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Le problème du nazisme en Ukraine (1/3)

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Le problème du nazisme en Ukraine – Article complet

 

La chambre des Communes du Canada a ovationné Yaroslav Hunka qui faisait partie de la 14e division de grenadiers de la Waffen-SS (1re division de Galicie), formée sous l’égide de nul autre que Heinrich Himmler. Cette division des SS était directement responsable d’atrocités nazies, incluant le massacre de Huta Pieniacka du 28 février 1944, un village de Pologne qui servait d’abri aux juifs. Au moins 1 000 personnes y furent assassinées.

S’il convient de s’offusquer du fait que la chambre des Communes du Canada a applaudi à tout rompre Yaroslav Hunka, c’est aussi parce que cette situation est emblématique d’une réalité plus profonde encore. Le paysage politique du Canada est tellement imprégné de russophobie, qu’il a suffi aux autorités d’apprendre que Hunka a combattu la Russie pour lui dérouler le tapis rouge. Tout cela est donc bien plus que le résultat d’une simple bévue, aussi monumentale soit-elle. Il ne s’agit pas d’une erreur commise par le président de la chambre. Hunka a rencontré en privé Trudeau et Zelensky. Le scénario orchestré impliquait donc tout le personnel politique, y compris Trudeau. Cela révèle toute l’ampleur de la russophobie qui s’est emparée de l’administration libérale. La célébration de ce nazi en plein Parlement canadien a fait le tour du monde et attiré l’attention sur la question du nazisme en Ukraine.

Contre l’URSS durant la guerre froide et contre la Russie depuis la fin de la guerre froide, l’Occident a fait preuve de complaisance à l’égard des nazis et néo-nazis ukrainiens et leur a tendu la main. Le Canada a accueilli plusieurs Ukrainiens après la guerre, dont le grand-père maternel de la vice-première ministre actuelle Chrystia Freeland. L’Ottawa Citizen du 8 mars 2017 rapportait le fait que ce grand-père, Michael Chomiak, était un collaborateur nazi. On le savait depuis longtemps et ce, même si la principale intéressée prétend encore que c’est de la désinformation russe. Or, ce collabo écrivait dans un journal devenu pro-nazi, Krakivski Visti pendant l’occupation de la Pologne par l’Allemagne. Les propriétaires juifs que Chomiak avait expropriés sont allés mourir dans les camps. Qu’écrivait-on dans ce journal? Selon le Ottawa Citizen, « Krakivski Visti a salué la formation, approuvée par les Allemands, de la 14e division Waffen SS Halychyna, composée de volontaires ukrainiens. » [1]

Or, c’est justement à cette formation qu’appartenait Yaroslav Hunka, celui qu’on a accueilli en grande pompe et ovationné à la chambre des Communes ! La ministre ne pouvait ignorer ces faits.  Elle a pourtant applaudi elle aussi aux côtés de Trudeau et de la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly.

N’oublions pas non plus les monuments érigés à la mémoire de collaborateurs des nazis allemands à Edmonton et à Oakville. Iaroslav Stetsko, adjoint de Stepan Bandera et collaborateur déclaré de l’occupant nazi durant la Seconde Guerre mondiale, est fait citoyen d’honneur de Winnipeg en 1966.

Il n’y a pas que l’accueil de Néo-nazis en Amérique du Nord, il y a aussi et surtout l’engagement de l’Occident envers les néo-nazis en Ukraine. Même si la population ukrainienne dans son ensemble n’adhère pas au nazisme, les Néo-nazis sont partout présents dans l’histoire récente de l’Ukraine. Bien qu’ils soient en nombre restreint, ils jouent un rôle majeur depuis au moins 2013.

Il importe de souligner que le passé nazi de l’Ukraine est celui d’une minorité. La majorité des Ukrainiens ont combattu aux côtés de l’URSS, leur pays, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Seule une minorité à l’Ouest s’est rangée du côté des Allemands. Cette remarque est essentielle et vaut aussi pour l’époque contemporaine. La toute première victime de ce qui arrive est le peuple ukrainien. Il n’a pas souhaité le destin tragique qui l’afflige.

Il faut préciser dès le départ le sens des mots. Pour appartenir à la mouvance néo-nazie, il ne faut pas nécessairement faire comme le régiment Azov et s’en réclamer ouvertement par des insignes. Certains Ukrainiens ont pendant la Deuxième Guerre mondiale eu un engagement nazi non seulement au sens d’une adhésion à l’idéologie nazie ou au sens d’une collaboration qui aurait été forcée, mais au sens d’une participation volontaire et active criminellement responsable de milliers de morts. Dans le contexte d’une telle histoire, un groupe d’extrême droite qui prend le pouvoir par la force, qui cherche à mettre en place une politique discriminatoire, voire raciste, à l’égard d’une minorité et qui s’engage dans une action violente contre celle-ci, aboutissant à une guerre civile, est néo-nazi s’il se réclame de certains « héros » nazis qui ont commis des actes génocidaires. Cette définition de l’expression « néo-nazi » s’applique à tous les « Bandéristes », à savoir tous ceux qui agissent en s’inscrivant dans le prolongement du nazi Stepan Bandera. En plus du bataillon Azov, le bataillon Aïdar, le régiment Kraken, les groupes Secteur droit et C-14, ainsi que des partis politiques tels Svoboda (Liberté) et Corps national appartiennent à ce courant.

