagran”. Depuis 2018 ce collectif fait d’habitant·es et des personnes participant à la vie de quartier situé au cœur de la Guillotière (Lyon 7ème) milite contre la destruction du patrimoine industriel et des lieux associatifs ou de vie collective de quartier. On peut lire sur leur site “C’est l’architecture qui définit la ville… pour créer du lien, créons un espace humain !”. C’est défendre un concept de l’habiter collectif, pour mieux vivre ensemble, pour que les activités d’un quartier soient accessibles à tous et toutes et fédèrent les habitant·es. En effet l’îlot Mazagran (situé entre les rues Jangot, Béchevelin, Salomon Reinach et Capitaine Robert Cluzan) va être détruit et les bâtiments actuels remplacés par une crèche, un garage automobile et des immeubles de logements. Ce qui signifie en réalité une privatisation de l’ilôt. Ces travaux sont vus par le collectif comme en rupture avec les réels besoins du quartier. Le conseil de quartier de la Guillotière avait également fait des demandes réitérées concernant l’aménagement de cet îlot, pour en valoriser le rôle central dans le bien-vivre du quartier. Les attentes des habitant·es du quartier en termes de lieux de compostage, stationnement vélos,espaces et habitats collectifs ne sont pas non plus écoutées, explique le collectif en 2018.
Le besoin réel en locaux d’activités ne semble pas non plus pris en compte. En effet la destruction de plusieurs lieux d’activités sans solution de relocalisation immédiate est vue comme un frein fort aux activités associatives du quartier. Comme vu plus haut, l’Atelier du Chat Perché, avec environ 1 100 adhérent·es, a un fort rôle social et écologique dans le quartier. Comme l’explique la lettre ouverte du collectif “Habitons Mazagran” en date du 7 novembre 2018 (Lettre ouverte – Habitons Mazagran) : “Il est indispensable au quartier et, plus largement, à une ville qui entend construire un futur durable.[…] Aménager le quartier de la Guillotière signifie-t-il commencer par faire table rase des activités qui en font la spécificité et l’attractivité pour ne créer ensuite que des locaux aux loyers inaccessibles sauf aux enseignes commerciales franchisées ?”
Les participant·es à l’association, tout comme au collectif soulignent les problèmes posés par cet aménagement, alors que la ville de Lyon a depuis quelques années une mairie “écolo”. Depuis que le projet a été présenté en 2015 par le Grand Lyon au Conseil de quartier de la Guillotière, une véritable concertation avec la population a été plusieurs fois demandée. Les membres du collectif, du Chat Perché et les habitant·es n’ont pas l’impression que leurs besoins sont écoutés. Le Conseil de quartier a exprimé à plusieurs reprises des réserves quant au projet proposé. Au final, une enquête publique relative à la révision du projet d’aménagement de l’îlot a été menée du 18 avril au 7 juin 2018. Le collectif et le conseil de quartier ont pu adresser leurs contributions aux commissaires-enquêteurs :
X (adhérent.e de l’association) : Ce lieu ( le Chat Perché), il va bientôt être déménagé de la Guillotière à Gerland. Et personnellement, je trouve ça vraiment dommage parce que je pense que les lieux comme ça, c’est ce qui donne vraiment la vie au quartier. Déjà qu’à côté, il y a l’ECG qui s’est fait expulser il y a quelques mois. Disons que si ça continue comme ça, la guillotière va vraiment… Disons que ça va perdre un peu de la vie de quartier, malheureusement. […] Je sais que ça sera Gerland après, mais que les travaux ça n’avance pas à la vitesse que ça devrait, ou que c’est un peu galère. Et puis qu’après, il va falloir organiser tout le déménagement aussi dans les mois qui viennent. Donc voilà, mais je n’en sais pas plus. (Propos recueillis le 19 février 2025).
Chantier participatif du démontage d’une mezzanine par les bénévoles de l’association pour le prochain local.
