Production et édition : Stephanía Aldana Cabas

Journalistes : Stephanía Aldana, Paula Mendoza et Mauricio Álvarez

Assistant à Bogota : Michael Pedraza

Après plus d’un mois de grève, les violations des droits humains en Colombie se poursuivent. Le gouvernement tente de cacher ce qui se passe réellement, tandis que les Colombiens, au milieu des protestations, exigent des changements structurels pour construire une société plus équitable.

L’année 2021 a commencé par de multiples annonces du gouvernement d’Iván Duque aux Colombiens, après deux pics de covid-19 en 2020. La Colombie a commencé l’année avec des rapports faisant état d’une vague de violence, de disparitions forcées et de déplacements forcés à Buenaventura, dans le Valle del Cauca, qui a fait 22 morts et un nombre encore inconnu de personnes disparues car les habitants de cette ville ont peur de signaler la disparition de leurs proches en raison des différents groupes armés opérant dans la région, en plus de la méfiance qu’ils ont envers les autorités.

Ce fait a conduit à la première marche de l’année, le 12 février 2021, qui s’est intensifiée avec le mécontentement des habitants de la ville de Buenaventura devant la rupture de l’accord convenu en 2017 avec le gouvernement national, dans lequel étaient inclus : la couverture et la prévention en matière de santé, la récupération et la préservation des comptes et systèmes écologiques, l’assainissement et les infrastructures de base , le renforcement de la production locale et la garantie de l’emploi, l’accès à la justice et la réparation aux victimes.

Lire aussi Colombie: Buenaventura une ville oubliée par l’État (ESP)

Au milieu de ces violences, le gouvernement avait annoncé fin 2020 une réforme fiscale, sanitaire, et du travail, qu’il chercherait à mettre en œuvre en 2021. Ainsi, le 27 avril dernier, l’ancien ministre des Finances et du Crédit public, Alberto Carrasquilla, s’est rendu au Congrès de la République pour convaincre les législateurs d’approuver la réforme fiscale.

Face à l’augmentation des impôts pour la classe moyenne du pays et, pas dans la même proportion pour les conglomérats économiques, à l’enregistrement des pensions, les services publics et, en principe, certains aliments de base, sont des questions qui ont fait déborder la patience des citoyens touchés par la pandémie et les ont fait descendre dans la rue pour exiger un changement structurel. Au milieu de ce scénario, le ministre Carrasquilla a fait une fausse sortie dans les médias qui a suscité moquerie et indignation, étant donné sa remarquable ignorance de la valeur de certains produits comme celui du panier d’œufs.

Les Colombiens ont dit : plus jamais !

Primera Línea en Medellín

Les Colombiens sont descendus dans la rue le 28 avril dernier pour exiger du gouvernement le retrait de la réforme fiscale, des garanties pour les dirigeants sociaux et les droits fondamentaux, ainsi que de plus grandes opportunités pour les jeunes, qui représentent aujourd’hui plus de 25% de la population au chômage, et dont une bonne partie n’ont pas pu accéder à l’enseignement supérieur ou à un emploi stable.

La grève nationale est menée par les jeunes dans les rues, qui ont appelé d’autres générations à se joindre à eux dans les marches pour faire valoir leurs droits et ainsi, chercher à créer des solutions aux problématiques qui existent depuis des années, mais qui se sont aggravées avec des situations telles que la pandémie pendant le gouvernement de Duque.

La multitude de marches et la pression exercée sur le gouvernement ont conduit Duque à demander, le 2 mai, le retrait de la réforme fiscale, tout en précisant qu’il en élaborerait une nouvelle en consensus avec les partis politiques. Bien qu’il n’ait fait appel qu’au groupe de travail du gouvernement, laissant la proposition en suspens en raison du manque de participation de tous les secteurs, et de la nécessité de mener à bien une réforme conforme aux finances de l’État et à la réalité colombienne.

