Pressenza rend un hommage à Silo, 49 ans après son premier discours public (4 mai 1969) avec la retranscription du texte présenté par Jorge Pompei à la Casa Mendoza, à Buenos Aires, ce 4 mai 2018 :

 

Nous essaierons dans quelques minutes de donner un aperçu de la pensée de Silo exprimée à travers ses livres, ses conférences, ses interviews et discussions qu’il a inlassablement offerts pendant plus de 50 ans.

Sa production est vaste et traite en profondeur des grands thèmes de l’existence humaine, donnant une nouvelle perspective de l’être humain et du sens de sa vie.

Ainsi, rien d’important n’a cessé de faire l’objet de ses réflexions, de sorte que son travail est impliqué dans des sujets nombreux et variés liés par la cohérence la plus rigoureuse. Avec eux, on peut voyager à travers les fondements philosophiques de sa pensée, de sa vision de l’être humain, de la société, de l’histoire et de la projection spirituelle de l’existence.

Simultanément, il a développé un système complet de pratiques de travail personnel qui facilitent à l’intéressé la compréhension et l’amélioration de son fonctionnement et de ses conduites. Cette amélioration vise à normaliser l’état de veille, à acquérir une attitude attentive, une cohérence interne (penser, sentir et agir dans la même direction) et à développer une conduite dans un sens solidaire.

Dans ce domaine il a aussi développé un système complet de travail qui, encadré dans une Psychologie Transcendantale et organisé en quatre disciplines, conduit l’opérateur, par étapes successives, à prendre contact avec les espaces profonds de sa conscience.

Dans le domaine social, il a inspiré et favorisé la formation d’organisations d’action dans le monde, qui font partie du Mouvement Humaniste et sont axées sur la recherche de nouvelles réponses aux problèmes de la violence, de la discrimination et de la disparité des opportunités dans la société actuelle. C’est ainsi que, la Communauté pour le Développement Humain, le Parti Humaniste, Monde sans Guerres, la Convergence des Cultures, le Centre d’Études Humanistes et d’innombrables fronts d’action ont vu le jour.

Tout cela en plaçant au départ l’être humain comme valeur et préoccupation centrale, en vue de la construction d’une Nation Humaine Universelle, prenant l’axe de la « Nonviolence Active » comme une méthodologie de transformation sociale.

Enfin, à travers Le Message de Silo il a développé, de manière simple, un ensemble de textes, de réflexions et de cérémonies qui guident l’expérience de la spiritualité humaine en transcendant les cultures et les croyances particulières.

Comme on peut le voir, les thèmes développés sont larges et variés, permettant aux personnes intéressées de prendre contact avec les différents groupes qui œuvrent au sein de chacune des thématiques susmentionnées.

Étant donné le temps imparti pour cette présentation, nous n’allons pas faire ici un commentaire sur chacun de ses livres, qui sont à la disposition du lecteur sur le web ou dans les librairies, mais nous nous limiterons à commenter certains aspects de sa pensée qu’il a exprimés dans des ouvrages, des écrits et des exposés.

Ce large éventail de sources a fait apparaître, au Centre d’études humanistes, la nécessité d’organiser en différents domaines l’étude de ses propositions, dans le but d’en faciliter l’approche à ceux qui veulent aborder la connaissance de sa pensée et de ses préceptes.

Pour ce faire, nous avons divisé son travail en trois parties.

L’une se réfère aux bases philosophiques de sa pensée, une autre concerne l’être humain en tant que structure psychosociale en changement permanent, et une troisième où l’on étudie la possibilité de transcendance de la conscience habituelle, et l’expérience de contact avec les espaces profonds de la conscience humaine.

 

Commençons par les fondements philosophiques de ses propositions

La première chose que Silo définit est sa position existentielle, expliquant que sa doctrine n’a pas pour origine des idées ou des théories, mais dans l’expérience interne elle-même.

C’est à partir de ce point de vue existentiel que Silo prend l’expérience comme base de tous ses développements, affirmant que pour étudier n’importe quel phénomène il faut considérer qu’avant l’étude l’opérateur se trouve dans une situation donnée.

En ce sens, son point de vue privilégie une conception depuis l’intérieur du phénomène lorsqu’il s’agit d’étudier le phénomène humain.

Les thèmes centraux de la philosophie se réfèrent à l’ontologie, à la connaissance et à l’éthique.

En ce qui concerne l’ontologie, Silo soutient que l’Être de la philosophie classique est une abstraction et que ce qui est expérimentable c’est la structure conscience-monde, en transformation permanente, impulsée par la dynamique des actes de conscience.

Par rapport à la connaissance, il fera une étude soignée et approfondie de la pensée, en ne partant pas d’une théorie de la connaissance mais de l’observation des mécanismes de la pensée. Ceux-ci sont présentés comme un enchaînement de différenciations, de complémentations et de synthèses, qui permettent à la conscience humaine des compréhensions croissantes dans un processus sans limites.

C’est à partir de cette compréhension du fonctionnement de la pensée qu’il a mis au point une méthode structurelle et dynamique facilitant le savoir et l’action, en développant la cohérence de la pensée.