Cela devait être une étape importante pour évaluer l’acceptabilité du projet, mais le Grand Lyon a cédé entre avril et septembre 2018 des parcelles de l’îlot à un promoteur privé (UTEI) et un bailleur social (Grand Lyon Habitat), avant les résultats de l’enquête publique, le rapport des commissaires-enquêteurs et l’approbation du PLU-H. Un concours d’architecture a également été organisé et même remporté avant que le projet soit acté et approuvé par le quartier. Un promoteur était également présent aux côtés des élu·es lors de la réunion d’information à la mairie du 7ème en janvier 2018, puis en juin de la même année lors d’une réunion d’information publique organisée par le collectif “Habitons Mazagran”. Les membres du collectif ont exprimé leurs doutes dans cette même lettre ouverte: “Les règlements d’urbanisme sont-ils co-produits avec des acteurs privés qui négocient les possibilités constructives des terrains dont ils s’apprêtent à devenir propriétaires ?”
Le Chat déménage… avec vous !
Depuis, le bail précaire accordé à l’atelier du chat perché a expiré en 2024 et le déménagement de l’atelier est prévu pour avril. L’atelier, grand de 400m2 et contenant beaucoup d’outils, de pièces, et de stocks nécessite donc un grand travail de déménagement. Tout a été pensé par les participant·es : des besoins concernant le nouveau local, aux aménagements qu’ils y feraient, en passant par le mode d’organisation choisi pour préparer ce déménagement. Depuis le début, des communiqués sont visibles sur le site de l’atelier, envoyés par mail aux adhérent·es, et placardés à plusieurs endroits. La communication autour du déménagement est claire, accessible à tous et la plupart des personnes fréquentant le lieu sont au courant :
L – Du coup, j’ai vu qu’il y avait un formulaire. Et j’ai aussi une pote qui est devenue bénévole, c’est ma nouvelle colocataire, en fait. Et je pense que, même si je suis à Grenoble, je vais essayer de revenir pour aider au déménagement, parce que je trouve ça important que le lieu reste. […]
E : J’ai vu sur la newsletter que le chat va être déménagé rue Mérieux. Je sais que c’est en avril et qu’il n’y a qu’un mois de battement pour tout déménager. Et que c’est pour faire un garage automobile. J’ai pas plus d’infos sur concrètement comment va être le nouveau local. Est-ce qu’il va y avoir des différences avec ici, par exemple. (Propos recueillis le 18 février 2025).
La gestion se fait donc collectivement et le Chat encore une fois réussit à appliquer des principes d’autogestion, d’horizontalité et de transparence dans ses projets et prises de décisions. Plusieurs groupes de travail concernant les nouveaux locaux ont été créés, composés de bénévoles et des deux salarié·es de l’association. L’un concerne par exemple l’aménagement du local, un autre l’accessibilité au lieu, l’installation d’une mezzanine… La communication se fait par liste de mail et les décisions sont prises à plusieurs. Récemment, l’aménagement du nouveau local rue Marcel Mérieux commence avec un chantier participatif pour une mezzanine. Participatif car chacun·e participe selon sa bonne volonté, son temps disponible, en apprenant sur le tas ou sachant déjà faire et est libre de prendre des initiatives. C’est un travail collectif soudé, qui a permis d’avancer plus vite que prévu le démontage et déplacement de la dite mezzanine.
Photo du portail du futur local au 207 rue Marcel Mérieux, Lyon 7ème.
En parallèle, des coupes budgétaires sont prévues (-15% de subventions aux ateliers vélo lyonnais) pour l’année 2025, et la ville de Lyon pourrait bien changer de Maire lors des prochaines élections, ce qui ne sera peut-être pas pour servir les associations.
En d’autre termes, même si les temps semblent durs, que des projets d’aménagement urbain semblent aller à l’encontre des besoins d’un quartier et que la situation générale peut faire peur pour la vie associative, l’atelier du Chat Perché a su rebondir et s’organiser. Les valeurs d’autogestion, de solidarité et le travail collectif en sont d’autant plus importants. Ce n’est donc pas la fin de cet atelier, son histoire continue et il déménage… avec vous ! comme on peut le lire dans le communiqué du 4 février 2025.
Les aventures du Chat Perché et les projets solidaires et autogérés qui y sont menés sont parlants pour l’ensemble des lieux où il y a une envie de faire collectif. Créer du commun, du lien et prendre ensemble des initiatives est toujours possible, même si les temps sont durs.
Crédits photos : Natacha BIDGOLI RAD–LUTAUD