« Nous devons approfondir le travail au niveau territorial et créer des espaces avec les organisations sociales pour faire le lien entre l’équipe parlementaire et le mouvement social », a déclaré le parlementaire élu, sur la tâche qui attend le Frente Amplio [coalition politique chilienne de partis et mouvements de gauche ; NdT] au Congrès.
Par José Robredo Hormazabal / @joserobredo

Les échos des élections de dimanche dernier résonnent encore et dans différents milieux on apprécie ce qui a été décrit jusqu’à présent comme les « résultats surprenants » du Frente Amplio, autant aux élections présidentielles que législatives.

Aux 1,3 million de voix obtenues par Beatriz Sánchez, qui lui donnent la clé pour déterminer le second tour entre Sebastián Piñera et Alejandro Guillier, s’ajoutent les 20 députés du Front, six fois plus que sa représentation actuelle au Congrès.

Le Parti Humaniste a réussi à faire élire cinq candidats, ce qui signifie son retour au parlement après 25 ans, après la mort en 1992 de son leader historique Laura Rodriguez. Un des parlementaires élus est l’ancien candidat à la présidence Tomás Hirsch, qui représentera le 11ème district (Las Condes, Vitacura, Lo Barnechea, Vitacura, Peñalolén et La Reina).

Hirsch, dans l’entretien avec El Ciudadano, a déclaré que c’est un fait « extrêmement important » de retourner au parlement dans le quartier de la dirigeante humaniste défunte et que cela signifie aussi occuper « un espace dans le bastion de la droite et le seul district où la Nouvelle Majorité [coalition de partis politiques chiliens ; NdT] n’ a pas obtenu de sièges ».

En même temps, en vue du second tour du scrutin présidentiel, Hirsch déclare que puisque la « Concertation n’ a pas été en mesure d’arrêter la droite, nous sommes les seuls, le Frente Amplio, à pouvoir l’arrêter », bien qu’il souligne que « nous ne participerons pas à un gouvernement qui n’est pas du Frente Amplio, nous ne participerons pas à un gouvernement de la Nouvelle Majorité ».

De plus, le député estime que le nouveau groupe parlementaire du front doit assumer ses responsabilités puisque « les citoyens attendent de nous une autre façon de faire de la politique, face au peuple et dos au parlement ».

Comment appréciez-vous et projetez-vous les chiffres obtenus par Frente Amplio ?

Il est clair que Frente Amplio représente le sentiment majoritaire des Chiliennes et des Chiliens qui aspirent à des changements importants et profonds dans notre pays ; avec le diagnostic que nous avons fait sur la nécessité des réformes structurelles, nous avons capté le sentiment d’une large majorité. Grâce à ce soutien, nous disposons d’un groupe parlementaire prêt à travailler pour que ces revendications deviennent des projets de loi et, en même temps, nous avons la leadership de Beatriz Sánchez, qui met en avant ce sentiment de lassitude de la politique traditionnelle, ce sentiment de nécessité de parler avec transparence et proximité.

Le vote sur la candidature présidentielle, les 20 députés et les 20 conseillers régionaux, c’est une responsabilité ; comment l’assumer ?

De plusieurs façons. En premier lieu, ni la Concertation ni la Nouvelle Majorité n’ont pu arrêter la droite, mais au contraire sont sur le point de lui laisser le gouvernement ; nous du Frente Amplio sommes les seuls à pouvoir lui faire barrage. Ce sentiment traverse une importante majorité de Chiliens, empêcher la droite préhistorique d’arriver à nouveau au gouvernement. Deuxièmement, nous ne participerons pas à un gouvernement qui n’est pas du Frente Amplio, nous ne participerons pas à un gouvernement de la Nouvelle Majorité, mais c’est maintenant à nous de promouvoir nos projets, de travailler dans les territoires et avec les organisations sociales pour mener à bien les transformations dont le Chili a besoin.

Quel sera selon vous le rôle des parlementaires de Frente Amplio dans cette période ?

Avec 20 députés, nous allons être pertinents et nous serons en mesure de déterminer quels seront les projets qui aboutiront à une loi et à quelles conditions ils se concrétiseront. En même temps, les citoyens attendent de nous une autre façon de faire de la politique, face au peuple et dos au parlement. Nous devons retrouver la manière dont la politique est liée à la citoyenneté, ce qui est le contraire de ce qui se passe aujourd’hui.

Vous parlez de stopper la droite mais sans faire partie d’un gouvernement de la Nouvelle Majorité, est-ce que c’est la base qui doit décider ?

Exactement. Il ne s’agit pas ici de fixer une ligne comme les partis traditionnels ont l’habitude de le faire, nous n’allons pas depuis la direction du parti décider ce qu’il faut faire. Il y a six points qui doivent être clairs sur cette question : premièrement, la grande majorité des Chiliens ne veulent pas de la droite ; deuxièmement, ceux qui ont voté Frente Amplio ne veulent absolument pas de la droite au gouvernement; troisièmement, nous ne sommes propriétaires des votes de personne; quatrièmement, nous n’allons d’aucune manière participer à un gouvernement de la Nouvelle Majorité ; cinquièmement, les humanistes nous considérons que nous n’avons rien à demander à la Nouvelle Majorité parce que nous ne les croyons pas, ils n’ont fait aucune autocritique. Sixièmement, nous avons un programme et nous devons le faire avancer, nous serons une opposition constructive et programmatique. Ceci étant dit, nous comprenons parfaitement que beaucoup de gens veulent faire barrage à Sebastián Piñera à cause du risque d’avoir l’extrême droite dans le gouvernement et qu’en conséquence, ils voteront pour Alejandro Guillier, non par affinité ou parce qu’ils approuvent son programme, mais parce que nous assumons la responsabilité d’empêcher Piñera et ses acolytes de retourner à La Moneda.

Le défi de Frente Amplio est-il de se développer en marge des électeurs qui n’ont pas participé ?

Frente Amplio était en condition d’arriver au second tour, et si il n’y avait pas eu la manipulation des sondages qui a affecté les perspectives de Beatriz Sánchez, aujourd’hui nous nous préparerions pour le second tour et, probablement, pour être au gouvernement. Avec ce résultat, il est très clair que Frente Amplio contestera le gouvernement dans quatre ans. C’est pourquoi il est si important que le groupe parlemantaire Frente Amplio développe un travail qui le distingue des politiciens traditionnels qui se sont vendus aux groupes économiques, qui changent de district parce qu’ils ne savent pas que répondre à leurs électeurs, c’est le grand défi pour le groupe parlementaire. Avec cela, nous devons approfondir le travail au niveau territorial et créer des espaces avec les organisations sociales pour faire le lien entre l’équipe parlementaire et le mouvement social.

Que le travail de ces 10 mois commence à se matérialiser…

Exactement, n’oublions pas que Frente Amplio est tout nouveau et a donné naissance à une merveilleuse possibilité. Aujourd’hui, nous sommes très heureux et une proposition a été exprimée, proposition que les humanistes nous avions avancée dès le début : nous avons toujours dit que tous les organismes devaient avoir une représentation parlementaire et que, de cette façon, nous devrions envisager la négociation de quotas, ce qui se reflète dans les résultats. Cette diversité au sein de Frente Amplio est une contribution pour le groupe parlementaire, pour le parlement et pour le pays.

 

Traduit de l’espagnol par Jean-Marc Dunet