Ce fait a conduit les Colombiens à déclarer une grève nationale ; le retrait de la réforme fiscale et la démission subséquente du ministre Carrasquilla ont été considérés comme un pas en avant. La réforme fiscale était un premier pas, mais que demandent les manifestants ?

¿Qué está pasando en Colombia?

Traduction de l’image :

Que demandent les Colombiens au gouvernement ?

1. Retrait du projet de réforme de la santé et renforcement du plan de vaccination contre le Covid-19.

2. un revenu de base d’urgence d’au moins un salaire mensuel minimum.

3. Défense de la production nationale (agricole, industrielle, artisanale, paysanne). Des subventions aux MiPymes (les micro, petites et moyennes entreprises) et une politique qui défend la souveraineté et la sécurité alimentaires.

4. 5. Gratuité de l’enseignement dans les établissements publics et non à l’alternance.

6. Pas de privatisation des entreprises publiques et abrogation du décret 1174 de 2020.

7. Arrêtez l’éradication forcée des cultures illicites au glyphosate.

8. Retrait de la réforme de l’Icetex, une entité qui finance l’enseignement supérieur.

9. Respect de l’accord de paix et fin des assassinats de leaders sociaux.

Interview de Paula Mendoza, Pressenza

 

Manifestante en el Parque de la Resistencia en Medellín

Un manifestant prépare une banderole pour la mobilisation dans le Parc de la Résistance à Medellin. Texte de la banderolle : De nombreux points de vente de drogue dans nos villes. Coexistence avec des groupes meurtriers. Chômage… Mauvaise formation… Une force publique impuissante. Photo : Mauricio Álvarez – Pressenza

Quel État protège les droits ?

Le gouvernement d’Iván Duque, depuis le premier jour des manifestations, a fait un usage excessif de la force de la part de la police nationale et de l’escadron mobile anti-émeute (Esmad) ; ces faits ont été  démontrés avec inquiétude par des organisations telles que l’Institut d’études pour le développement et la paix (Indepaz) et lONG Temblores, qui, dans leur rapport à la Commission Interaméricaine des Droits Humains CIDH, démontrent la violation et les incidences jurisprudentielles de la CIDH, en ce qui concerne l’utilisation de la force publique contre la société civile en Colombie, dans le cadre des manifestations qui ont eu lieu entre le 28 avril et le 31 mai 2021.

Pendant ce laps de temps, il y a eu 3 789 cas de violence de la part des forces de sécurité publiques (sans compter les cas de disparitions), parmi lesquels il a été possible d’identifier 1248 victimes de violence physique, 45 homicides, qui auraient été commis par des membres des forces de sécurité, 1646 détentions arbitraires à l’encontre de manifestants, 705 interventions violentes dans le cadre de protestations pacifiques, 65 victimes d’agressions oculaires, 187 victimes de coups de feu,  et 25 victimes de violences sexuelles (Temblores et Indepaz, 2021).

En outre, les deux organisations définissent les modes d’action de la force publique :

¿Qué está pasando en Colombia?

Traduction de l’image :

Actions de la force publique dans la grève nationale 2021

– Utilisation indiscriminée d’armes à feu contre des manifestants.

– Les pratiques de torture à l’intérieur des garnisons militaires et des centres de détention.

– Légitimation de la violence d’État par des mesures administratives.

– Présence d’agents de police sans identification ou en civil lors de manifestations.

– Détention arbitraire de personnes par la police nationale.

– Coupures de l’électricité et des services Internet et rafales de tirs.

– Des gaz lacrymogènes sont lancés dans les maisons.

– La censure sur les réseaux sociaux.

– Perquisitions sans mandat.

– Utilisation d’armes telles que le lanceur de projectiles multiples « venom » depuis le sol et à l’horizontale. Cela a été catalogué comme une arme qui manque de précision.

– Utilisation d’armes contre le corps et le visage des manifestants pour disperser des manifestations pacifiques.

