Mais de quelle paix parle-t-on ? Une question qui surgit spontanément en ces heures où nous nous préparons à assister en retenant notre souffle à la disparition de la Palestine, à l’épreuve de force finale sur tous les fronts possibles, avec l’offensive terrestre annoncée (depuis des jours en fait) dans la bande de Gaza, la population palestinienne déjà épuisée par le blocus de l’aide et la faim après 18 mois de guerre, qui devrait selon les plans s’entasser dans un autre camp de réfugiés au sud de la bande, à la merci de l’aide fournie par Tsahal, pour ensuite se laisser déporter on ne sait où et par qui.
Et donc : nous sommes au point d’un nettoyage ethnique non seulement dénoncé par divers tribunaux internationaux, mais clairement claironné sur des réseaux unifiés et peu importe si cela signifie le sacrifice d’otages, c’est le prix que Netanyahou inflige à la société israélienne pour sa propre survie politique. Des milliers de réservistes appelés à l’épreuve de force finale, des négociations interrompues parce qu’il n’y a plus rien à négocier, des cieux déclarés zones d’exclusion aérienne… Et nous tous qui ne pouvons que regarder, nos gouvernements totalement complices de l’apocalypse en direct, avec des appels, des initiatives de solidarité, des lumières qui s’éteignent, des collectes de signatures, des messages que nous échangeons pour calmer l’angoisse, donner libre cours à l’indignation, exprimer notre proximité avec Gaza… sachant pertinemment que cela ne servira à rien, que la partie est terminée, que rien ne pourra empêcher le massacre, le projet du Grand Israël se réalise, avec le soutien plus que jamais « intéressé » de Donald Trump.
Dans ce contexte, s’est ouvert ce 8 mai à Jérusalem le Sommet des Peuples pour la Paix, qui, prévu depuis des mois, a quelque chose de surréaliste. Paix : un mot aujourd’hui si vidé de sens, si facilement ridiculisé (comme l’ont souligné les trois co-organisatrices Mika Almog, May Pundak et Maya Savir dans la récente interview que vous pouvez relire ici). Et il est peut-être vrai que la proposition de cessez-le-feu gagne enfin en popularité au sein de la société israélienne (c’est du moins ce que disent les sondages, par exemple celui publié par l’aChord Institute). Mais qu’en est-il de la réconciliation ? Qui sait combien de temps cette idée même restera indigeste pour cet « autre camp » que nous aimerions imaginer impliqué dans la planification du jour « qui viendra après la fin de la guerre » – ces sept millions de Palestiniens qui devraient tout simplement disparaître. Que pourrait bien signifier pour eux ce Sommet des Peuples pour la Paix, riche en événements, en propositions et en excellentes intentions, qui s’ouvre aujourd’hui à Jérusalem ?
Je me pose cette question alors que je reçois sur mon téléphone portable un dernier message de Maoz Inon, l’un des promoteurs les plus convaincus de l’initiative, qui dit ceci : « …alors que la guerre fait rage avec une violence toujours plus grande à Gaza, déjà privée d’aide humanitaire et même de nourriture depuis longtemps, le mouvement israélo-palestinien refuse de se taire (…) Face à cette horreur, des milliers d’Israéliens et de Palestiniens s’apprêtent à rejoindre Jérusalem pour dire (en gras dans le texte) : Il est temps ! Il est temps d’arrêter le massacre. Il est temps de mettre fin au siège. Il est temps de choisir la justice, l’égalité et la paix – pour tous. (…) Aujourd’hui (8 mai) et demain (9 mai), Jérusalem sera le théâtre du plus grand événement anti-guerre et pour la paix jamais organisé au Moyen-Orient. (…) Brisez le silence, rejoignez notre programme d’action, participez ou connectez-vous… »
Et donc il est interdit de se décourager, nous continuons certainement dans notre intention d’approcher, d’explorer, d’écouter, par rapport à ce merveilleux « camp de paix » qui a grandi avec une grande cohésion interne et maturité ces derniers mois, et qui se présente à nouveau aujourd’hui comme prévu, et a d’ailleurs déjà eu de belles avant-premières dans différentes villes du monde, comme vous pouvez le voir dans le diaporama ci-dessous.














