Cet événement a été organisé par l’organisation de désobéissance civile Extinction Rébellion, le 24 mars 2019 à la Place de la Bourse à Paris

« Alors on va pas la faire longue, vous connaissez tous les chiffres. En fait il y a une incompatibilité radicale entre notre système économique et politique, et la biosphère. L’un ou l’autre doit mourir. Si on continue la trajectoire, s’est grillé et tout peut dégénérer dans ce qu’on pourrait appeler un effondrement, mais si de l’autre côté, on laisse les énergies fossiles dans les sous-sols, c’est de toute façon la fin du monde tel que nous le connaissons, et quelle que soit l’alternative, en fait c’est pour nous, c’est pour les générations présentes, c’est pas pour les générations futures, et on est pris dans les paradoxes. On vit un temps où les enfants sont plus adultes que certains adultes. On vit un temps où il faut détruire notre mode de vie pour rester en vie. On vit un temps où il faut arriver à croire à la force des communs quand on se prend la force publique dans la figure. On vit un temps où il faut prendre le temps de réfléchir, et de délibérer dans l’urgence, alors personnellement j’ai peur, et j’ai jamais cherché à faire peur, mais il est temps de se rendre compte que ce ne sont pas les discours qui font peur, ce sont les faits, ce sont les catastrophes. Comment vous voulez informer votre voisin d’immeuble qu’il y a le feu sans parler du feu ? …et c’est normal d’avoir peur. La peur, elle permet d’alerter, mais elle ne permet pas vraiment de passer à l’action, mais elle a une qualité la peur, c’est qu’elle montre le chemin du courage, et le courage, étymologiquement parlant, ça vient du cœur. On a besoin d’aller dans le cœur. La peur appelle le courage, il ne faut pas attendre l’espoir. Il faut passer à l’action. Et c’est ensemble dans l’action que viendra l’espoir. A propos de la peur d’ailleurs, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais elle est en train de changer de camp. Et j’aime bien réciter Greta Thunberg, la jeune Greta qui disait à Davos : “Je ne veux pas de votre espoir, je veux que vous que vous paniquiez, et là on est sur le bon chemin.

En fait, il est aussi normal de ressentir de la colère et de la tristesse. Quand on ressent de l’injustice, quand on perd ce à quoi on tient, la tristesse et la peine sont importantes, elles sont à la hauteur de l’amour que l’on porte, et que l’on portait aux choses qui disparaissent. Que ce soit les oiseaux, les poissons, les écosystèmes, des humains, peu importe.

Et maintenant il est temps aussi de pleurer. Il est temps d’aller au fond, de toucher le fond, de toucher le désespoir. Ce désespoir qui anime beaucoup de jeunes en ce moment dans les rues, et on en a besoin pour pouvoir aller de l’avant, pour pouvoir tourner la page, la tristesse et la peine, les larmes, ça sert à tourner la page. Et pour aller de l’avant, c’est aussi aller vers la joie, vers l’excitation, et aussi vers la rage. La rage d’être ensemble et de construire. La rage de vivre ensemble cette tragédie, et c’est dans l’adversité que se soudent les groupes, et que les fraternités naissent, et si vous le croyez pas, allez demander aux vétérans de guerre, et comme le dit le rappeur Kery James : “C’est pas avec les larmes que tu éteins l’incendie”.

Il est grand temps maintenant de s’organiser, bien sûr il est trop tard pour beaucoup de choses, mais il est toujours temps de s’y mettre, et quand on détruit ta maison, quand on blesse, ou on tue tes frères et tes sœurs, tu ne te laisses pas faire, tu te rebelles. Nous sommes en guerre. Et l’ennemi est partout. Il est aussi bien au G7, dans les multinationales, dans l’administration, mais il est aussi dans les foyers, et il est en nous. Il est en nous. Et le courage, c’est d’aller combattre ces individus, et ses structures toxiques pour la société et pour la planète, mais le courage, c’est aussi d’aller trouver et affronter nos propres ombres. Et la lâcheté, c’est de ne pas les voir, de les mettre sous le tapis, de se réfugier derrière les autres, ou derrière le système. La lâcheté, c’est de mettre le profit avant la vie, la journée au boulot et le soir d’aller embrasser ses enfants. La lâcheté, c’est de déclarer comme le faisait un PDG d’une entreprise d’assurance : “Nous n’assurerons pas un monde à +4 degrés.” Mais dit papa, pourquoi les anciens n’ont pas assuré? Nous vivons les dernières fenêtres d’action climatique. Il est déjà beaucoup trop tard pour certaines espèces. Pour des populations d’être vivants qui sont là, qui nous regardent, qui tiennent à nous. Nous avons des liens très forts avec eux. Ils nous attendent et ils nous écoutent. Nous sommes la dernière génération à choisir de s’autodétruire ou pas. Et tous ces mouvements, ces marches pour le climat,  ces Gilets Jaunes, ou même nous, Extinction Rebellion, tout ça c’est pas prêt de s’arrêter! Ça peut converger, ça peut converger, et ça ne doit pas s’arrêter. Bien sûr on nous fera porter le chapeau. On va nous criminaliser, et nous devons nous former. Nous devons rester ensemble, intelligents, sensibles, soudés, et à l’écoute. Nous sommes un mouvement de légitime défense, et comme le dit Paul Hawken, un activiste américain : “Nous sommes le système immunitaire de Gaïa qui se réveille. Derrière nous, il y a une longue tradition de désobéissance civile. Nous ne sommes pas les premiers, mais nous serons peut-être les derniers ». Merci. »