 

Face aux multiples plaintes pour des abus commis par des policiers, des voix se sont élevées pour demander une restructuration de la force publique, et le démantèlement de l’Esmad ; elles se sont intensifiées depuis 2019, lorsqu’un agent de cette agence a tué le jeune Dilan Cruz lors d’une manifestation, en tirant un « bean bag » [N.d.T. munitions pour armes à feu, dont les cartouches contiennent des sachets avec du plomb, du sable ou des billes d’acier.] qui a atteint la tête du jeune étudiant. L’utilisation de ce type de munitions contre la population civile est interdite. Toujours en septembre 2020, la police nationale, dans un acte dit de brutalité policière et de torture, a tué l’avocat Javier Ordóñez, après l’avoir emmené dans un Comando de Atención Inmediata (CAI), situé dans le quartier de Villa Luz, à l’ouest de Bogota. Cet événement a provoqué une indignation collective dans la ville de Bogota et, au milieu des manifestations et des émeutes, neuf personnes ont été tuées par la police nationale.

Lire aussi : Dilan Cruz, symbole de la protestation sociale (ESP)

Lire aussi : Tragédie à Bogota : la police tire sur les manifestants (ESP)

Après ces événements, les citoyens demandent une réforme des forces de sécurité y compris le démantèlement d’Esmad, et la pénalisation par la justice ordinaire de ceux qui appartiennent à l’institution, et non par la justice pénale militaire, où les cas pourraient rester impunis compte tenu d’autres cas similaires.

Maintenant, au milieu des accusations d’abus dans l’utilisation de la force contre les manifestants, le ministre de la Défense Diego Molano, a été convoqué à une motion de censure par des congressistes opposés au gouvernement, étant donné sa responsabilité politique pour avoir été en charge de la direction des forces armées. Cependant, la motion de censure a été rejetée par 109 congressistes, alors qu’elle a été soutenue par 36 représentants, ce qui met en cause la responsabilité du gouvernement, de ses fonctionnaires et de ses institutions, pour les multiples violations des droits humains qui se sont produites sous leur commandement et dont ils ont connaissance.

En première ligne !

Dans plusieurs villes, des jeunes de tout âge, ayant fait des études supérieures, techniques, technologiques, professionnelles, et ceux qui n’ont pas eu la possibilité d’accéder à l’enseignement supérieur, sont descendus dans la rue pour manifester depuis le 28 avril 2020, et se sont rassemblés pour former ce que l’on appelle désormais  » la ligne de front « , qui est constituée de ceux qui sortent pour défendre les manifestants, essayer d’empêcher les forces de sécurité de détenir illégalement les manifestants, de les agresser physiquement, de leur tirer dans les yeux, dans la tête, ou même de les battre à mort.

Voir : ¿Qui compose la ligne de front ? (Interview audio (ESP) de Paula Mendoza)

Primera Línea en Medellín

Ligne de front à Medellín. Photo: Pressenza

Cependant, dans la majorité des cas, le nombre d’agents de la force publique avec leurs armes – considérées comme interdites par le droit international pour être utilisées contre ceux qui descendent dans la rue pour manifester – sont d’un usage quotidien, et il a même été vu comment la police a été accompagnée par des civils qui tirent sur les manifestants, en particulier dans le cas de la ville de Cali. Ce qui fait qu’il est impossible de protéger la vie de ceux qui exercent leur droit de manifester. Ceci a été dénoncé par le média Cuestión Pública :

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Ces jeunes ont été rejoints par des mères colombiennes, dans ce que l’on a appelé le portail de la résistance, dans le Portal las Américas de Transmilenio, situé dans le sud de Bogotá, puis ce groupe a été reproduit par des mères dans des villes comme Cali, en raison du nombre élevé de personnes agressées, détenues et qui ont disparu. C’est ainsi qu’un groupe de personnes s’est formé, rejoint par quelques prêtres et enseignants, soutenus par le public qui leur fournit de la nourriture.

