L’Ukraine, la vraie, celle d’avant, était la République la plus privilégiée de l’Union soviétique. Ses 603 549 kilomètres carrés en faisaient le plus grand pays d’Europe héritant de l’URSS le niveau de vie moyen le plus élevé, un tiers de son potentiel économique, les terres les plus fertiles du continent, une situation géographique inégalée entre l’Europe centrale, la Turquie et la Russie, un climat continental et méditerranéen privilégié. Au moment de la déclaration d’indépendance, nous étions près de 52 millions d’habitants, tous bilingues, 76% ayant une formation universitaire, ce qui nous plaçait au dixième rang mondial.

L’Ukraine en tant que pays a été une invention purement soviétique, dans le cadre de la grande utopie d’un État socialiste multinational et multiculturel, uni autour des valeurs d’internationalisme et de fraternité entre les peuples. Au cours de la première décennie d’existence de l’URSS, la langue ukrainienne a été reconnue pour la première fois de son histoire comme langue officielle, l’enseignement public en ukrainien a été initié dans la République socialiste soviétique d’Ukraine avec de fortes incitations au développement de la culture locale, interdite et persécutée à l’époque du tsarisme. Au sein de l’Union soviétique, l’Ukraine a été rejointe par plusieurs territoires, de la région du Donbass (le plus riche centre d’extraction de charbon de la région) à la Crimée (la station balnéaire la plus célèbre de Russie), en passant par les territoires des Carpates (des lieux d’une grande beauté naturelle et d’une longue tradition culturelle ukrainienne qui étaient autrefois sous une longue domination impériale austro-hongroise et polonaise). Le gouvernement soviétique s’est engagé à développer l’industrie ukrainienne. Avant l’indépendance, le pays opérait au plus haut niveau de la technologie spatiale et son usine d’aviation « Antonov » construisait le plus grand avion cargo du monde, l’AN-225 « Mriya » (Rêve). Cela s’est produit en 1988 et il n’y a plus qu’un seul appareil. Récemment, l’OTAN a rebaptisé le « Rêve », « Cosaque ».

Dans le cadre du défi technologique dans l’Ukraine de l’époque, cinq centrales nucléaires ont été construites, dont celle de Zaporozhie, la plus grande d’Europe avec ses six réacteurs nucléaires. Le plus tristement célèbre est toutefois Tchernobyl, qui a subi un accident tragique dans la nuit du 26 avril 1986, exposant la moitié du vieux continent à un risque sans précédent de contamination atomique. Loin de la version manipulatrice de la célèbre mini-série, les pires conséquences possibles de la catastrophe ont été surmontées grâce à la mobilisation d’un immense pays, et à la participation volontaire de centaines de milliers de héros anonymes venus de toute l’URSS. Il est effrayant d’imaginer ce qui se serait passé si le quatrième réacteur de Tchernobyl avait explosé aujourd’hui, au milieu de tant de dysfonctionnement, de corruption et de déliquescence du pouvoir.

Dès la pseudo-indépendance du pays, ses autorités ont particulièrement tenu à commémorer les dates d’un autre célèbre « crime du communisme » : l’Holodomor, la famine de la paysannerie dans les années 1932-1933, lorsque, sur ordre du gouvernement soviétique, des récoltes entières ont été réquisitionnées dans les campagnes pour alimenter le projet d’industrialisation rapide du pays, lorsque des erreurs administratives brutales dans les décisions prises par le pouvoir centralisé ont coïncidé avec des années de très mauvaises récoltes ; un véritable crime d’État qui a entraîné la mort de 2 à 4 millions de personnes. La propagande nationaliste du gouvernement présente cela comme une « preuve » du génocide du peuple ukrainien par les communistes russes. Mais cela ne s’est pas produit seulement en Ukraine et pas seulement avec des Ukrainiens. À la même époque, une tragédie similaire a été vécue dans une grande zone agricole du centre-sud de la Russie, de la Sibérie et du Kazakhstan. Au lieu de la rigueur historique, c’est le cliché idéologique qui a été appliqué dans le récit avec un objectif clairement anticommuniste et antirusse, qui en Ukraine vont toujours de pair.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, qui, pour le peuple ukrainien et tous les peuples de l’ancienne Union soviétique, restera pour toujours la Grande Guerre patriotique – malgré l’interdiction de ce terme par les autorités actuelles de Kiev – une personne sur six est morte en Ukraine. Le plus grand exercice d’extermination de Juifs par les nazis de manière directe, « manuelle » – alors qu’ils n’utilisaient pas encore leurs moyens industrialisés de les gazer – a été réalisé dans un immense ravin de la capitale ukrainienne appelé Babiy Yar, en octobre 1941, alors que les Allemands venaient juste de prendre Kiev. Dans les territoires soviétiques occupés, les fascistes ont anéanti environ 96 % de la population juive. À Babiy Yar, les nazis et leurs collaborateurs nationalistes ukrainiens ont fusillé entre 200 000 et 300 000 citoyens soviétiques. Une grande majorité d’entre eux étaient des civils juifs, des femmes, des enfants et des personnes âgées. Quelques années plus tard, avant de quitter Kiev face à la contre-offensive de l’Armée rouge, les génocidaires ont déterré et brûlé les cadavres à Babiy Yar pendant plusieurs semaines. Pendant des années, le fond du ravin n’était qu’une accumulation grise de cendres humaines sur plusieurs mètres.

