LE CAP, 5 déc (IPS) – Chaque mardi, il y a quelque chose d’exceptionnellement excitant à ‘no 7 Cwango Crescent’, The Business Place’, à Philippi, près du Cap. Ici, des dizaines de caisses chargées de légumes verts exempts de produits chimiques sont visibles. Il en est de même pour les rangées de paquets vides non étiquetés. C’est le jour d’emballage. 

Des camions sillonnent Khayelitsha, Gugulethu, Philippi et Nyanga – toutes des communautés densément peuplées hors du Cap – et Stellenbosch pour ramasser des légumes et les déposer au centre de Philippi pour être livrés aux clients.

Il s’agit des produits d’environ 80 petits fermiers urbains qui fournissent avec succès des légumes biologiques frais une fois par semaine.

Ils font partie d’un programme de plus de 100 agriculteurs appelé ‘Harvest of Hope’, une initiative de ‘Abalimi Bezekhaya’ qui aide les fermiers de la communauté à cultiver des légumes dans leurs jardins potagers.

« Tous les légumes sont cultivés sans produits chimiques par les agriculteurs de la communauté », souligne Rachel McKinney, coordonnateur du marketing de ‘Harvest of Hope’.

‘Abalimi Bezekhaya’ est une organisation axée sur les agriculteurs qui appuie les jardins familiaux et communautaires et garantit l’achat de tous les légumes provenant de ces jardins.

« Les petits fermiers ont une opportunité de produire des aliments nutritifs et de se faire de l’argent », déclare McKinney.

Une collection de légumes emballés pour deux personnes par semaine coûte R99 (environ 7 dollars) et un emballage plus grand coûte R133 (environ 10 dollars) pour quatre personnes.

« Je teste le sol et les légumes pour m’assurer qu’ils sont exempts de métaux lourds et de pesticides », indique Christopher D’Aiuto, un scientifique du sol et coordonnatrice de la production de « Harvest for Hope ».

D’Aiuto a déclaré à IPS qu’avec plus de 35 jardins et fermes qui approvisionnent « Harvest of Hope », ils doivent faire en sorte qu’ils utilisent tous l’agriculture biologique, et la meilleure façon, c’est par des tests annuels. « J’encourage également la production à s’approvisionner en plants et semences biologiques », indique-t-il. Abalimi pourrait réussir au test de la lutte contre la pauvreté et de la fourniture d’aliments sains et nutritifs, mais la réalité frappante est que, même des aliments nutritifs cultivés avec des produits chimiques ne sont pas suffisants sur les tables à manger en Afrique du Sud.

La constitution sud-africaine est l’une de seulement 23 constitutions au monde qui garantit le droit à la nourriture, mais le pays souffre de malnutrition, de la sous-nutrition qui engendre la faim et la famine ainsi que la nutrition à outrance qui entraîne l’obésité.

Mauvaise alimentation, moins d’aliments

Les statistiques sont ahurissantes. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dit que le droit à une alimentation adéquate n’est pas en train d’être respecté puisqu’au niveau mondial plus de 793 millions de personnes vont au lit tous les jours affamées.

Il y a 11 millions de Sud-Africains qui vivent dans des cas d’extrême pauvreté et qui souffrent de la faim chaque jour, selon la Banque mondiale pour l’alimentation.

L’UNICEF-Afrique du Sud indique que la malnutrition est une cause majeure de décès chez 64 pour cent des enfants sud-africains de moins de cinq ans. Une étude menée par le « South African National Health and Nutrition Examination » [Examen national de la santé et la nutrition d’Afrique du Sud » a montré que le retard de croissance chez les enfants est l’un des principaux indicateurs de la malnutrition.

« Cela donne l’alarme », estime Scott Drimie, directeur de ‘Southern Africa Food Lab’ (Laboratoire des aliments d’Afrique australe – SAFL), une plate-forme de plusieurs acteurs d’Afrique du Sud visant à répondre aux préoccupations sur les systèmes alimentaires. « Comment nous en sommes arrivés là? »

Il y a aussi un nombre élevé d’adultes obèses et ces cas font ressortir l’histoire complexe des aliments que les gens mangent et où ils vivent. Cela se résume également à la disponibilité de l’eau et de l’investissement dans les services de santé, souligne Drimie.

« Si l’eau et l’assainissement ne sont pas adéquats les gens seront incapables d’utiliser les aliments, ils ne peuvent pas briser les micro-nutriments dans leur corps », a-t-il expliqué à IPS.

Drimie affirme qu’une mauvaise alimentation est un problème de société, qu’il est nécessaire d’examiner les systèmes alimentaires, leur lien avec la santé et que nous avons besoin d’une réponse intersectorielle.

