Le gouvernement catalan approuve un décret-loi sur les mesures d’urgence pour améliorer l’accès au logement. Compte tenu de la situation d’urgence en matière de logement, elle propose des outils pour réduire les expulsions et favoriser l’accès au logement.

Après la crise immobilière de 2008, de nombreuses familles dans différentes villes du monde ont perdu leur maison en raison de l’incapacité à payer leur crédit. Des milliers de maisons sont devenues la propriété de banques, et les fonds vautours internationaux, tels que Blackstone, ont profité de la situation pour acheter ces mêmes maisons, après expulsions ou défauts de paiement, à des prix très bas. Les banques ne voulaient pas renégocier la dette avec les familles mais étaient prêtes à vendre ces maisons à des prix réduits aux fonds vautours.

Ce fut un épisode terrible pour des centaines de familles qui ont perdu leur maison (selon les données du Conseil général du pouvoir judiciaire, il y a eu environ 200.000 expulsions en Espagne entre 2007 et 2013), mais à partir de 2013 une nouvelle menace est apparue : la hausse des loyers, en particulier dans les grandes villes.

Le phénomène de l’augmentation des loyers s’est produit dans de nombreuses villes du monde. Cette situation est due en partie à l’apparition des SIIC à partir de 2013 (Sociétés d’Investissement Immobilier Cotées), qui acquièrent des actifs immobiliers avec des avantages fiscaux importants et les louent ensuite. Ces locations s’appuient sur la gentrification qui s’est produite dans les grands centres mondiaux, sur les plateformes de location touristique à des prix disproportionnés, sur la demande accrue de logements locatifs (conséquence de la difficulté d’acheter). Le fait est que les loyers en Espagne ont augmenté de 50% entre 2013 et 2019. Pendant cette période, les salaires n’ont augmenté que de 4,2%, ce qui explique l’impossibilité pour de nombreuses familles d’accéder à un logement.

Il convient d’ajouter qu’en Espagne, plus de la moitié des jeunes ménages vivent dans des locations, dans la plupart des cas dans le secteur privé, car le parc de logements sociaux est pratiquement inexistant.

Différents collectifs tels que la « Plate-forme des personnes affectées par les hypothèques » (PAH) ou le « Syndicat des locataires » dénoncent depuis des années le montant abusif des loyers, le drame social des expulsions et la difficulté d’accès au logement. Finalement, le gouvernement de Catalogne a répondu à cette situation en approuvant un décret-loi sur les mesures urgentes pour améliorer l’accès au logement, un texte qui incorpore des changements substantiels et qui prévoit certaines mesures, avec un large soutien social. Il s’agit d’une proposition législative qui serait impensable sans l’ampleur et la portée du mouvement pour le logement en Catalogne.

Le décret propose les mesures suivantes :

Résoudre les situations d’urgence en matière de logement et d’expulsions

Les grands propriétaires devront pratiquer des loyers sociaux (inférieurs au prix du marché) pendant une période pouvant aller jusqu’à 7 ans, pour les familles qui justifient d’une situation de vulnérabilité ou d’exclusion résidentielle. Cette mesure oblige les grands propriétaires à proposer des locations sociales aux familles qui s’avèrent vulnérables avant d’intenter une action en justice.

Accroître le parc de logements locatifs abordables

Mise en place d’outils pour mobiliser le parc de bâtiments inachevés et ainsi obtenir plus de logements abordables.

Le droit de préemption et de retrait est étendu aux conseils municipaux, aux organismes sociaux et à la Generalitat, afin qu’ils puissent acheter davantage de logements pour élargir le parc de logements sociaux.

Les nouveaux logements sociaux le seront à perpétuité. En d’autres termes, ils ne pourront pas être privatisés et auront toujours un prix réglementé.

Les promoteurs doivent augmenter le pourcentage de logements sociaux. Pour les municipalités incluses dans les zones de forte demande résidentielle et reconnues, la réserve minimale de logements sociaux protégés sera de 40 % de la surface en zone urbaine et de 40 % en zone urbaine non consolidée.

La moitié de ces réserves obligatoires de logements sociaux sera destinée à la location, l’autre moitié pouvant être utilisée à la vente.

Modération des prix de location dans les résidences privées

L’Indice de référence des prix de location établi par le gouvernement de la Generalitat doit figurer sur les offres et les contrats de location. La location d’appartement pour un montant inférieur permettra aux propriétaires d’accéder à des aides publiques pour encourager la location.

Pour accroître le parc de logements privés en location, libres ou subventionnés, le décret-loi prévoit des incitations à l’initiative privée.

Les collectifs pour le droit au logement avertissent que l’indice de référence des loyers n’est qu’indicatif, de sorte que la réglementation des loyers est encore en suspens, comme c’est le cas dans de nombreux pays européens. Une loi est nécessaire pour réglementer les loyers, qui assure la stabilité et pour mettre fin aux expulsions arbitraires et spéculatives. Une loi sur la location qui donne la priorité à l’habitation comme foyer et non comme investissement spéculatif.

 

Traduit de l’espagnol par la rédaction francophone