San Francisco, Los Angeles, Londres, Sydney, Seattle, Boston, Baltimore : grâce au formidable travail de réseautage mis en marche par le mouvement israélo-palestinien Standing Together (parmi les plus actifs de la coalition de 60 organisations promotrices), voici une belle série de photos des initiatives qui, depuis dimanche dernier, le 4 mai 2025, se sont mobilisées en soutien à ce Sommet pour la Paix, malheureusement si ignoré par le mainstream, et pourtant plus important et nécessaire que jamais aujourd’hui.
Et maintenant, passons au programme vraiment riche de débats, de séminaires, de rencontres et même de moments récréatifs qui rempliront cet événement de deux jours à Jérusalem : la liste est trop longue pour être rapportée dans son intégralité, limitons-nous donc à souligner les axes thématiques les plus significatifs.
Pour aujourd’hui (8 mai 2025), tout se passe dans l’après-midi et le programme est réparti entre différents lieux d’accueil répartis dans la ville (liste détaillée des événements sur ce lien : https://www.timeisnow.co.il/thursday-english )
Cinémathèque Sam Spiegel, Centre Willy Brandt, Projet Smadar, FeelBeit, Muslala, Hamiffal, Mizkaka, YMCA, autant de lieux qui représentent bien une Jérusalem en mouvement et prête non seulement à accueillir, mais à s’impliquer – et à en accepter les risques, si l’on pense aux attaques de plus en plus fréquentes contre le front pacifiste par des gangs fondamentalistes, avec l’approbation du FFOO, comme le démontrent ces images choquantes, diffusées hier par Assopace Palestina.
Parmi les différents événements, le plus important sera peut-être à 18 heures à la Cinémathèque pour la projection du film « Wave Goodbye to Dinosaurs » d’Eimhear O’Neill, qui raconte l’histoire du processus de paix en Irlande du Nord, qui a eu lieu principalement grâce à cette belle Coalition des femmes d’Irlande du Nord, tant sur le front catholique que protestant. Et immédiatement après le film, une discussion est prévue avec deux des protagonistes, Monica McWilliams et Avila Kilmurray, en dialogue avec Yael Brouda-Bahat, fondatrice (avec feu Vivien Silver, victime des miliciens du 7 octobre [2023]) et codirectrice du mouvement Women Wage Peace, qui compte plus de 50 000 membres en Israël, en partenariat avec les Women of the Sun (Femmes Palestiniennes du Soleil).
Mais avant cela, à 16 heures, à l’espace Mizkaka, il y aura Maoz Inon et Aziz Abu Sarah, que nous avons interviewés pour Pressenza ici et ici, qui, en plus de rappeler l’histoire de leur amitié fraternelle sur le front de la paix, proposeront quelques « recettes » simples pour que l’espoir devienne action, ce qui est le slogan de tout le projet : l’espoir est un verbe… l’espoir est quelque chose qui se fait.
Nous n’entrerons pas dans les détails des autres projections (de courts et longs métrages), des ateliers créatifs (nombreux pour les enfants), des performances (par exemple celle de l’artiste Idith Kishinovsky, spécialisée dans les « techniques affectives et clownesques » pour transformer les situations de conflit en changement), des moments de prière (par exemple avec l’Ensemble Eretz, qui présentera des artistes israéliens et palestiniens dirigés par Yonatan Konda), du Festival Paix et Écologie à partir de 14h à la Terrasse de Muslala, de l’exposition sur le thème de « l’Art Politique » au Musée sur la Couture et de la rencontre prévue avec le commissaire/artiste/activiste Chen Shapira qui aura lieu sur le toit du Musée lui-même (tous les détails sur le lien ci-dessus…). Et nous soulignons certainement l’importante exposition au YMCA intitulée « Fondations » qui explore les éléments fondamentaux de l’islamisme à travers les œuvres d’Anisa Askar et de Daphna Tal.