Les lois ukrainiennes actuelles assimilent l’idéologie communiste à l’idéologie fasciste, interdisant les deux, bien que les néo-nazis possèdent désormais des espaces publics, même avec une protection policière. Les rues de Kiev et certaines des rues bordant le territoire de Babiy Yar portent les noms des nouveaux « héros » de l’Ukraine, nationalistes, antisémites et collaborateurs d’Hitler. Le président de l’Ukraine Volodymyr Zelensky est un juif. Son gouvernement, comme le précédent, reçoit et exécute les ordres de l’ambassade Nordaméricaine à Kiev.

Il y a trente ans, des hommes politiques – anciens dirigeants communistes qui ont choisi de se muer en capitalistes – ont appelé à voter pour l’indépendance, nous promettant pour les années à venir un niveau de vie égal à celui de la Suède, et des libertés citoyennes complètes.

Monument de Lénine à Kiev, photo de Oleg Yasinsky

Trente années se sont écoulées depuis la libération de la Russie qui nous a toujours opprimés, selon la doctrine officielle des derniers gouvernements ukrainiens, et nous ne sommes plus 52 millions… Nous ne savons tout simplement pas maintenant combien nous sommes : Selon certaines sources, nous sommes 44 et selon d’autres pas plus de 38 millions ; la mortalité continuant à dépasser le taux de natalité, l’émigration de la main-d’œuvre s’est accrue. Ce que nous savons, c’est que nous vivons dans le pays le plus pauvre d’Europe, dont la population diminue de 47 personnes par heure, et si nous continuons ainsi, la population du pays atteindra 22 millions d’habitants à la fin de ce siècle. La langue maternelle de la majorité des Ukrainiens (le russe) est limitée dans son utilisation institutionnelle car elle n’est pas la « langue officielle », et sur les 15 000 écoles du pays, seules 125 enseignent en russe. Personne n’interdit de parler russe dans la rue, mais avec ces politiques, les jeunes générations le comprennent de moins en moins. Le système de santé public gratuit est pratiquement détruit par les réformes néolibérales, et maintenant avec la montée de la pandémie, selon plusieurs témoignages le traitement hospitalier du COVID en cas de gravité moyenne peut coûter à la famille du malade environ 4500 dollars, et dans le cas grave jusqu’à 15000 dollars. Le salaire mensuel moyen en Ukraine est de 530 dollars et la retraite de 140 dollars.

Pour comprendre un peu ce qui se passe actuellement derrière tout le bruit des informations sur une « invasion russe imminente de l’Ukraine », revenons en arrière dans l’histoire. Après la proclamation de l’indépendance du pays le 24 août 1991, qui a pratiquement mis fin à l’existence de l’Union soviétique, des gouvernements ostensiblement démocratiques et rhétoriquement réformistes se sont succédé au pouvoir, et la seule chose qui les unissait dans leur diversité était que chaque nouveau gouvernement était sensiblement pire que le précédent. C’est-à-dire un peu plus corrompu, un peu plus démagogique et surtout, avec de moins en moins de protection sociale pour les citoyens. La vie devenait de plus en plus difficile pour le plus grand nombre.

