Par curiosité personnelle, Angelika Klatte voulait en savoir plus sur le rôle des femmes dans l’histoire humaine. Qu’est-ce qui pousse les femmes à changer l’histoire ? Elle a rencontré des femmes aux inspirations mystiques, surtout de prêtresses. Ce sont des femmes puissantes de la préhistoire qui la touchent profondément.

Dans ce podcast [N.d.T. En allemand, texte en français plus bas], Angelika Klatte partage sa fascination et ses connaissances sur la Grande Prêtresse Enheduanna, la première poétesse a avoir signé ses propres œuvres. Elle a vécu il y a 4300 ans à Sumer et son oeuvre continue à se diffuser de nos jours.

Aujourd’hui, je veux vous raconter l’histoire d’une femme nommée EnheduAna, une grande prêtresse de Sumer. Mais d’abord, pourquoi ça m’intéresse ? J’ai toujours pensé que les femmes dans l’histoire n’avaient aucun rôle important à jouer, et que seulement à partir de 1900 cela avait commencé à changer. Puis, j’ai découvert qu’il fut un temps où c’était différent et cela m’a captivé. Un temps où les femmes jouaient un rôle important dans la société.

Une de ces femmes, par exemple, était EnheduAna, une femme extraordinaire et remarquable. Elle est la première personne, homme ou femme, à avoir signé ses textes. On a quelques textes avec leurs noms. Il existe même gravé une image d’elle dans la pierre qui date de 4300 ans environ.

C’était à Sumer en Mésopotamie. Sargon d’Akkad a nommé sa fille EnheduAna, prêtresse dans le premier empire connu de l’humanité.

Empire, comment l’imaginez-vous ? Il n’y avait pas de pays à l’époque, comme aujourd’hui, il y avait des cités-états comme Berlin ou le Land de Berlin, mais bien sûr beaucoup plus petites. De telles cités-états avaient peut-être 10 000 habitants, pas des millions ! Il y en avait déjà beaucoup et elles étaient situées sur les fleuves Euphrate et Tigre. Sargon d’Akkad avait conquis les rivières et ces cités-états.

À quoi ressemblaient ces villes ? Dans le centre de ces villes avait toujours une Ziggourat. C’est quoi une Ziggourat ? C’est comme une petite pyramide, on dirait une montagne au milieu de la ville. C’était un temple. Temples où il n’y avait pas seulement des activités religieuses mais aussi culturelles, toutes les activités y avaient lieu. C’est là qu’ils ont pris leur grain et gardé leur bétail. Chacune de ces Ziggourats avait un dieu gardien qui était responsable du bien-être des citoyens. Il n’y avait pas d’explications scientifiques sur la nature à l’époque. Imaginez cela, nous parlons de 2000 ans avant les Grecs anciens. On croyait que les dieux étaient responsables à 100% de tous les phénomènes naturels. Les prêtres étaient très importants parce qu’ils interprétaient les dieux et exerçaient une influence sur eux. EnheduAna était à ce moment la prêtresse, une grande prêtresse, responsable de tous les prêtres et prêtresses de toute la région que Sargon d’Akkad avait conquis.

Maintenant, vous devez imaginer que ce sont en fait de petites villes qui ont toutes leurs propres dieux. Et qu’est-ce qu’elle a fait ? Elle a écrit 42 hymnes qui ont réuni ces dieux. Elle a créé un tel panthéon, un paradis de dieux. Elle les a ainsi rendus accessibles aux différentes Ziggourats, aux différentes villes. Des siècles plus tard, les gens travaillaient encore avec ces hymnes et leurs paroles.
Elle a ainsi créé la première théologie de l’humanité. Elle dit elle-même avoir créé quelque chose jamais fait auparavant. C’était bien sûr très important, parce qu’un empire où les dieux sont si importants ne peut être maintenu ensemble sans un fil religieux.

A part cela, elle a aussi écrit plusieurs textes, l’un d’eux est bien connu, on peut même le trouver sur YouTube. Son nom est nin-me-šara, et il parle de sa relation avec la déesse Inanna, une déesse parmi tant d’autres, mais pour EnheduAna, Inanna était comme sa compagne personnelle. Elle était très proche d’Inanna, elle la priait toujours et l’accompagnait toujours. Dans ce texte nin-me-šara, elle décrit la relation qu’elle entretient avec cette déesse et également ce qui lui arrive dans sa vie, en particulier ce qui lui est arrivé après avoir été dans cette position de prêtresse pendant 20 ou 25 ans : l’équilibre du pouvoir a changé et un autre roi est arrivé au pouvoir, puis il l’a destitué. Elle l’a écrit elle-même : elle a été chassée de sa Ziggourat, elle a dû errer dans les bois et était perdue et qu’elle a prié Inanna, elle l’a suppliée et a fait des rituels pour la déesse. A la fin, elle a été réintégrée comme Grande Prêtresse. Il est même arrivé que, pendant des siècles, des femmes se soient retrouvées dans la même situation à plusieurs reprises parce qu’EnheduAna avait créé une sorte d’institution. Elle a même été à moitié canonisée par la suite.

Oui, c’est EnheduAna, dont je voulais vous parler aujourd’hui. Vous êtes invités à consulter Wikipedia et YouTube, vous y trouverez sûrement plus d’informations.

 

L’Auteure

Angelika Klatte est membre du Centre d’études humanistes et militant de longue date pour une société humaine. Outre l’organisation de manifestations pour la paix et son implication dans des associations pour la diversité culturelle et les forums pour la nonviolence, elle continue de soulever la question centrale de ce que signifie être humain. Dans cette quête, elle a souvent manqué de modèles féminins, ce qui l’a motivée à explorer dans cette direction. Plus d’informations sur son Blog: https://www.mysticwomen.org/geschichte