Voir : ¿Que demande la ligne de front au gouvernement ? (Interview de Stephanía Aldana)

Ces secteurs sociaux ont également été accompagnés par  la Minga [mobilisation sociale autour des revendications centrales des peuples indigènes colombiens] dans différents départements, comme dans le Cauca, qui s’est mobilisé à Cali et qui est resté quelques jours à l’Université de Valle, où ils ont été attaqués par les forces de sécurité, et ont essayé d’organiser une réunion avec le gouvernement national ; mais le gouvernement est arrivé aux premières heures du 10 mai, a rencontré les autorités puis est immédiatement retourné à Bogota, ce qui a démontré son manque d’intérêt pour le dialogue avec les autochtones.

La Minga indígena en el Parque de la Resistencia de Medellín

La Minga indigène dans le parc de la résistance à Medellín. Photo : Mauricio Álvarez – Pressenza

Voir : Pour la terre, pour la vie et pour notre existence ! (Entretien réalisé par Mauricio Álvarez avec un membre de la Minga Indigène)

L’autorité indigène d’Antioquia a rencontré les jeunes qui mènent les protestations à Medellin, pour exprimer leur soutien, tandis qu’ils ont réussi à établir un dialogue avec le gouvernement et sont parvenus à des accords sur les points de la liste de revendications. Les indigènes du Cauca se sont rendus à Bogotá, où ils ont accompagné les marches, et exigé que le gouvernement respecte l’accord de paix. C’est ce qu’a déclaré Fernando Sarta, leader indigène de Tolima : Les communautés indigènes soutiennent les jeunes qui mènent la grève nationale (Interview par Stephanía Aldana Cabas). Audio en ESP.

Le gouvernement tente de cacher la réalité devant la CIDH (Cour interaméricaine des droits humains)

Les organisations civiles ont lancé de multiples appels à la Cour interaméricaine des droits humains pour les violations récurrentes des droits contre les manifestants pendant les protestations ; elles ont même dénoncé les agressions des forces de sécurité contre les fonctionnaires du bureau du médiateur, les gestionnaires de la coexistence de la mairie de Bogota, l’organe des droits humains des Nations unies, et contre les journalistes et photo reporters qui rendent compte de la grève nationale.

Voir : Quelle est la lecture des organisations civiles des actions du gouvernement pendant la grève nationale ? (Interview de Stepanía Aldana Cabas à María Elvira Cabrera Díaz de l’ONG Temblores)

« 235 agressions de journalistes ont été enregistrées par les forces publiques lors de l’exercice de reportage sur la grève nationale. » Fondation pour la liberté de la presse (FLIP)

En conséquence, les organisations sociales ont intenté un procès contre le gouvernement d’Iván Duque, qui a débouché sur une demande de visite de la CIDH dans le pays, laquelle a été initialement refusée par le gouvernement Duque par l’intermédiaire de la vice-présidente et ministre des affaires étrangères, Marta Lucía Ramírez. Au lieu d’autoriser la visite, le gouvernement a réalisé des vidéos publicitaires, qui ont été distribuées aux ambassades, aux consulats et aux organisations internationales, dans le but de présenter les manifestations comme un mouvement politique des secteurs de l’opposition, en particulier du sénateur Gustavo Petro, qu’il accuse d’être à l’origine de toute cette mobilisation, et en plus de rejeter les violations des droits humains qui ont été dénoncées par diverses organisations colombiennes et internationales, comme Human Rights Watch.

Voir : La vidéo dans laquelle Duque rend Petro responsable de la grève (et ses inexactitudes)

En fait, le secteur démocrate du Congrès des États-Unis, dirigé par Gregory Meeks, qui préside la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, a indiqué le 4 mai dernier, par le biais de son compte Twitter, que si « la violation massive des droits humains se poursuit, je demanderai au Congrès de geler les fonds et l’aide fournis à la Colombie ».