Les néo-nazis et le coup d’État de Maïdan

Tout d’abord, les néo-nazis ont été directement impliqués dans le coup d’État de Maïdan en 2014. Le groupe Secteur droit était aux avant-postes et le coup d’État n’aurait jamais eu lieu sans sa participation active et violente aux émeutes. Les militants n’étaient qu’une infime minorité par rapport aux milliers de manifestants. N’empêche, les radicaux extrémistes ont joué un rôle décisif [2] dans la tournure des évènements.

Or, ce groupe était soutenu par le parti politique néo-nazi Svoboda, dirigé par le leader antisémite Oleg Tyagnibok. Pour attiser les tensions et provoquer une révolte au sein de la population, tout indique que des tireurs d’élite visaient les insurgés pour ensuite faire passer ces agressions criminelles comme des actes commis par la police. Dans un reportage de la BBC, le journaliste Gabriel Gatehouse constate que des coups de feu émanent de ce qui s’avère être l’hôtel Ukraina[3]. Or le tireur était à l’étage où se trouvaient les locaux du parti Svoboda.

Ivan Bubenchik, un militant pro Maïdan, admettra avoir tué des policiers le 20 février[4]. Selon la revue Jacobin, des caisses de balles vides de Kalachnikov ont été trouvées dans la chambre d’hôtel Ukraina occupée par ce manifestant[5].

Le hall d’entrée de l’hôtel Ukraina recueillait exclusivement les blessés faisant partie des manifestants. Les autorités médicales affirmèrent que les balles trouvées dans les corps des policiers et des manifestants étaient de même origine. C’est, selon le journal Christian Science Monitor, la conclusion à laquelle sont en effet arrivées les autorités médicales.[6]

Ivan Katchanovski, politologue d’origine ukrainienne enseignant à l’Université d’Ottawa au Canada, estime que sur les 72 protestataires morts recensés pendant toute la période des confrontations, 48 (les deux tiers donc) ont été le fait de tireurs provenant des rangs des insurgés[7]. Katchanovski a constitué un dossier qui laisse planer peu de doutes sur l’origine des tirs et sur la motivation des auteurs. Son site web contient notamment une dizaine de vidéos relatant les événements du 20 février 2014. On y entend des témoignages d’une centaine de personnes[8]. On trouve aussi sur YouTube un document vidéo particulièrement troublant[9].

Une conversation entre Catherine Ashton, Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères en 2014 et Urman Paet, ministre des Affaires étrangères estonien en 2014, fut enregistrée qui confirme la thèse des snipers tirant sur les insurgés[10]. Des témoins confirment aussi cette interprétation[11].

Sans parler des confrontations directes violentes avec la police amorcées dès le 30 novembre 2013, le stratagème avec lequel on fait passer des meurtres comme des crimes commis par la police a débuté bien avant le 20 février 2014. Le 22 janvier, Sergei Nigoyan, un protestataire arménien, fut l’un des premiers à se présenter sur les lieux de Maïdan pour lire un poème patriotique. Il est tué très tôt le matin du 22 janvier et présenté par les radicaux extrémistes comme victime de la police. L’année suivante, le 18 novembre 2015, le directeur de l’unité spéciale d’enquête menée par le département du procureur Sergei Gorbatyuk reconnaitra que Serhiy Nigoyan a été tué par des balles tirées à moins de trois mètres de distance, alors que la police était à une distance de trente mètres[12].

Pourquoi fallait-il tirer sur ses propres manifestants? Dans un film produit par Oliver Stone[13], il est précisé que les représentants américains (dont Victoria Nuland) auraient indiqué aux manifestants que, pour que la révolte puisse se transformer en coup d’État, il fallait qu’il y ait une centaine de morts parmi les manifestants. Faire couler le sang génère de l’indignation, suivie d’accusations à l’encontre des autorités. Quoi qu’il en soit, il est clair que les néo-nazis ont joué un rôle décisif dans le coup d’État de Maïdan.

