Des supermarchés, un hôpital, des productions agricoles, des services d’épargne… La coopérative vénézuelienne Cecosesola propose ses services à des dizaines de milliers de personnes et des prix très abordables. L’entreprise fonctionne sans hiérarchie ni patron. Son secret : l’autogestion intégrale et un fonctionnement horizontal permanent. Une initiative présentée dans un webdocumentaire, « Poder sin poder, l’autogestion au quotidien », qui nous emmène à la rencontre de douze projets radicalement démocratiques, en Espagne, en Argentine et au Venezuela.

Cecocesola est un groupement de coopératives qui propose à la communauté de la ville de Barquisimeto – un bon million d’habitants – plusieurs services à des prix très accessibles. Ils disposent de plusieurs supermarchés (ferias), d’un hôpital, d’un funérarium, d’un service de crédit et d’épargne, d’un réseau de production agricole… Mais leur spécificité est dans leur mode d’organisation. Dans cette entreprise de 1200 travailleurs, il n’y a pas un seul poste hiérarchique. Tout fonctionne en autogestion.

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La clé de voûte de cette organisation horizontale du travail au sein de la coopérative est les réunions. Sur la semaine, un travailleur de Cecosesola peut participer à quatre, cinq, six réunions. C’est-à-dire en moyenne y consacrer 20 % de son temps de travail. Parmi celles-ci, les plus importantes sont celles de gestion, où tous les travailleurs participent. Il y en a trois par semaine. Chaque travailleur de Cecosesola, quel que son secteur, doit venir à au moins une d’entre elles.

Les réunions de gestion ne servent pas à l’organisation du travail quotidien. Elles ne servent pas non plus principalement à prendre des décisions. Elles servent à partager l’information et à discuter les critères. Grâce aux critères, n’importe quelle décision prise ensuite par un travailleur sera consensuelle, car en accord avec les principes décidés par tous. Ces critères peuvent aller de la qualité des légumes au montant des salaires. Ils sont la base de l’agir en commun de Cecosesola.

Un apprentissage constant

La rotation des postes est un autre mécanisme important de la coopérative. Après un an et demi au rayon légumes du supermarché, un travailleur va par exemple aller travailler au centre de santé. Cela permet que les travailleurs connaissent les différents aspects de la coopérative. Mais cela permet aussi un apprentissage constant et une dynamique forte. Même un travailleur qui ne possède pas de diplôme peut arriver en comptabilité s’il le désire, et apprendre cette fonction-là, avec l’aide de ceux qui y sont déjà. Et la rotation concerne aussi les taches quotidiennes. Chacun à son tour fait la cuisine, nettoie les toilettes… Tout le monde est sur le même pied.

Cette dimension de l’apprentissage est centrale dans la coopérative. Elle concerne certes le travail en soi, mais aussi l’apprentissage d’un autre mode de fonctionnement collectif, basé sur la confiance et la responsabilité. Les travailleurs de la coopérative sont conscients que cela ne va pas de soi et que leur fonctionnement va à l’encontre des modes habituels hiérarchiques. C’est pourquoi les nouveaux travailleurs doivent suivre dix après-midi d’ateliers où leur sont transmis les valeurs de la coopérative, où les différents mécanismes et leur sens sont expliqués. Pas de miracle, certains n’y trouvent pas leur compte et s’en vont. Mais Cecosesola ne manque ni de bras ni de cœurs.


« Poder sin poder, l’autogestion au quotidien »

La présentation de cette initiative est extraite du webdocumentaire « Poder sin poder (pouvoir sans le pouvoir), l’autogestion au quotidien ». Ce webdoc présente douze initiatives qui cherchent à mettre en place un agir radicalement démocratique, un fonctionnement horizontal ou encore qui se revendiquent de l’autogestion, en Espagne, en Argentine et au Venezuela. Réalisé par deux Belges, Johan Verhoeven et Edith Wustefeld, le webdoc se base sur un voyage d’un an en Espagne et en Amérique latine entre 2012 et 2013, à la rencontre de plus d’une vingtaine d’initiatives autogérées. Les lieux présentés sont multiples : entreprises récupérées, coopératives, d’écoles, centres cultures, mouvements sociaux, villages… Mais tous ont en commun de fonctionner sans chefs et sans hiérarchie, en expérimentant d’autres manières de fonctionner ensemble.

L’idée du voyage est née en 2011, au moment des campements des indignés en Espagne. À la Puerta del Sol à Madrid, l’organisation horizontale des milliers de personnes qui participaient au mouvement du 15M achèvent de les convaincre. L’autogestion peut amener des réponses à certaines limites intrinsèques au système actuel. Les hommes et les femmes peuvent se réapproprier leurs vies, participer aux décisions qui les concernent, s’organiser ensemble pour s’attaquer aux problèmes qui les touchent.

Au même moment, ils entendent parler de Marinaleda, un petit village espagnol qui « résiste au capitalisme » (lire notre article). Le chemin est vite fait : s’il existe un lieu comme ça, il en existe certainement d’autres ! Sac au dos et caméra en main, ils partent à la découverte d’autres lieux autogérés afin de s’inspirer de leurs fonctionnements différents et montrer que de tels lieux existent et fonctionnent déjà.

Les facettes de l’autogestion présentées dans le webdocumentaire sont nombreuses. Il n’y a pas une recette, une réponse, mais beaucoup d’inspirations et de potentiel dans ces fonctionnements opposés au système hiérarchique omniprésent. Libre alors au visiteur de suivre le chemin qui l’intéresse dans ce documentaire transmedia organisé en cinq grands thèmes : culture, travail, résistance, éducation et autogestion.

 

L’article original est accessible ici