« En tant que pays à revenu intermédiaire, l’Afrique du Sud ne devrait pas avoir de problème de malnutrition ou d’obésité. Nous avons le mécanisme, nous avons les ressources, et la question politique plus large est de savoir pourquoi cela ne se fait pas », dit-il, ajoutant que le droit à l’alimentation est pas respecté.   Le coût de la malnutrition

Une étude menée par le géant pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK) en 2010 a révélé que 61 pour cent des Sud-Africains sont en surpoids, obèses ou souffrent d’obésité morbide.

« Une grande partie de la malnutrition et de l’obésité provient de la pauvreté. C’est comme il existe deux faces différentes de la même médaille », a déclaré à IPS, Tatjana von Bormann, chargée de programme pour la transformation du marché au Fonds mondial pour l’organisation ‘Nature South Africa’. L’obésité est une forme de malnutrition et pour la plupart cela provient souvent de mauvais choix, ajoute-t-elle.

Il y a de bonnes politiques en place en Afrique du Sud telles que l’incitation de mères à allaiter, mais ce sont les choix alimentaires que les gens font, et ceux-ci ne peuvent pas être imputés au gouvernement, indique von Bormann.

La loi Zéro taux de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d’Afrique du Sud sur les denrées alimentaires de base pour amortir le coût sur les pauvres, votée en octobre 2013, assure la fortification de la farine de maïs et de la farine de blé aux micronutriments comme la vitamine A, l’acide folique, le fer et le zinc. Autres mesures instituées jusqu’ici comprennent la réglementation du sel dans les produits alimentaires.

Von Bormann dit que le prix de revient des aliments peut être aussi responsable de la malnutrition.

« A cause du prix vous mangez ce que vous pouvez acheter, l’aliment sain c’est souvent l’aliment le plus cher, le maïs, qui est un aliment de base, a limité la nutrition et rend les gens gros. Il devient une question de commodité, il peut être ce qui est toujours disponible ou même ce qui a un bon goût », affire-t-elle.

The problem might stem from advertising and to find a solution in business marketing, Von Bormann adds.

Le problème pourrait provenir de la publicité et de l’idée de trouver une solution dans le marketing des entreprises, ajoute Von Bormann.   Là où se trouve le droit

En janvier 2015, l’Afrique du Sud a rejoint 163 autres pays qui ont approuvé le Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), vieux de 39 ans, dont les obligations comprennent entre autres, la fourniture d’aliments adéquats.

Cette démarche a renforcé l’appel de la société civile pour la création d’un mécanisme concret qui apporte suffisamment d’aliments nutritifs pour les Sud-Africains.

Le « Right to Food in South Africa » [Droit à l’alimentation en Afrique du Sud], une étude publiée cette année par les ‘Studies in Poverty and Inequality’ (Etudes sur la pauvreté et les inégalités – SPL), indique que les politiques du droit à l’alimentation mises en œuvre dans l’ère post-apartheid n’ont réussi à modifier les déséquilibres structurels dans le système alimentaire d’Afrique du Sud, ou à éliminer la faim et la malnutrition.

En Afrique du Sud, la disponibilité des aliments n’est pas une préoccupation importante. Que ce soit par sa propre production ou à travers l’importation, il y a suffisamment de nourriture disponible à l’échelle nationale, indique le rapport.

« Le gouvernement, tout en étant actif dans la réalisation du droit à l’alimentation à travers un certain nombre d’initiatives, n’a néanmoins pas réussi à développer une réponse coordonnée et globale à ce droit », estime le rapport.

Bien que la nouvelle Politique nationale en matière de sécurité alimentaire et de nutrition du ministère de l’Agriculture, des Forêts et des Pêches ait été saluée pour le fait qu’elle fournisse une certaine nouvelle réflexion et orientation sur le travail du gouvernement autour de la sécurité alimentaire, selon l’étude, cette politique accorde plus d’attention à la réforme agraire et à l’agriculture au détriment des facteurs qui affectent l’insécurité alimentaire informelle en milieu urbain.

« La politique fait bien de situer la sécurité alimentaire dans le contexte plus large de la pauvreté en Afrique du Sud, mais est à court d’idées pour stimuler la création d’emplois », souligne le rapport.

Sasha Stevenson, un avocat à l’article 27, dit que l’alimentation est un droit fondamental inscrit dans la constitution du pays, mais que nous avons besoin de comprendre ce que signifie ce droit dans la pratique.

Stevenson affirme que la vraie différence sur la loi relative au droit à l’alimentation viendra si on parle à tous les secteurs, toutes les différentes personnes dans le processus, parmi eux les petits fermiers et les détaillants.

« Sans cette connaissance, il est difficile d’évaluer. La première étape consiste à ouvrir l’élaboration des politiques », a déclaré Stevenson à IPS. (FIN/2015)

L’article original est accessible ici