Et enfin, vers 20 heures, aura lieu l’événement “Seekers of Peace” [« Chercheurs de paix »] à l’Institut Hadar, qui tentera « d’imaginer un avenir meilleur pour tous les habitants de cette terre, malgré la douloureuse réalité dans laquelle nous nous trouvons ». Parmi les organisateurs/intervenants, nous reconnaissons le nom de May Pundak, fondatrice et co-directrice de A Land for All (que nous avons interviewée ici), et de divers activistes du mouvement Rabbis for Human Rights.
Les propositions de visites sont magnifiques : de 9 heures du matin jusqu’au coucher du soleil, divers itinéraires « thématiques » à travers les rues de Jérusalem, guidés par les différentes organisations impliquées dans le projet, dont Ir Amim, Zochrot, Peace Now, le même Mejdi Tours fondé par Aziz Abu Sarah, avec la double narration de deux voix guides différentes, israélienne et palestinienne, « pour découvrir non seulement le passé problématique de cette ville, mais aussi les opportunités ultérieures d’intersection et de dialogue, étape par étape ». La journée se terminera par une Marche silencieuse pour la paix : un “moment méditatif “ inspiré par les enseignements du Mahatma Gandhi, de Martin Luther King, du rabbin Abraham Joshua Heschel et de bien d’autres.
Et maintenant, nous arrivons au jour principal, c’est-à-dire le 9 mai 2025 du matin au soir au Centre international de congrès de Jérusalem, le même qui, il y a un an et demi, accueillait cette méga et très menaçante assemblée de colons et de représentants du pire fondamentalisme sioniste, qui a en quelque sorte inspiré l’urgence de cette initiative, sous la bannière de « Allons-y… il est temps ! »
Après l’événement d’ouverture (à partir de 9 heures en France, disponible en streaming sur les chaînes Facebook et YouTube d’It’s Time : https://www.youtube.com/live/DIs8F5iwN5w) qui aura pour fonction de passer en revue les principales organisations impliquées et de résumer tous les événements et axes thématiques de l’événement de deux jours, la journée se poursuivra avec divers programmes répartis dans 14 salles, avec des débats, une foire d’information, des performances musicales, des programmes pour enfants, des installations artistiques : « L’idée est de créer quelque chose qui parle à la tête, au cœur et aussi à l’estomac » a expliqué Mika Almog au journal Haaretz.
La liste serait trop longue à reproduire et donc également pour la journée du 9 mai nous vous renvoyons au lien https://www.timeisnow.co.il/friday-english
En attendant, profitons du tour d’horizon des événements qui ont déjà eu lieu ou qui sont sur le point de se produire dans le monde, en soutien à ce beau, compact et déterminé « camp de paix » israélo-palestinien qui se tiendra entre aujourd’hui et demain à Jérusalem.
Plus d’informations sur le Sommet des peuples pour la paix sur www.timeisnow.co.il
Liens vers les articles précédents sur Pressenza :
Interview à Maoz Inon: https://www.pressenza.com/fr/2025/04/vers-le-sommet-des-peuples-pour-la-paix-a-jerusalem-les-8-et-9-mai-entretien-avec-lun-des-organisateurs-maoz-inon/
Interview à Aziz Abu Sarah: https://www.pressenza.com/fr/2025/04/vers-le-sommet-des-peuples-pour-la-paix-a-jerusalem-les-8-et-9-mai-entretien-avec-aziz-abu-sarah/
Interview à Nivine Sandouka: https://www.pressenza.com/fr/2025/04/vers-le-sommet-des-peuples-pour-la-paix-a-jerusalem-les-8-et-9-mai-nous-devons-soutenir-la-societe-civile-declare-la-palestinienne-nivine-sandouka/
Interview avec Mika Almog, May Pundak, Maya Savir : https://www.pressenza.com/fr/2025/05/vers-le-sommet-des-peuples-pour-la-paix-a-jerusalem-les-8-et-9-mai-quand-les-femmes-bougent/
Traduction, Evelyn Tischer