Par Laura Hernández García

La série « Des féministes qui humanisent » est une séquence d’entretiens dans laquelle des personnes impliquées dans différents aspects de la construction d’une santé intégrale racontent comment le féminisme a changé leur vision, leur manière d’agir et leur conception des pratiques de santé. Cette série vise à susciter des réflexions sur le genre, le féminisme et la santé, en plus d’être un espace de réflexion et d’autonomisation.

On peut lire les articles précédents de la série ici :

Des féminismes qui humanisent. 01- Nidia Kreig

Des féminismes qui humanisent. 02- Diana Bañuelos González

Des féminismes qui humanisent. 03- Alejandra Romo Lopez

Des féminismes qui humanisent. 04- Entretien avec María Belén Echavarría

Des féminismes qui humanisent. 05- Entretien avec Sara Cruz Velasco

Des féminismes qui humanisent. 06- Entretien avec Jacob Sifuentes

Des féminismes qui humanisent. 07- Entretien avec Mariposa Blanca

Des féminismes qui humanisent. 08- Jeremías E. Quiroz

 

Jeremías E. Quiroz. Il a 35 ans, est diplômé en soins infirmiers. Il présentera sa thèse de maîtrise en gestion et administration des systèmes et services de santé à l’université Favaloro de Rosario, à Santa Fe, Argentine. Il travaille à l’hôpital gériatrique provincial de Rosario. C’est un défenseur des causes justes.

 

Rehuno : Bonjour Jeremías. Comment vous définiriez-vous ?

Jeremías : Je me définis comme une personne responsable, engagée, un militant inné dans les domaines social, syndical et politique. Je défends les causes justes.

Rehuno : Vous défendez des causes justes. De quelle manière êtes-vous engagé dans ces causes ou ces domaines ?

Jeremías : En ce qui concerne ma profession, je suis membre et représentant provincial de l’infirmerie auto organisée. En lutte pour les droits des infirmières et des infirmiers, où 90 % du personnel hospitalier est composé de femmes. Un groupe d’infirmières travaille à la mise en place d’un syndicat unique des infirmières.

Je participe également à une table ronde active, qui travaille à la distribution de rétroviraux aux patients atteints du VIH (virus de l’immunodéficience humaine). Pendant cette pandémie, nous sommes sortis pour apporter leurs doses à tous les patients atteints de cette maladie.

En tant qu’enseignant dans une école d’infirmières, l’Isset 57, j’enseigne et je promeus également la solidarité. Nous apportons tous de la nourriture à partager avant le début du cours. Certaines étudiantes et certains étudiants ont besoin de soutien.

Sur le plan politique, je suis membre du Comité de coordination de la santé et du Mouvement Justicialiste pour la Loyauté et la Mobilisation. Son référent est M. Ariel Rolfo (homme politique et pharmacien). C’est lui qui m’a invité à le rejoindre. Je pense qu’à partir de la politique, nous pourrions donner réalité aux droits de la société dans son ensemble. Il est possible de faire un monde plus juste, pour tous les collectifs de la communauté.

Rehuno : Que pensez-vous du féminisme ?

Jeremías : Le féminisme, de mon point de vue, est un groupe hétérogène qui vise l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Car ce qui est souhaité, c’est d’éliminer la domination et la violence des hommes sur les femmes. Le féminisme cherche sa propre indépendance politique, sociale et culturelle par rapport à la société.

Rehuno :  Défendez-vous la cause du féminisme ?

Jeremías : Oui, bien sûr, comment ne pas défendre le féminisme, si le meilleur exemple que j’ai eu était celui de ma mère, Olga Escalante ! Elle représente le féminisme en toutes lettres, car elle a toujours été une femme forte, indépendante, avec des valeurs intègres. Et au prix d’un sacrifice sans fin, en donnant toujours l’exemple concernant son attitude envers la vie et la société.

C’était une autre époque, où les femmes travaillaient à peine en dehors de la maison, elle était en avance sur son temps. Vous me rappelez une anecdote, j’étais enfant, nous vivions dans le Chaco (province d’Argentine) où je suis né. Ma mère nous disait, je n’ai pas envie de manger. La vérité est qu’elle ne mangeait pas, pour que ses enfants puissent manger. Elle a toujours été un excellent exemple pour moi.

Rehuno : Pensez-vous qu’un homme puisse se qualifier de féministe ?

Jeremías : Je dirais oui, et personnellement, je l’affirmerais aussi, oui. Tous les gens ne penseront peut-être pas pareil.  Je suis né d’une femme, j’aime ma mère. Je veux qu’elle ait tous les droits et qu’elle les défende. Je pense qu’il est nécessaire que les hommes et les autres collectifs défendent les féminismes.

Rehuno : Que pensez-vous du mouvement LGBTIQ+ ?

Jeremías : Ce mouvement est très important pour moi car je suis homosexuel. Pas par choix, comme je le dis toujours, mais parce que je suis né comme ça. Les différents groupes doivent voir leurs droits reconnus. Et que leurs besoins soient pris en compte dans les politiques publiques de l’État. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine. Non seulement pour ce mouvement, mais pour les féminismes.