Pour comprendre ce qui se passe en Colombie en termes de droits humains au milieu des mobilisations, Pressenza a interviewé le président d’Indepaz, Camilo Gonzalez Posso :

Pour voir la vidéo sur un ordinateur avec les sous-titres en français : 1. Cliquez sur l’icône Sous-titres (rectangle blanc en bas à droite de la fenêtre du lecteur vidéo).   2. Cliquez sur l’icône Paramètres (roue dentée en bas à droite), puis cliquez successivement sur Sous-titres, puis sur Traduire automatiquement.    3. Dans la fenêtre qui s’ouvre, faites défiler la liste des langues et cliquez sur Français.

La communauté internationale a fait pression sur le gouvernement Duque pour qu’il autorise la visite de la CIDH dans le pays, ce qui a conduit la vice-présidente et ministre des Affaires étrangères, Martha Lucía Ramírez, à se rendre aux États-Unis pour convaincre les démocrates que la Colombie ne connaissait pas de violations des droits humains contre les manifestants, par les forces de sécurité. De même, la députée Paloma Valencia s’est rendue à La Haye pour rejeter le procès contre le président colombien, intenté par des organisations sociales, étant donné sa responsabilité dans la violation du droit pénal international.

En fin de compte, malgré le lobbying, le gouvernement a dû accepter qu’une délégation de la CIDH se rende sur place entre le 8 et le 11 juin, période au cours de laquelle ils ont rencontré des fonctionnaires du gouvernement, entre autres, qui ont indiqué que les personnes concernées sont la police et les agents d’Esmad. En outre, ils ont précisé que les forces de sécurité ne persécutent pas les manifestants et ont annoncé pendant le séjour de la délégation, une réforme de la police afin de détourner l’attention internationale de ce qui se passe dans le pays.

En plus du gouvernement, la CIDH a également rencontré des organisations civiles, et reçu un rapport sur les chiffres des violations des droits humains. Elle a également eu l’occasion de rencontrer les victimes de ces violations, le Comité national de grève, les jeunes et les mères de la Ligne de Front.

 Litiges au sein du gouvernement

Une série de désaccords internes entre les responsables du gouvernement Duque, en plein milieu des protestations sociales, a conduit à la démission de la ministre des affaires étrangères, Claudia Blum, après deux événements. Le premier d’entre eux a eu lieu lors de la participation de Blum à une session du Conseil de sécurité des Nations unies sur l’accord de paix, au cours de laquelle elle a exprimé que : « lorsqu’on analyse le respect de l’accord, le rapport ne peut pas se référer uniquement aux actions du gouvernement en tant que l’une des parties signataires. Il faut considérer l’existence des dissidents des Farc comme une rupture justement de l’ancienne guérilla, désormais convertie en parti politique ».

Cette déclaration attaque de front les combattants démobilisés, les anciens combattants, et le parti politique créé après la démobilisation des FARC, avec l’Accord de paix final signé à La Havane, à Cuba, en 2016.

Le deuxième événement auquel Blum a participé est une série de différends avec le gouvernement argentin le 5 mai dernier. Dans un tweet, Blum a rejeté ce que le président Alberto Fernández et son gouvernement considéraient comme une répression des forces de sécurité déclenchée par les manifestations, et a exhorté le gouvernement d’Iván Duque à cesser « la singulière violence institutionnelle qui a été exercée ».

Traduction : C’est avec inquiétude que j’observe la répression déclenchée contre les protestations sociales en Colombie. Je prie pour que le peuple colombien retrouve la paix sociale et j’exhorte son gouvernement, à protéger les droits humains, à mettre fin à la singulière violence institutionnelle qui s’est exercée.

En réponse à ce tweet, l’ancienne ministre des Affaires étrangères a réfuté les déclarations du président argentin dans une déclaration sur Twitter, indiquant que « [le] ministère des Affaires étrangères, au nom du gouvernement de la COL, rejette fermement les déclarations du président Alberto Fernandez, qui ignore que des milliers de Colombiens ont eu, dans le cadre de notre État de droit, toutes les garanties pour exercer une protestation pacifique dans tout le pays ».

