Notre humanité fait face à l’un des plus gros défis auquel elle a été confrontée jusqu’à présent. Nous sommes en terrain inconnu, le COVID-19 a remis en question toutes nos connaissances et croyances. En quelques mois, le monde a changé comme jamais auparavant et va continuer à changer de manière drastique. Mais dans quelle direction ?

Beaucoup de gens travaillent actuellement à faire avancer nos sociétés et à remettre en cause les « valeurs néolibérales actuelles ». Nous accueillons aujourd’hui le réformateur social humaniste Tony Robinson qui a publié il y a peu de temps une tribune sur Pressenza, intitulée « Coronavirus, une ouverture vers la renaissance de la civilisation humaine ». Comment pouvez-vous être aussi optimiste devant une situation aussi tragique ?

Je pense que nous avons le choix : nous pouvons être pessimiste, ou nous pouvons être optimiste. Être optimiste signifie observer les choses positives qui émergent, et ne pas se soucier des anciennes qui se meurent. Nous sommes à un tournant, comme à la fin de la Seconde Guerre Mondiale : il était évident qu’un système entier venait de tomber et qu’il était impossible de revenir à une situation normale, c’était la situation normale le problème. On a procédé à une immense redistribution des richesses entre les riches et les pauvres. A l’ouest, les états se sont vus attribuer un nouveau rôle central avec la création de services de santé, l’éducation pour tous et la sécurité financière pour les plus âgés. Une nouvelle union des populations de toute l’Europe a émergé avec l’intention d’éradiquer pour toujours la guerre dans nos pays. C’est ce qui s’est passé. 

Il est vrai que la redistribution des années 40 a reculé depuis les années 80 en raison de politiques néolibérales illimitées qui ont recréé un climat de pré Seconde Guerre Mondiale. Le COVID-19 met en exergue à nouveau qu’il n’est pas possible de construire une économie durable basée sur l’argent, le profit et les pratiques usuraires. Parmi les cendres d’une économie globale dévastée, si vous cherchez les choses positives qui peuvent se développer à l’avenir, vous verrez qu’il y a beaucoup de raisons de rester optimiste : mouvements pour le désarmements, réseaux pour un revenu de base universel, mouvements #MeToo et bien d’autres encore. 

Au cours des dernières semaines, vous avez travaillé avec des amis sur une lettre dirigée au secrétaire général de l’ONU afin de changer de direction et de travailler sur un « nouveau paradigme » pour le futur de l’Humanité. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce nouveau paradigme envisagé ?

Ce paradigme peut se résumer comme « la vie humaine en tant que valeur centrale de notre société, en harmonie avec l’environnement et toutes les autres sortes de vie ». Notre paradigme actuel est « l’argent à tout prix ». Nous parlons donc d’une révolution des valeurs. Nous sommes tellement conditionnés par notre culture et nos systèmes éducatifs que nous acceptons que les pratiques usuraires, le profit et la spéculation soient des activités salutaires. C’est comme dire « le ciel est bleu » : personne ne le remet en cause. Et notre conscience est altérée par cette croyance, par ce mythe. Donc ce nouveau paradigme, ce nouveau mythe si vous voulez, doit être le paradigme durable pour des millions de générations sur cette planète. Nous ne parlons pas de politiques pour les cinq prochaines années pour des besoins électoraux, nous parlons de construire les fondements d’une société qui restera jusqu’à ce que nous n’ayons plus besoin de cette planète. Nous ne pourrons créer une société qui permet à TOUS les être humains de vivre une vie digne que si nous en faisons notre paradigme. Aucun autre paradigme ne fonctionnera. 

Voici un paragraphe de cette lettre : « Nous vous écrivons suite à vos déclarations bienveillantes sur la mise en place d’un revenu de base universel, un cessez-le-feu mondial, une couverture santé universelle et les effets socio-économiques du COVID-19. Nous croyons que vous pouvez promouvoir et conduire les efforts mondiaux pour restructurer le monde dans lequel nous vivons ». Que devrait faire l’ONU pour répondre à votre demande?

Peu de gens dans le monde ont le poids politique et l’autorité pour pouvoir commencer une discussion sur la manière de revoir les fondements de notre société. Le Secrétaire Général de l’ONU est potentiellement le seul. Le président états-unien pourrait être une autre option, mais ce pays a perdu sa position dans la communauté internationale, au point que n’importe qui peut voir que les États-Unis sont la menace la plus dangereuse pour la survie de notre planète. 

Antonio Gutteres a la possibilité de convoquer une nouvelle Conférence de Bretton Woods, qu’on appellerait la Conférence des Peuples. Cette fois-ci, la conférence n’est pas une réunion entre vainqueurs de guerre. Elle réunirait des représentants des populations, des académiques, des représentants de mouvements sociaux, de jeunes, de femmes, etc. Nous devons leur donner à tous une place autour de la table afin de concevoir et constituer un nouveau système d’organisation sociale. Le Secrétaire Général des Nations Unies a le pouvoir de lancer ce processus, beaucoup de pays y seront réfractaires, mais si le Secrétaire Général convoque, les forces progressistes de la planète vont le suivre, j’en suis sûr. 

Vous vous attendez à ce que les gens signent, soutiennent la lettre, et construisent une campagne autour des problématiques suivantes : un nouveau système économique, le revenu de base universel et inconditionnel, la vraie démocratie, l’élimination des armes nucléaires, l’élimination de toute source d’énergie polluante, les politiques favorisant le développement des régions les plus pauvres de la planète, les avancées technologiques et leur accessibilité dans le monde entier, l’indépendance et la souveraineté pour les territoires non autonomes, l’implémentation totale de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la ré-organisation des Nations Unies. Qu’est-ce que toutes ces problématiques ont en commun ?

C’est tout simplement l’expression du paradigme mentionné auparavant, traduit dans les différents domaines d’activisme social. La liste n’est d’ailleurs pas exhaustive, et notre appel ne devrait pas se limiter à ces thèmes. 

Si nous devions nous revoir dans un an, comment aura évolué la situation ? 

Honnêtement j’imagine plusieurs options. Nous traversons un moment difficile. Si nous pensons que le COVID-19 nous a déjà frappé assez fort, attendons que la violence se déchaine dans les rues au Brésil, aux Etats-Unis, en Russie, en Inde et au Royaume-Uni, et ailleurs, parce que les gouvernements n’ont pas su comprendre que l’ancien monde n’est plus. Nous serons choqués de ce que nous allons voir, mais ce choc va réveiller les gens, tout comme la Seconde Guerre Mondial a permis aux gens de se réveiller des horreurs qu’ils subissaient et de choisir un chemin différent. Par la force des choses, il y aura la paix, et nous commencerons à voir se dessiner les grandes lignes de la Nation Humaine Universelle. Les défenseurs de l’ancien système n’adhéreront pas. Mais quand plus personne ne croit au vieux système, il est plus simple de construire les fondements du nouveau système. 

C’est ainsi que la situation aura évolué ! On se revoit dans un an pour en parler !

 

Traduction de l’anglais : Frédérique Drouet