En 2013, le président Viktor Yanukovich, un oligarque corrompu de Donetsk  et pro-russe avec des antécédents judiciaires juvéniles de vol de chapeaux aux passants, voulu présenter sa candidature à la réélection. Il était très peu charismatique, avec un fort taux de rejet dans une grande partie du pays, et ses conseillers l’ont convaincu d’ouvrir l’espace politique à l’ultra-droite nationaliste ukrainienne, car ce n’est qu’en rivalisant avec les nazis qu’il pouvait avoir une chance de remporter les élections. À l’époque, Yanoukovich était déjà détesté par les autres groupes oligarchiques du pays, car en tant que président, il ne respectait aucune de leurs « règles » et prenait, de la manière la plus brutale et la plus lâche qui soit, le contrôle de toutes les affaires qui ne lui appartenaient pas. Les anciens partis politiques étaient totalement impopulaires et usés, et la petite gauche était très divisée et peu influente – entre autres choses en raison d’une propagande anticommuniste efficace dans tous les médias – de sorte que la seule force jeune, organisée et vive s’est avérée être l’ultra-droite nationaliste, qui est immédiatement passée à l’offensive. Au début de l’hiver 2013, l’Ukraine discutait d’une l’éventuelle entrée du pays dans l’Union douanière eurasiatique, créée quelques années plus tôt entre la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan et le Kirghizistan, comme base pour la construction de l’Espace économique uni, visant à rétablir les liens productifs et commerciaux rompus par la désintégration de l’Union soviétique.

Les manifestants anti-Yanukovich, rejoints par des groupes nationalistes, ont demandé au gouvernement de suspendre la recherche d’un accord avec l’Union douanière euro asiatique, insistant sur le fait que la politique de l’Ukraine devait se tourner vers l’Europe, car « l’Ukraine c’est l’Europe » et doit se libérer de « l’oppression russe ». Les manifestations ont été soutenues par les ambassades européennes et Nordaméricaines et, grâce à un traitement médiatique subtil des protestations, le mécontentement de la masse à l’égard de la corruption et de la pauvreté a été orienté vers la demande d’un rapprochement politique immédiat avec l’UE et la démission du président. L’épicentre des manifestations était Maidan, la place centrale de Kiev, place de l’indépendance (le mot turc « maidan » en ukrainien signifie place). Les manifestations de masse dans le centre de Kiev ont duré 3 mois, les revendications se sont radicalisées et après plusieurs accidents confus, entre le 18 et le 20 février 2014, les balles de snipers jusqu’ici inconnues ont tué une centaine de manifestants ; selon le gouvernement ukrainien actuel, il s’agissait des « forces de l’ordre », selon le bon sens commun, celui qui était le moins concerné par ces morts était le président Yanoukovich, qui savait qu’elles signifieraient la fin de sa légitimité. Ces événements ont été suivis de la démission et de la fuite du président légitime Viktor Yanoukovich vers la ville russe de Rostov-sur-le-Don et de la prise du pouvoir à Kiev par les manifestants et les groupes nationalistes armés, qui n’ont pas caché leurs sentiments anti-russes rendant Moscou responsable de tous les problèmes de l’Ukraine. Quelque chose de similaire, mais avec beaucoup moins de violence, s’est produit dans d’autres villes ukrainiennes, mais pas dans toutes.

Il est important de comprendre que l’Ukraine est un pays d’une grande diversité géographique et culturelle, et que si sa partie occidentale, plus rurale, a historiquement toujours parlé ukrainien et a été la base des mouvements nationalistes antisoviétiques, la partie méridionale et surtout orientale (l’actuel Donbass), plus industrialisée, a toujours parlé russe et s’est sentie culturellement beaucoup plus proche de la Russie que de l’Europe. En général, il y a plusieurs dialectes ukrainiens dans le pays, qui sont très différents, et en temps de paix il y a eu une longue et divertissante discussion : lequel des dialectes doit être considéré comme la « norme » littéraire ? Pendant des siècles, le richissime folklore mythologique et musical de l’Ukraine a été une source d’inspiration pour les plus grands artistes et écrivains russes. Avant 2014, l’Ukraine semblait être un exemple de coexistence pacifique au milieu de tant de différences, et même les politiciens les plus irresponsables comprenaient les risques de dresser une partie du pays contre l’autre. Mais le coup d’État nationaliste de Kiev, présenté aux médias comme la « Révolution de la Dignité », n’a pas été accepté par les habitants du Donbass, de plusieurs villes du sud et de l’est du pays qui ont investi, ou tenté d’investir, les bâtiments administratifs pour exprimer leur rejet de ce changement de pouvoir. Dès lors, la presse occidentale les a dits « pro-russes ».

Peinture des patriotes à Kiev, photo de Oleg Yasinsky.

