Des métaux lourds sont présents dans les sols d’Ile de France du fait des pollutions industrielles, agricoles et automobiles. Ces métaux se retrouveraient dans les fruits et légumes pour finir  dans la soupe des enfants des jardiniers.

 Manger les légumes de son propre potager ou d’un producteur local est un rêve partagé par de nombreux habitants de l’Ile de France. Petits jardins de particuliers, jardins partagés, jardins pédagogiques, AMAP : les projets fleurissent, tandis que les organismes de veilles sanitaires s’interrogent.

 Plomb, mercure, nickel, cadmium : voici les sinistres coupables que l’on retrouve dans les sols des jardins, dans les légumes et les fruits. Selon les métaux incriminés et les plantes potagères, les concentrations et les risques varient. Globalement, ils sont très peu présents dans les fruits et légumes-fruits (tomates, petits pois), présents dans les tubercules et les tiges (pommes de terre, poireau), très présents dans les feuilles (salade, épinard). Certaines plantes comme le thym et la menthe concentrent même ces métaux : les taux de métaux mesurés sont alors supérieurs à ceux trouvés dans le sol.

 Sur le banc des accusés se trouvent les coupables habituels : l’agriculture et l’industrie. Les études incriminent les pratiques agricoles du passé : les horticulteurs amendaient leurs sols avec les boues des stations d’épurations parisiennes, chargées de pollutions industrielles. C’est la source de pollutions principalement retenue. Coupables aussi, les décharges sauvages des industries, de la banlieue Est parisienne. En effet, les vents dominants, rabattant la pollution de l’air de ce côté de la capitale, les zones traditionnellement populaires se situent donc en banlieue Est, ainsi que les industries à une certaine époque. Tradition oblige !

 Par un curieux revers du sort, les prix de l’immobilier explosant dans la capitale, les populations riches les moins aisées se tournent vers la banlieue Est. Les familles y trouvent des surfaces habitables plus grandes et surtout, des jardins, indispensables pour le bien-être de leurs enfants. Surtout ceux qui mangent les bons légumes du potager ! Car le profil sociologique de ces populations se découpe sur fond de verdure. Une brève enquête dans les quartiers pavillonnaires montrent que les jardiniers ne sont pas du tout informés de ces pollutions bien qu’ils aient les moyens (informatiques et culturels !) de l’être. Lorsqu’on leur fournit ces informations, l’expérience montre qu’ils ne sont pas souvent prêts à renoncer à leurs rêves écologiques.

 Pourtant, la préfecture d’Ile de France rappelait déjà en janvier 2013 qu’ « Un arrêté municipal interdisant la distribution des légumes précédemment cités [production maraichère sur le site « Mur à pêches » à  Montreuil] a été pris en 2008 ». En effet, cette même année, des études du ministère de l’agriculture ont permis de déterminer les végétaux les plus à risques pour la consommation humaine. La population aurait été informée des risques. Ces études menées en 2008 ont d’ailleurs été publiés sur le site de la ville. Mais lorsqu’on interroge, en 2014, les heureux propriétaires des jardins potagers, personne n’en est au courant. La ville, elle-même, continue d’autoriser les projets d’animations des centres de loisirs autour de potagers. Alors que les jardins familiaux, situés à Montreuil sur des zones de remblais d’autoroute, seraient les seuls jardins hors de contamination.

 A Aubervilliers, des jardins familiaux constitués de 183 parcelles sont mises à la disposition des habitants. En juin 2011, L ’Agence Régionale de Santé publie une plaquette grand public informant les jardiniers (une centaine de familles) sur les risques alimentaires. Etrangement, cette plaquette met l’emphase sur les bienfaits psychologiques et sociaux, mais donne peu d’informations sur les questions de santé tout en concluant qu’il n’y a aucun danger pour les adultes mais qu’il faut rester vigilant en ce qui concerne les enfants. Les études effectuées en 2010 par l’ARS (78 pages, téléchargeable sur le web, mais difficile à trouver) n’est pas aussi rassurante : « les doses d’exposition au plomb […] sont 10 fois plus grande pour les adultes et 100 fois pour les enfants […] que dans l’alimentation générale ».

Toutefois, toutes les études consultées parlent d’une seule voix : le manque de recul est patent, d’autres études s’avèrent nécessaires.  On manque de certitudes du point de vue du rapport entre la quantité de polluants dans le sol et celle qui passe dans les végétaux : en effet, on a observé que ce rapport fluctue. Même constat pour le rapport entre le taux de métaux dans les végétaux et le taux de métaux réellement présent dans l’organisme humain. Il serait cependant dommage d’attendre le constant de graves problèmes de santé induis. D’autant que la corrélation entre la soupe de légumes polluée et les pathologies déclarées seront difficiles à détecter !

Reste une solution : la culture hors sol. Plus contraignante et surtout beaucoup moins poétique, elle est rarement retenue. Il semble donc qu’en matière d’écologie et de santé aussi, « le cœur a ses raisons que la raison ignore ». Tant pis pour le corps !

Ce conflit met encore une fois en exergue l’inefficacité de l’individualisme : les solutions individuelles face à problème collectif de la pollution restent largement insuffisantes, même si elles sont plaisantes et plus bien plus facile à mettre en œuvre. Cultiver son jardin ne peut répondre à un problème de santé publique posé par des décennies de pollutions. Les potagers, les tonnelles des jardins, leurs terrasses seraient d’ailleurs d’excellents pour point de départ pour qu’émergent des actions collectives de revendications face aux  lobbies  industriels et agronomiques qui ne demandent qu’une chose : perpétuer leurs pratiques grâce aux silences des populations se réfugiant dans des solutions poétiquement potagères.

Mettre la poésie au service du corps, mettre la tête et le cœur en harmonie, tout un programme, toute une aventure !

http://www.montreuil.fr/environnement/etat-des-lieux-de-lenvironnement/pollution-des-sols/

Rapport détaillé 2008 : plan de surveillance des sols
http://www.montreuil.fr/fileadmin/user_upload/Files/Environnement/etat_lieux_env/obsenv/s3_08.pdf

Suivi du rapport : surveillance des sols 2011
http://www.montreuil.fr/fileadmin/user_upload/Files/Environnement/etat_lieux_env/obsenv/ficheS3.pdf

  Avis final sur les jardins familiaux d’Aubervilliers de la CIRE (Cellule régionale de l’institut de veille sanitaire IDF)http://www.invs.sante.fr/content/download/32368/162460/version/1/file/Avis_final_Jardins_Aubervilliers.pdf

Cellule régionale de l’institut de veille sanitaire IDF, Avis final CIRE Aubervilliers :
http://www.invs.sante.fr/content/download/32368/162460/version/1/file/Avis_final_Jardins_Aubervilliers.pdf