Andriy Parubiy était à la tête du mouvement de révolte à Maïdan[14]. On le surnomma « le commandant de Maïdan »[15]. Or, il avait fondé en 1991 un mouvement d’extrême droite, le Parti social-national d’Ukraine, avec notamment Oleh Tyahnybok.  Lors de l’enquête sur le massacre de Maïdan, certains membres de la compagnie d’autodéfense de Maïdan signaleront que Parubiy avait ordonné de déclencher « un bain de sang » lors de la marche vers le parlement du 18 février 2014. Une héroïne décorée de la résistance anti-russe, Nadiya Savchenko déclarera plus tard avoir vu un député de l’opposition, qu’elle a tout d’abord identifié comme étant Andriy Parubiy, orienter des tireurs d’élite. Elle modifiera sa version quelques heures plus tard en disant s’être trompée au sujet de Parubiy et qu’il s’agissait plutôt de Serhiy Pashinskiy[16].

Parubiy sera par la suite élu président de la Rada (Parlement) d’Ukraine. Or, il aurait déclaré à une émission sur la chaîne ukrainienne ICTV qu’il avait « étudié scientifiquement » la démocratie et a averti son public « de ne pas oublier les contributions du Führer [Hitler] au développement de la démocratie »[17]. Ces propos ont connu un retentissement jusqu’à la Rada. Le reportage de la chaîne TRC Rudana décrit les choses de la façon suivante : « La déclaration scandaleuse du président de la Verkhovna Rada fait l’objet de discussions sur les réseaux sociaux depuis plusieurs jours. Sur l’une des chaînes de télévision nationales, Andriy Parubiy a exhorté l’auditoire à ne pas oublier la contribution du Führer au développement de la démocratie. Certains considèrent une telle attaque comme une sorte de trolling des idées du théoricien du nazisme. »[18]

 

Notes

[1] David Pugliese, « Chrystia Freeland’s Granddad was indeed a Nazi Collaborator. So much for Russian Disinformation », Ottawa Citizen, 8 mars, 2017.  https://ottawacitizen.com/news/national/defence-watch/chrystia-freelands-granddad-was-indeed-a-nazi-collaborator-so-much-for-russian-disinformation; voir aussi https://web.archive.org/web/20230117135823/https:/www.theglobeandmail.com/news/politics/freeland-knew-her-grandfather-was-editor-of-nazi-newspaper/article34236881/ et https://www.theglobeandmail.com/world/article-kgb-archives-show-how-chrystia-freeland-drew-the-ire-and-respect-of/

[2] Serhiv Kudelia, « When Numbers Are Not Enough: The Strategic Use of Violence in Ukraine’s 2014 Revolution », Comparative Politics, Vol. 50, No. 4 (July 2018), pp. 501-521

https://www.jstor.org/stable/26532701

[3] https://www.youtube.com/watch?v=Qg3R_BSz0Cc&ab_channel=BBCNewsnight

[4] https://foreignpolicy.com/2016/02/26/he-killed-for-the-maidan/

[5] https://jacobin.com/2022/02/maidan-protests-neo-nazis-russia-nato-crimea

[6] https://www.csmonitor.com/World/Security-Watch/2014/0308/Kiev-snipers-Who-was-behind-them

[7] https://canadiandimension.com/articles/view/the-hidden-origin-of-the-escalating-ukraine-russia-conflict

[8] https://uottawa.academia.edu/IvanKatchanovski/Videos

[9] https://www.youtube.com/watch?v=FIN3X4VrZBk&ab_channel=InfoQuiderange

[10] Compte YouTube de Michael Bergman « Breaking: Estonian Foreign Minister Urman Paet and Catherine Ashton discuss Ukraine over the phone », à partir de 8 minute 24 secondes. https://www.youtube.com/watch?v=ZEgJ0oo3OA8&ab_channel=MichaelBergman

[11] https://www.dailymotion.com/video/x1qnu74

[12] https://en.wikipedia.org/wiki/Maidan_casualties

[13] Revealing Ukraine, 2019 https://www.youtube.com/watch?v=jhu3lfgHhCI&t=616s&ab_channel=GlobalTreePictures

[14] https://wikispooks.com/wiki/Document:Who_was_the_Maidan_sniper_mastermind%3F

[15] https://www.usatoday.com/story/news/world/2014/02/27/ukraine-opposition-parubiy/5844437/

[16] https://apnews.com/article/fb5fc2541be942a68f8031033e7ca3ff

[17] Ben Chacko, « Ukrainian speaker Andriy Parubiy slammed for praising Hitler as history’s ‘greatest democrat’ », Morning Star, 5 septembre 2018.

https://morningstaronline.co.uk/article/ukrainian-speaker-andriy-parubiy-slammed-praising-hitler-historys-greatest-democrat?utm_source=substack&utm_medium=email

[18] https://www.youtube.com/watch?v=VhZSQuE-K2E&ab_channel=%D0%A2%D0%A0%D0%9A%D0%A0%D1%83%D0%B4%D0%B0%D0%BD%D0%B0

 

Voir aussi :

Le problème du nazisme en Ukraine (2/3)

Le problème du nazisme en Ukraine (3/3)