Quelques mois après le triomphe de la « Révolution de la dignité », lorsque deux petits territoires de l’Extrême-Orient se sont proclamés « républiques indépendantes », le 14 avril 2014, le gouvernement provisoire de Kiev a lancé l’opération militaire contre le Donbass rebelle, l’appelant officiellement ATO (« Opération antiterroriste »), accusant ses opposants d’être des « terroristes russes ». La première étape de la résistance dans le Donbass a été plutôt improvisée, avec très peu de ressources, puis est arrivée l’aide militaire russe, avec de la technologie, des armes, quelques instructeurs militaires et de nombreux volontaires mélangés entre aventuriers et romantiques de la lutte antifasciste. Du côté ukrainien, outre l’armée nationale, des groupes paramilitaires d’extrême droite ont combattu, avec la participation de volontaires et de mercenaires d’autres pays. L’aviation ukrainienne a bombardé les villes ukrainiennes de Donetsk et de Lugansk, causant la mort de plusieurs civils. Les combats des premiers mois ont été particulièrement sanglants.

Peu avant l’ « opération antiterroriste », de mars 2014 sur la péninsule de Crimée – remise à l’Ukraine en 1954 par Nikita Khrouchtchev comme symbole de la « fraternité éternelle entre les peuples russe et ukrainien » – la situation était extrêmement tendue. La grande majorité des Criméens, qui sont de l’ethnie russe et russophones, n’ont pas accepté le nouveau gouvernement de Kiev et ont commencé à recevoir des menaces de la part des nationalistes d’envoyer des « trains de l’amitié » avec des paramilitaires armés dans la péninsule. La ville de Sébastopol en Crimée est la base la plus importante de la flotte militaire russe dans la mer Noire, qui est la seule issue vers la Méditerranée. Les autorités autonomes de Crimée, en collaboration avec le gouvernement russe, ont organisé en quelques semaines un référendum sur la « réunification » de la Crimée avec la Russie. Selon les données officielles, 84% de la population a participé au vote et près de 97% d’entre eux ont voté en faveur d’une nouvelle appartenance à la Russie. Même si ces chiffres étaient exagérés et comportaient de nombreux éléments de fraude, personne ne met en doute le fait que la majorité des Criméens soutenaient réellement l’idée du retour en Russie.

En revanche, pour les nationalistes ukrainiens, l’annexion de la Crimée par la Russie était la meilleure « preuve » que les « intentions de Poutine étaient de mettre fin à l’indépendance de l’Ukraine ». Pendant longtemps, la situation en Crimée est devenue le point central de la propagande officielle ukrainienne et la meilleure excuse pour les sanctions économiques européennes contre la Russie.

Au milieu de nombreuses tensions et d’une incertitude totale pour légaliser le nouveau pouvoir ukrainien, le 7 juin 2014 en Ukraine des élections présidentielles ont eu lieu et Petro Porochenko, ancien ministre, millionnaire, propriétaire de la corporation alimentaire « Roshen », fabricant des meilleurs chocolats du pays, est sorti vainqueur. Poutine a reconnu le résultat de ces élections. L’une des principales promesses de Porochenko était de ramener la paix en Ukraine. Outre le fait qu’il n’a pas tenu ses promesses, durant son mandat l’Ukraine a renforcé sa dépendance politique vis-à-vis des États-Unis, a intensifié la rhétorique antirusse officielle et a coupé toutes les communications terrestres et aériennes avec la Russie. Malgré cela, les usines de Roshen continuent de fonctionner en Russie et ses produits sont vendus dans les magasins russes comme d’habitude. Avec le gouvernement Porochenko, ainsi que la guerre dans le Donbass, le reste de l’économie nationale a été détruit et la population est passée de la pauvreté habituelle à la misère d’un pays du « tiers monde ». Le principal responsable de tous les maux de l’Ukraine est l’omniprésent Vladimir Poutine et sa « guerre hybride » contre l’Ukraine.