Nous avons toujours montré à la société qu’être gay, transsexuel, travesti, bisexuel entre autres, ne nous empêche pas d’être ce que nous sommes, des personnes. Il nous en coûte toujours un peu pour être acceptés, mais nous allons y arriver. Ce n’est pas facile pour tous les compagnons et compagnes, nombreux sont ceux qui meurent en travaillant la nuit. Sans conditions de travail décentes. C’est pourquoi, pour garantir la vie elle-même et la vie professionnelle par exemple, nous demandons à l’État d’augmenter les quotas de travailleurs trans. Pour qu’ils puissent avoir plus de possibilités de mener une vie digne. Dans la province de Santa Fe, il a été obtenu qu’en 2020, la loi 13902 sur le quota de travestis, approuvée par le pouvoir législatif, soit réglementée. Mais l’insertion se fera progressivement et en fonction du calendrier.

En plus de faire respecter les droits inscrits dans les conventions internationales signées par l’Argentine. Puisque nous sommes des personnes comme les autres. Avec le droit d’être traité comme des égaux.

Rehuno : Pourriez-vous expliquer ce dernier point ?

Jeremías : Laissez-moi vous donner un exemple. Mon partenaire, avec qui je vis depuis huit ans, participe à un groupe diversifié appelé Quimeras (Chimères). Cette organisation non gouvernementale s’occupe de sports tels que le rugby et le volley-ball. Elle est formée par un groupe de personnes mixtes. Les femmes, les hommes et tous les groupes sont traités d’égal à égal dans ces jeux. Ils accomplissent cette grande tâche inclusive qui aide en même temps ceux qui en ont le plus besoin.

Rehuno : De quels droits les collectivités auraient-elles besoin ?

Jeremías : La loi sur l’adoption pour les couples homosexuels doit être réglementée. Comme moi, je pense que beaucoup plus de gens aimeraient pouvoir devenir parents. Actuellement, dans la ville de Rosario, il existe une organisation non gouvernementale, à but non lucratif, « Acunar Familia » (Famille dans le berceau). Elle se charge de vous aider à adopter légalement un enfant, qui est sans foyer. Parce qu’il n’a ni père, ni mère, ni famille de sang.

Il est également nécessaire que l’État de Santa Fe continue à donner et à distribuer des rétroviraux pour les patients atteints du VIH. Car s’ils ne les prennent pas, leurs organismes génèrent une résistance au virus. Avec tous les risques que cela comporte pour la santé.

Rehuno : Dans les ateliers éducatifs que vous proposez, l’enseignement est-il dispensé dans une perspective de genre ?

Jeremías : Je parle toujours aux étudiants du respect des choix de vie de chacun. Les ateliers sont sensibles au genre. L’éducation sexuelle, l’égalité des droits est la même pour tous, les violences sexistes, entre autres. Nous devons continuer à éduquer dans ce sens. Dans la société, il y a un grand pourcentage de personnes ne savent même pas comment définir le genre.

Rehuno : De votre point de vue, comment participez-vous à des syndicats et à des groupes politiques ?

Jeremías : Toujours à partir de la conviction innée de défendre les droits que nous avons en tant que personnes. Mais en appliquant la parité des sexes dans les organisations. Je suis accepté et respecté par les organisations dans lesquelles je travaille. Et elles me donnent des espaces pour expliquer les thèmes des collectivités.

Rehuno : Considérez-vous que les féminismes soient contre les hommes ou les collectifs LGBTIQ+ ?

Jeremías : Bien sûr que non. Bien qu’il y ait des différences dans les collectifs, toutes les entités de genre sont des axes importants. Mais je crois aussi que nous vivons dans un pays patriarcal, où la société machiste est installée. Dans laquelle les femmes ne sont considérées que comme des femmes au foyer et ce n’est pas la réalité.

Rehuno : Pensez-vous que les hommes devraient repenser les rôles imposés ?

Jeremías : Oui, les rôles patriarcaux doivent être repensés. Mais je crois aussi que ce paradigme progresse. Aujourd’hui, nous voyons davantage de femmes autonomes et indépendantes qui n’ont pas besoin d’un homme pour avancer dans la vie. Ce qu’il faut faire, c’est mettre en œuvre des stratégies dans différents espaces.

Rehuno : A quelle stratégie pensez-vous ?

Jeremías : Par exemple, les politiques de parité entre les sexes, la participation active dans toutes les sphères de la société, dans les domaines politique, du travail, syndical, culturel et religieux.

Rehuno : Et quelles stratégies appliquer pour amener les hommes à repenser leur rôle patriarcal ?

Jeremías : En mettant en place des discussions et des ateliers, où les problèmes des rôles patriarcaux sont abordés avec liberté et sincérité. Dans lesquels tous les gens peuvent participer, et dans lesquels l’appel à la non-violence soit toujours présent.

 

Traduit de l’espagnol par Ginette Baudelet