Ce texte fait partie d’une série de 3 articles sur la loi Macron présentés par Pressenza :

France : Loi Macron ou l’inexistence d’une démocratie

Loi Macron : un cimetière pour le Code du travail !

Loi Macron et facteur humain

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Loi Macron[1] : un cimetière pour le Code du travail !

Entre les intérêts de tous les salarié-e-s français, du Médef (Mouvement des entreprises de France, organisation patronale) et des actionnaires ainsi que ceux de la Commission européenne, le cœur de l’état n’a pas hésité une seconde. Avec la loi Macron, le grand vainqueur est l’ultralibéralisme.

Travail du dimanche et heures de nuit : les femmes principalement en ligne de mire

Les autorisations de travail du dimanche, sans restriction, ont été élargies pour les commerces situés dans les zones touristiques internationales (les grands boulevards parisiens, Deauville, Cannes et Nice), les zones touristiques, les zones commerciales (plus la peine d’être dans une ville de plus d’un million d’habitants) et les magasins de 12 gares. Les compensations financières sont obligatoires et fixées par accord de branche, d’entreprise, ou accord territorial. Le volontariat sera obligatoire.

Pour les entreprises de moins de 11 salarié-e-s, à défaut d’accord collectif ou territorial, l’employeur pourra fixer la contrepartie en consultant par référendum les salariés (la majorité sera nécessaire pour la mise en application).

Hors des zones énoncées, les maires pourront autoriser les commerces à ouvrir 12 dimanches par an à partir de 2016 au lieu de 5 jusqu’à présent. Dès cet été les autorisations passent de 5 à 9 dimanches. Les salarié-e-s seront payé-e-s double.

Le travail de nuit renommé « travail en soirée » sera étendu aux nouvelles zones touristiques internationales (pour l’instant limitées à certains quartiers de Paris, Nice et Cannes) et les « zones touristiques caractérisées par une affluence particulière de touristes ». Ces enseignes pourront faire travailler leurs salarié-e-s de 21 heures à minuit. Jusqu’à présent le travail de nuit (de 21 heures à 6 heures du matin) était interdit dans le commerce. Il n’est pas anodin que ces heures ne soient plus appelées « travail de nuit » mais « travail en soirée ». Pour ce travail dit « de soirée » le salaire sera doublé. L’employeur aura à sa charge le retour au domicile et les frais de garde des enfants (aucun montant minimum n’est fixé). Cela permet d’étendre les heures de travail jusqu’à minuit dans le commerce sans qu’elles soient considérées comme du travail de nuit. Ce n’est pas uniquement l’enjeu financier qui intervient dans le fait de supprimer « travail de nuit » et de le remplacer par « travail en soirée ». C’est bien le début de la disparition de la compensation du travail de nuit, tout simplement.

Beaucoup de ces salarié-e-s sont des femmes. Le retour à domicile et la garde des enfants sera à la charge de l’employeur : Quel sera le montant, les conditions? Comment les enfants vont-ils vivre ces situations ? Quelles seront les conséquences pour ces enfants et leur maman ? Comment vont-elles pouvoir résister à la pression et au pouvoir de leur employeur? Pour l’année 2008-2009, 75,9 % des vendeurs-euses sont des femmes[2]. En 2013, 30,6 % des femmes actives sont à temps partiel contre 7,2 % des hommes actifs. Un tiers des familles monoparentales est pauvre et dans 81,5 % des cas, ce sont des femmes qui élèvent seules leurs enfants[3].

Loi Macron  Un cimetière pour le Code du travail2

Droits de l’homme. Crédits : United nations (licence creative commons)

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Les Instances représentatives du personnels réduites à peau de chagrin[4]

La mise en place d’un délégué du personnel sera obligatoire à partir de 21 salariés et non plus de 11 salariés. Les obligations des entreprises de plus de 50 salarié-e-s seront transférées sur celles de plus de 100 (désignation d’un délégué syndical, mise en place d’un CHSCT (comité d’hygiène sécurité et conditions de travail) et d’un CE (comité d’entreprise). Il va être difficile aux CE et aux DS (délégués syndicaux) d’être informés rapidement et donc d’avoir la possibilité d’agir. Les moyens des instances représentatives du personnel sont bien diminués.

Les entreprises entre 50 et 300 salarié-e-s (au préalable 200) pourront regrouper le CE, les DP (délégués du personnel) mais aussi le CHSCT en une seule entité, la DUP (délégation unique du personnel). Jusqu’à présent le CHSCT n’était pas inclus dans la DUP. Tous partagent leur crédit d’heures. La DUP aura un secrétaire et un secrétaire adjoint qui exerceront les fonctions dévolues au secrétaire du comité d’entreprise et au secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Un ordre du jour commun de chaque réunion est établi par l’employeur et le secrétaire de la délégation unique du personnel (extrait des articles). Le CHSCT perd de son autonomie et de ses possibilités d’action.