Au milieu de l’absurdité du gouvernement du chocolatier Porochenko, la télévision ukrainienne a diffusé un show humoristique de très bonne qualité par l’équipe de « 24 kvartal » (Quartier 24), qui, avec un sarcasme social pétillant critiquait le pouvoir, la guerre, les oligarques et les bureaucrates. Les gens ont admiré le courage et l’humour des jeunes qui ont osé à cette époque révéler les dures vérités du pays. Le nom du directeur artistique et acteur le plus en vue de ce show était Volodymyr Zelensky. C’est pourquoi le pays a accueilli avec un tel enthousiasme la décision de son artiste préféré de participer aux élections présidentielles de 2019 pour battre l’oligarque nationaliste et militariste Porochenko. Volodymyr Zelensky promettait la fin de la guerre, un gouvernement avec le peuple et pour le peuple, et la poursuite en justice des dirigeants corrompus, à commencer par son prédécesseur. Au second tour, Zelensky a remporté plus de 73% des voix, son parti « Serviteur du peuple » en a obtenu 43%. Le nom du parti est celui d’un célèbre film ukrainien réalisé par le « 24 kvartal » quelques années auparavant, dans lequel l’acteur Zelensky incarne un surprenant président du pays, rêvé par des millions de personnes, qui brise les règles de la classe politique mafieuse et fait avancer son peuple vers un avenir européen et civilisé.

Un des nouveaux héros Simón Petliura, nationaliste antisémite, photo de Oleg Yasinsky.

Selon l’analyse zapatiste de cette période, il existe deux étapes dans la conquête capitaliste de nouveaux territoires : la première est la destruction et le dépeuplement du territoire ennemi, et la seconde est la réorganisation et le réaménagement des terres conquises dans l’intérêt du nouveau propriétaire. Petro Porochenko a obtenu la partie la plus sale de la guerre qui a servi d’excuse et d’alibi à la destruction de l’industrie, de la science, de l’éducation et de la santé du pays, mettant ses ruines encore fumantes entre les mains de ses nouveaux maîtres. Volodymir Zelensky est chargé de ce qui suit : la loi foncière, qui est une anti-réforme foncière pour que les entreprises puissent privatiser les terres, les avancées technologiques et l’informatique, pour mettre le pays au service des flux financiers internationaux, l’entrée des transnationales, la destruction des médias critiques et les derniers ajustements juridiques pour consolider le contrôle total du pouvoir et rendre irréversible la domination des capitaux étrangers.

Ce n’est pas Porochenko, c’est Zelensky, qui a refusé d’honorer les accords de Minsk pour mettre fin à la guerre dans le Donbass. C’est également son gouvernement qui a fermé, sans procès ni loi, trois chaînes de télévision de l’opposition et plusieurs médias qui le dérangeaient. C’est son gouvernement qui, chaque mois, dresse de longues listes de ses ennemis pour leur retirer leurs droits et leurs biens, geler leurs comptes et les laisser sans rien. Il n’y a pas un seul politicien corrompu en prison, mais il y a le président et ses « serviteurs du peuple » qui trônent sur les chiffres de l’évasion fiscale dans les dossiers de Pandore. Il y a des assassins nazis dont les crimes sont avérés, qui sont libérés par les tribunaux, et des personnes arrêtées et poursuivies pour avoir porté une casquette avec l’insigne de la faucille et du marteau. Les sites web russes sont interdits et bloqués, les livres russes sont interdits, les médias sont fermés et de nombreux journalistes sont condamnés à des amendes pour avoir simplement remis en question « l’agression russe ». Les projets de nouveaux murs aux frontières avec la Russie et la Biélorussie, et les conflits diplomatiques avec la plupart des voisins, des assassinats de politiciens et des auto-assassinats par des partenaires au pouvoir et un etc, etc. long et triste. Un pays détruit, pillé et profondément malade, où les médias, jour et nuit, mentent sur la guerre avec la Russie et le soutien du monde entier à l’Ukraine.

En allumant la télévision à Kiev, où les débats marathoniens de politiciens sans débat et sans politique se poursuivent, on peut découvrir des choses surréalistes. Un expert affirme que le monde civilisé se détache enfin de la Chine et que la mission historique de l’Ukraine est de remplacer la Chine en tant que fournisseur de biens et de services au monde civilisé. Un autre l’interrompt en criant que le président est très naïf et que dans les prochains jours, nous devons armer tout le peuple afin de casser la gueule de l’ennemi, comme toujours dans notre histoire ; le suivant dit qu’avant de nous attaquer avec des tanks, Poutine va sûrement lancer des missiles et que nous, les patriotes, devrions infiltrer l’armée russe ; un autre encore hurle que nos alliés occidentaux ne comprennent pas que nous sommes le seul bouclier du monde civilisé pour le défendre contre la barbarie asiatique russe et s’ils ne veulent pas de nous dans l’OTAN comme de lâches, ils devraient au moins nous envoyer suffisamment d’armes et d’argent… C’est le genre de réflexions dont la télévision abreuve le peuple ukrainien depuis 2014. Je sais que cela semble exagéré, mais malheureusement, ce n’est pas le cas.