En ce qui concerne l’éthique, entendue comme ensemble de valeurs qui pondèrent la conduite et en opposition à une morale externe et conventionnelle, il affirme que la valeur de l’action ne se trouve pas dans l’accord avec les règles externes mais dans le registre interne d’unité ou de contradiction produit par qui le produit. Il souligne que les actions qui sont vécues comme valables ont pour caractéristique de produire un relâchement des tensions lorsqu’elles sont réalisées, qu’elles cherchent à être répétées et qu’elles génèrent une sensation de croissance intérieure. Enfin, et en tant que guide, il pose les Principes d’actions valables qui donnent une orientation à la conduite dans un sens évolutif, en posant comme principe fondamental celui qui affirme: « Traite les autres comme tu veux être traité ».

 

Passons maintenant à son idée de l’être humain

Loin de le considérer comme un animal rationnel et sans nier son sillage biologique, il définit l’être humain par l’intentionnalité de sa conscience, active et ouverte sur le monde. Ainsi, il définira l’être humain comme l’être historique dont le mode d’action social modifie sa propre nature. Il développe une psychologie descriptive pour son étude qui ne repose pas sur l’interprétation de phénomènes psychiques, mais sur le développement de la capacité d’observation et de description de l’opérateur de ses processus internes. Comme support, il met en place un schéma du psychisme semblable à un circuit informatique, qui sert de base pour expliquer la production des phénomènes internes à partir de l’étude du fonctionnement et de la relation des dispositifs du psychisme. Ces dispositifs sont les sens internes, les sens externes, la mémoire et les centres de réponse (moteur, émotif et intellectuel), en médiation avec un coordinateur (la conscience) qui fonctionne selon les niveaux de sommeil, de demi-sommeil et de veille.

Il développe également le concept d’espace de représentation comme spatialité interne où sont localisées les sensations des phénomènes de perception, de mémoire et d’imagination, qui expliquent comment, selon le niveau de travail de la conscience, les images se situent dans un lieu d’où peuvent se déclencher des actions par le biais des centres de réponse, en s’ouvrant sur le monde à travers de la conduite.

Idée remarquable selon laquelle tout cela fonctionne par l’action d’une énergie psychophysique qui, lorsqu’elle ne circule pas correctement, apporte avec elle différents types d’altérations. Ces situations demandent à être résolues au travers de pratiques accompagnées d’images et en travaillant avec cette énergie pour essayer de rétablir le flux normal.

Toute cette connaissance vise à réaliser dans la personne, le dépassement des contradictions et un niveau psychologique de veille attentive, lucide et critique qui permette de développer une conduite cohérente dans l’environnement dans lequel elle doit agir.

D’autre part, l’être humain est intention et il n’est pas isolé mais en lien avec d’autres êtres humains porteurs eux aussi d’intention, de sorte que la société apparaît comme un espace de relation des intentions humaines.

Selon ces intentions, les relations seront de destruction, de domination, de coopération ou d’intégration, en considérant cette dernière comme étant celle qui correspond à une société humaine où pas un être humain n’est situé au-dessus ou au-dessous d’un autre.

Concernant l’histoire humaine, Silo ne la considère pas comme une histoire vue de l’extérieur où les actions des hommes apparaissent comme les scènes d’un film, mais il met en évidence la temporalité comme un lieu intérieur, considérant l’intentionnalité humaine dans sa tentative permanente de surmonter les conditions originelles et de se libérer progressivement de la douleur et de la souffrance personnelles et sociales, avec l’image d’une Nation Humaine Universelle, objectif de référence pour guider les actions.

 

Pour terminer, parlons de sa vision de la spiritualité

Il y a un tropisme dans l’être humain qui va au-delà de la simple réponse à l’adaptation à l’environnement. N’importe qui pourrait donner des réponses correctes aux changements de l’environnement dans lequel il se trouve, en maintenant l’intégrité de sa structure et cela, qui serait suffisant pour tout organisme vivant, ne l’est pas dans le cas de l’humain.

L’être humain a aussi besoin d’un sens qui dépasse ce qui est strictement psychologique. La conscience peut comprendre et intégrer de plus en plus les situations dans lesquelles elle se trouve, mais projetée dans le futur, elle se heurte à l’évidence de la mort et c’est précisément le besoin de surmonter cette dernière barrière qui la conduit à chercher des chemins pour la transcender.

Il y a un sentiment religieux qui, en tant que tropisme fort, cherche à surmonter le non-sens que la mort impose. « La vie n’a pas de sens si tout se termine avec la mort. »

Ce fait conduit à proposer différentes voies qui, organisées en disciplines, conduisent l’opérateur sur la voie pour suspendre le moi psychologique et entrer en contact avec les espaces profonds de la conscience, où le problème du non-sens se résout et où les ultimes réponses sont trouvées.

Nous avons résumé les aspects que nous considérons comme les plus pertinents de son enseignement, en laissant de côté de nombreux autres, également importants, mais qui nous auraient fait dépasser les limites de cette présentation.

Jorge Pompei

CEHBA – Centre d’études Humanistes de Buenos Aires

Casa de Mendoza

Buenos Aires, 4 mai 2018

 

 

Traduction de l’espagnol par Ginette Baudelet