Le débat linguistique a été ravivé récemment dans la seule province officiellement bilingue du Canada, alors que le gouvernement du Nouveau-Brunswick cherche à réformer le programme d’immersion en français dans les écoles du territoire.

La décision du Nouveau-Brunswick de graduellement supprimer son programme d’immersion ne passe pas auprès des organismes de parents et du gouvernement canadien qui qualifie la réforme proposer par le gouvernement de  « radicale ».

En effet, le 15 décembre dernier, le nouveau ministre de l’Éducation du nouveau Brunswick, Bill Hogan a annoncé que le programme serait moins immersif, mais serait ouvert à un plus grand nombre d’élèves anglophones dès 2023-2024.

Selon le gouvernement du Nouveau-Brunswick il n’y a pas suffisamment d’enfants anglophones qui deviennent bilingues dans la province. Pour ce faire, le gouvernement modifie son programme pour obliger tous les anglophones, dès la maternelle, à apprendre 50 % du temps en français et l’autre en anglais. Ainsi, le gouvernement de Blaine Higgs veut que les anglophones terminent leurs études avec un niveau minimal de français à l’oral. (Source : L’actualité

Mais selon l’organisme Canadian Parents for French, le nouveau programme est une régression qui abaisse la barre et les normes de la francisation des anglophones du Nouveau-Brunswick.

« C’est embarrassant… Ils n’auront même pas besoin de savoir lire et écrire en français. Ça veut dire que les anglophones ne deviendront pas bilingues. Le bilinguisme exige plus que du français conversationnel », déplore Chris Collins, le directeur général de l’organisme au Nouveau-Brunswick. (Source : L’actualité

À l’heure actuelle, la plupart des enfants en immersion sont exposés près de 90 % du temps à une matière dans la langue de Molière. Chris Collins estime que le système d’immersion en français à l’heure actuelle fonctionne, mais il n’est pas suffisamment offert aux jeunes de la province.

« Il faut offrir l’immersion dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick en utilisant tous les nouveaux enseignants que le ministre a promis dans les prochaines années, » souligne M. Collins (Source : L’actualité

Bill Hogan a annoncé que le nouveau programme nécessitera la venue de près de 60 nouveaux professeurs, mais selon l’organisme Canadians Parents for French ce nombre est plutôt de 200 à 300. L’organisme dénonce que le dossier a été décidé à l’avance avant que les experts soient consultés. Une absence de processus démocratiques concernant la réforme du programme aura des répercussions importantes, selon Chris Collins.

« Les anglophones ne pourront plus être considérés pour des emplois bilingues dans le futur. Il y a un coût culturel, il faut unir les deux cultures dans la province et il n’y a pas mieux que de converser dans la même langue. Finalement le coût économique, d’avoir une province soi-disant bilingue, mais de ne pas pouvoir trouver des gens pour faire le travail dans les deux langues officielles, » souligne Chris Collins.

Ottawa dénonce un changement “radical”

Le dossier rebondit à des centaines de kilomètres à l’est du pays chez le gouvernement fédéral, qui envoie chaque année des millions de dollars aux différents gouvernements provinciaux pour assurer les coûts de l’apprentissage de la langue seconde.

Selon le gouvernement canadien : « La réforme radicale annoncée par le gouvernement Higgs propose un nouveau système qui n’a pas fait ses preuves et qui aura des répercussions sans équivoque sur le bilinguisme de nos jeunes et leurs opportunités d’apprentissage.»

Dans le Plan d’action de 2018 sur les langues officielles, (document qui guide les actions du gouvernement de la francophonie), Ottawa avait fait de l’apprentissage du français hors Québec comme une priorité avec l’objectif d’accroître le taux de bilinguisme hors Québec de 6,8 % à 9 % d’ici 2036. Or, le gouvernement fédéral a augmenté ses investissements en éducation, notamment dans la construction d’espaces éducatifs à travers le pays.  (Source : L’actualité

Démission du ministre de l’Éducation et du Développement de la petite enfance

La décision du gouvernement de réformer le programme d’immersion française a conduit en octobre dernier à la démission fracassante du ministre de l’Éducation et du Développement de la petite enfance du Nouveau-Brunswick, Dominic Cardy. Il a alors accusé Higgs, le premier ministre, de ne pas tenir compte des données qui démontrent que l’immersion française fonctionne bien au Nouveau-Brunswick. 

Dans sa lettre de démission, il dénonçait le comportement du premier ministre lors d’une récente réunion: «vous avez refusé de lire les preuves que vous avez spécifiquement demandées, préférant crier Data my ass à un haut fonctionnaire parce que vous n’aimiez pas ce que les données vous montraient».  (Source: TFO, Télévision française de l’Ontario)

Dans une récente entrevue, M. Cardy, a déclaré que l’immersion française ne devrait pas être abandonnée, malgré quelques problèmes. L’ex-ministre reconnaît que le programme est principalement accessible aux enfants privilégiés issus de milieux aisés qui vivent dans les grandes villes. Sans compter la pénurie d’enseignants qualifiés, a-t-il dit.

«Il y a eu de plus en plus de cas où l’immersion française, qui est censée, comme son nom l’indique, immerger complètement un enfant en français, ne sort même pas de la partie peu profonde de la piscine, a déclaré M. Cardy. Parce que dans bien des cas, les enseignants n’ont pas une capacité en français suffisante pour diriger une classe en français et s’assurer que les élèves parlent en français tout le temps – ce qui fait partie de l’immersion.» (Source: TFO, Télévision française de l’Ontario)

Cardy estime que le premier ministre «comprend très peu le fonctionnement du système»: il faisait constamment pression «pour des délais politiques qui n’avaient rien à voir avec les besoins éducatifs des élèves ou la capacité du système éducatif à adopter de grands changements».

Les Acadiens furieux

Alexandre Cédric Doucet, président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), a qualifié le programme d’immersion française de réussite canadienne:

«Malheureusement, notre gouvernement veut le réduire, a-t-il déclaré dans une récente entrevue. Je pense qu’une attaque contre le programme d’immersion française est une attaque contre les langues officielles.»

La SANB a envoyé à M. Higgs, le 25 octobre, une lettre conjointe, avec l’organisme «Canadian Parents for French New Brunswick», dans laquelle ils déclarent que la «volonté unilatérale» du premier ministre d’abolir l’immersion française dans la province d’ici 2023 entraînera une érosion du bilinguisme individuel. (Source: TFO, Télévision française de l’Ontario)

Les deux organismes écrivaient que l’harmonie sociale au Nouveau-Brunswick repose sur deux contrats sociaux complémentaires, mais distincts: la loi provinciale sur les langues officielles et l’accès à l’immersion française au sein de la communauté anglophone. Selon ces organisme, ces deux socles seraient mis en péril par les projets du premier ministre Higgs.

 

 

https://onfr.tfo.org/immersion-francaise-nouveau-brunswick-reforme-radicale