Un autre fait qui laisse perplexe sur la stabilité et le pouvoir de Duque est l’interférence de son mentor Álvaro Uribe Vélez, qui lui trace la voie à suivre en toutes matières. Par conséquent, Uribe prenant des pouvoirs qui ne lui incombent pas, puisqu’il ne fait pas officiellement partie du gouvernement, a pris contact à deux reprises avec des représentants de l’Armée de libération nationale (ELN) le 22 décembre 2020.

Une deuxième rencontre a eu lieu au cours du premier quadrimestre de 2021 lorsqu’Uribe a rencontré dans son hacienda, située à Montería, Juan Carlos Cuellar, ancien combattant de l’ELN et nommé responsable de la paix avec cette guérilla. Cependant, Uribe n’a pas informé de ces deux réunions le Haut Commissaire pour la Paix, Miguel Ceballos, chargé de diriger les pourparlers avec le groupe armé, afin de rechercher une nouvelle période de négociations, après la suspension de ce gouvernement à la table de Quito, en Équateur, suite à l’attentat à la voiture piégée de la guérilla contre l’école de police General Santander Bogota, le 17 janvier 2019, où 23 personnes ont été tuées et 100 autres blessées.

Ces deux situations ont conduit à la démission du Haut-Commissaire pour la paix, Ceballos Arévalo, le 25 mai 2021. Il a déclaré aux médias : « Cela a bien sûr créé en moi un malaise, qui demeure, non seulement parce que je n’ai pas été consulté, mais aussi parce qu’il y a un respect pour la dignité d’une position aussi complexe que la mienne, dans laquelle le contact qui peut conduire à un résultat qui aide ou entrave la paix, est une partie essentielle de mes fonctions ».

Le comité de la grève

Le Comité de grève qui, le 7 juin dernier, a quitté la table des négociations avec le gouvernement national, représenté par Emilio Archila, conseiller à la stabilisation, a indiqué que le Comité est responsable des blocages sur les différentes routes du pays, alors que le Comité a assuré que le gouvernement retarde la liste des urgences, ignore les violations des droits fondamentaux, n’a pas respecté l’accord de paix et ne veut pas signer le pré-accord conclu le 24 mai.

C’est pourquoi, à l’arrivée d’Antonia Urrejeola, présidente de la Commission de la CIDH et de son équipe consultative, ils ont reçu un document du Comité dans lequel cinq points ont été relevés : la signature et la mise en œuvre de l’accord entre le gouvernement national et le Comité, il est demandé à la délégation d’intervenir immédiatement pour mettre fin aux brutalités policières , exigent que le gouvernement national respecte la sentence qui garantit le droit à la protestation sociale, qu’une commission d’enquêteurs indépendants soit créée pour compiler les informations sur les actes de violence contre ceux qui manifestent pacifiquement depuis le 28 avril.

Le gouvernement national espérait que lors d’une conférence de presse le 10 juin, le Comité national de grève lèverait la protestation sociale. Toutefois, le Comité a indiqué que les manifestations se poursuivront jusqu’à ce que le gouvernement Duque commence à négocier la manière dont les changements demandés par les Colombiens seront effectués.

Ces derniers jours, on a appris que le gouvernement national, face au refus du Comité de grève de reprendre les négociations si ce qui avait été convenu dans le préaccord n’est pas respecté, entamera une série de pourparlers au niveau régional ce que certains membres du Comité ont qualifié de nouvelle forme de tromperie de la part du gouvernement.

Dans le même temps, certaines des plates-formes et organisations qui composent le Comité national de grève, ont annoncé que la protestation serait mesurée, c’est-à-dire que des appels massifs seraient lancés de temps en temps pour aller protester et que, par le biais du Congrès, on commencerait à traiter certaines des demandes qui faisaient partie du pré-accord qui avait été conclu avec le gouvernement le 14 mai et que, selon les directives du Comité de grève, le gouvernement avait décidé de refuser la signature du président et devait recommencer une nouvelle négociation à partir de zéro.

 

Traduit de l’espagnol par Ginette Baudelet