L’article 16 « Art. L. 2322-7 stipule : « Lorsque l’effectif de cinquante salariés n’a pas été atteint pendant vingt-quatre mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédant la date du renouvellement du comité d’entreprise, l’employeur peut supprimer le comité d’entreprise. »

Le deuxième alinéa de l’article L2322-2 du code du travail a été supprimé. Celui-ci précisait que l’employeur disposait d’un délai d’un an pour se conformer complètement aux obligations récurrentes d’information et de consultation du comité d’entreprise.

Crédits Photo : Andrei Roa Saboya | Pressenza

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Les facteurs de pénibilité revus à la baisse

La fiche individuelle de chaque salarié-e retraçant son exposition aux facteurs pénibilité est supprimée. La notion de pénibilité est réduite à trois facteurs risques (le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes et le travail en milieu hyperbare) au lieu de dix. On pouvait lire dans l’amendement 516[5] du 16 mars « trois facteurs dont l’exposition est facile à mesurer ». Les entreprises n’ont pas assez de moyens humains et techniques pour suivre l’exposition à la pénibilité des salarié-e-s tout au long de leur carrière. Qu’elles embauchent… c’est bien ce qu’elles veulent ? Il y a un bémol. Les entreprises ont besoin « de matériel humain » pour faire des bénéfices, pas pour accompagner d’une quelconque manière leurs salarié-e-s. En sachant que le « travail de nuit » est renommé « travail en soirée », il n’y a qu’un pas pour comprendre que tous les salarié-e-s qui auront travaillé entre 21 heures et minuit ne bénéficieront pas du facteur pénibilité. Encore un gain pour les entreprises.

Suppression du délit d’entrave

Une amende de 7500 euros remplacera la peine pénale suite au délit d’entrave. Les employeurs auraient en échange d’argent la possibilité d’empêcher les représentants du personnel d’exercer leurs droits. Ils pourront mettre dans la balance d’une part l’amende, de l’autre les instances représentatives, faire leur calcul et voir ce qui leur est le plus profitable. Imaginez qu’elles pourront être les conséquences lors d’un rachat, de licenciements….

Licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement collectif

Le barème des indemnités versées par les prud’hommes pour licenciement injustifié a été modifié. Les prud’hommes tenaient compte des conditions de la personne (âge, qualifications, situation familiale, réinsertion professionnelle). Avec la loi Macron, seront prises en compte uniquement l’ancienneté et la taille de l’entreprise. La réparation du préjudice humain disparaît, seule la situation de l’employeur est prise en compte. Les entreprises connaîtront au préalable le montant de l’amende. Elles achèteront le droit de ne pas respecter la réglementation du travail.

Concernant les licenciements collectifs, lors d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation, le plan social se fera sur la base des moyens de l’entreprise et non plus sur ceux du groupe qui la détient. Un grand cadeau pour les grands groupes.

Cessation d’entreprise facilitée

La loi sur l’économie sociale et solidaire obligeait l’entreprise à informer ses salarié-e-s au moins deux mois à l’avance lors d’un projet de cession. Aujourd’hui l’obligation d’information sera limitée au seul cas de la vente de l’entreprise. L’employeur paiera une amende pour non-respect de cette obligation mais l’annulation de la vente ne sera plus possible.

La loi Macron et la loi Rebsamen (loi de modernisation du dialogue social) ne sont que les balbutiements d’un durcissement concernant nos droits et nos conditions de travail. Au mois d’avril, en plein débat sur la loi Macron et la loi Rebsamen, le premier ministre avait déjà chargé M. Jean-Denis Combrexelle, conseiller d’État, « de réfléchir à l’élargissement du rôle de la négociation collective dans l’élaboration du droit du travail et des normes sociales »[6]. Des propositions sont attendues dès septembre par M. Valls. Dit plus clairement, le code du travail n’est pas le bienvenu.

[1]      Texte définitif adopté le 10 juillet 2015 http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0565.asp

[2]      http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/03/Chiffres_cles-egalite-2011.pdf

[3]      http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2015/03/Chiffres-cles-2015_Lessentiel.pdf

[4]      Loi Rebsamen relative au dialogue social et à l’emploi, adoptée à l’Assemblée nationale en session extraordinaire le 08/07/2015 et transmis au Sénat le 09/07/2015. Le texte revu fait au nom de la commission des affaires sociales a été déposé au Sénat le 15/07 et sera discuté en séance le 20/07. http://www.senat.fr/rap/l14-633/l14-633.html

[5]      http://www.senat.fr/amendements/commissions/2014-2015/300/Amdt_COM-516.html

[6]      http://fr.reuters.com/article/idFRKBN0NP16420150504?pageNumber=1&virtualBrandChannel=0