Au fil du temps, il devient de plus en plus clair que l’Ukraine actuelle n’est rien d’autre qu’un projet des grands groupes économiques occidentaux visant à déstabiliser le gouvernement russe, afin d’amener au pouvoir en Russie d’autres forces qui ne s’opposeraient pas au contrôle total des Corporations sur ses énormes richesses naturelles si nécessaires, en divisant et en opposant les régions russes dans diverses guerres locales. D’où cette tâche d’inconfort et de provocation, cherchant des excuses pour de nouvelles sanctions et de nouveaux scandales médiatiques sur son « agressivité naturelle ». Et deuxièmement, peut-être beaucoup plus important que ce qui précède : l’Ukraine est un laboratoire parfait pour toutes sortes d’essais de déstabilisation de la Russie depuis l’intérieur. Pratiquement la même culture, avec la même mentalité, qui réagit de manière similaire aux mêmes stimuli médiatiques et psychologiques. Pour répéter les futurs Maidan russes, le meilleur scénario est le Maidan de Kiev. En Russie, il y a beaucoup d’injustice et de nombreux problèmes non résolus, de sorte qu’il n’y aura pas de problème d’agitation sociale. Le reste du projet est complété par un éloignement du pouvoir par rapport au peuple et une énorme naïveté politique du peuple, tout comme en Ukraine en 2013. Le gouvernement ukrainien est soutenu exclusivement par le récit anti-russe, avec beaucoup d’audace installée dans les médias et l’absence évidente d’une société civile mature et critique. Beaucoup ont quitté le pays pour des raisons économiques et politiques.

Le gouvernement de Zelensky est la plus grande désillusion électorale du peuple ukrainien. Sur 73% des voix aux élections, son approbation aujourd’hui ne dépasse pas 25%. À l’entrée de l’hiver, le pays est confronté à la plus grande crise énergétique de son histoire : les ressources en charbon et en gaz sont minimes, des coupures d’électricité et de chauffage sont à prévoir sans solutions claires, les prix de tout s’envolent, et le plus grave et le plus évident, c’est qu’il n’y a pas de projet pour l’avenir. L’Ukraine continue à demander davantage de sanctions occidentales contre la Russie et la Biélorussie, tandis qu’elle achète de l’électricité d’urgence à la Biélorussie pour éviter un effondrement total. Cela coûte environ 5 fois plus cher que sa valeur normale. Mais ce n’est pas tout. Il y a quelques jours, on a appris que l’électricité d’urgence n’est pas achetée directement par l’État ukrainien, mais qu’elle est revendue par une société des Émirats Arabes Unis- selon le schéma organisé par le chef de la faction des Serviteurs du peuple, David Arakhamia – à qui une commission de 40 % est ajoutée à la valeur biélorusse. Entre-temps, des navires transportant du charbon américain se dirigent vers l’Ukraine par-delà les mers lointaines, autre geste patriotique audacieux dont nous ignorons encore la rentabilité.

Il est clair que dans ces circonstances, une attaque imminente de Poutine est inévitable. Le gouvernement de Zelensky a besoin de la menace russe comme seul moyen de sauver son gouvernement de l’effondrement total. Y compris en créant des situations réelles de confrontation, c’est-à-dire en provoquant et en provoquant encore, en séquestrant les observateurs militaires dans le Donbass, puis en les attaquant avec un drone turc, en dépit de toutes les conventions et interdictions. Il y a maintenant une grande concentration de troupes ukrainiennes dans le Donbass et des manœuvres militaires le long de toute la frontière avec la Biélorussie, y compris des incursions provocatrices de techniques militaires ukrainiennes sur son territoire. Il y a quelques heures, un navire militaire ukrainien a violé la frontière maritime russe et a poursuivi sa route sans répondre aux avertissements.

Il est clair que la Russie ne cherche pas et ne veut pas de ce conflit, mais elle répondrait évidemment à une attaque ukrainienne contre les républiques du Donbass, à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN et à l’installation d’armes de l’OTAN à ses frontières. Le gouvernement de Zelensky continue d’ignorer ces avertissements, son ministre des affaires étrangères Dmitro Kuleba se distingue par son arrogance et sa stupidité, promettant la mort aux « Russes s’ils nous envahissent » et suppliant l’OTAN d’accueillir l’Ukraine. Et dans les échanges de tirs quotidiens dans le Donbass sans paix et sans avenir, des civils et des militaires continuent de mourir.

 

Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet