Ce jeudi 22 mai, dans le quartier de Sainte Marthe à Marseille, l’équipe de « Marseille, ville non-violente » organisait sa réunion publique trimestrielle dans « L’ensemble artistique Toursainte », un espace dédié à la solidarité et à la vie culturelle dans le quartier, en collaboration avec l’association HAS (Habitat Alternatif Social)[i]. Pour l’occasion, l’équipe accueillait des expériences « informé sur le trauma » de plusieurs pays : celles de l’Etat d’Oregon (É.U.)[ii], de Belfast (Irlande du Nord)[iii], Manchester[iv] et du West Yorkshire (Angleterre)[v], d’Oslo (Norvège)[vi] et pour la France, les projets débutant à La Rochelle/Ile de Ré[vii] et à Lyon.
LES VILLES INFORMÉES SUR LE TRAUMA
C’est dans la dernière décennie du XXe siècle qu’est née aux Etats-Unis cette approche communautaire visant à sensibiliser les habitants et les professionnels au fonctionnement du traumatisme et à ses effets dans la vie personnelle et sociale : la violence. L’objectif est alors de prendre en compte ce nouveau regard pour harmoniser les politiques publiques, en les étayant par la pratique de terrain et par les données scientifiques, qui se mettent à affluer dans les années 2000, avec notamment le développement des neurosciences affectives et sociales[viii].
Tarpon Springs (Etat de Floride) et Philadelphie font partie des premières initiatives ; le mouvement s’étend pendant les années 2010 à Chicago, Oslo, Toronto, Leeds… Depuis 2022, Marseille est la première ville à lancer le projet, sous l’impulsion du psychiatre Vincent Girard[ix], de la psychothérapeute et auteure Isabelle Filliozat[x] et de Sophie Guérard, adjointe au Maire de Marseille en charge de la place de l’enfant dans la ville.
MÉTHODE DE TRAVAIL DES VILLES INFORMÉES SUR LE TRAUMA
Les volontaires de ces projets mettent en place des formations, des événements et des politiques publiques pour intégrer une approche nouvelle du traumatisme, avec l’objectif de prendre conscience de l’enchainement de violence et de difficultés personnelles et sociales générés par ces expériences malheureuses, mais aussi de réaliser les conséquences en terme de santé publique, et de prendre en charge ces réalités à tous les niveaux d’une ville (éducation, santé, justice, vie quotidienne…), favorisant ainsi une résilience collective, une résolution coopérative des conflits, une augmentation du « bien vivre ensemble » : un véritable apport à la culture de la non-violence. Les villes se déclarent alors « informées sur le trauma ».
L’APPROCHE « TRAUMA INFORMED » : LES 4 R
Le label « trauma informed » n’est pas une certification universelle délivrée par une organisation particulière ; c’est une approche adoptée par diverses institutions et collectivités : des villes, des campus universitaires[xi], des institutions et collectivité. L’Agence de Santé Publique du Canada[xii] a par exemple développé certaines lignes directrices de pratiques qui tiennent compte des traumatismes et de la violence. Ces lignes mettent l’accent sur la sécurisation, le choix, la résilience et le renforcement des compétences psycho-sociales[xiii].
4 axes (les « 4 R ») constituent l’approche « informée sur le trauma » :
- Réaliser ce que sont le trauma et le traumatisme et combien celui-ci est répandu.
- Reconnaître son impact sur les personnes et sur les groupes
- Répondre de manière inclusive pour que tous se sentent entendus
- Résister à la re-traumatisation
LES PROJETS « INFORMÉS SUR LE TRAUMA » À MARSEILLE
L’équipe marseillaise est en train d’organiser la première formation collective auprès de tous les agents municipaux travaillant auprès des enfants dans les crèches, le 29 août au Dôme. La présentation du projet aux 1400 agents de la Ville sera suivie d’un échange en petits groupes, animés par les volontaires bénévoles impliqués dans le projet. Une centaine de volontaires se prépareront à cet encadrement, les 5, 16 et 17 juin.
Parallèlement, le projet marseillais s’organise en cercles et groupes de travail, en adoptant les outils de la gouvernance partagée. Plusieurs expériences sont en marche :
Dans le quartier de la Cayolle et nouvellement à Sainte Marthe ; le groupe « Minots », autour des enjeux dans l’éducation ; le groupe « Prendre soin » dans le domaine de la santé ; enfin le groupe « sensibiliser les institutions », auprès des professions de la police, de la justice et des institutions pénitentiaires. Un cercle de réflexion sur le pouvoir d’agir est également en place.
Enfin, un diplôme universitaire a été créé cette année, porté par l’Université d’Aix-Marseille et le Professeur David Da Fonseca[xiv], et sera reconduit à la rentrée 2025-2026. La réunion publique du 22 mai a d’ailleurs accueilli une vingtaine d’étudiants de ce premier opus.
L’APPORT D’EXPÉRIENCE INTERNATIONALE DE LA RENCONTRE DU 22 MAI
Lors de cette rencontre, les intervenants internationaux ont partagé des témoignages concrets et inspirants sur la mise en œuvre des politiques « trauma informed » dans leurs contextes respectifs. De la formation systémique en Oregon à la coordination interinstitutionnelle à Belfast, en passant par la mobilisation citoyenne à Manchester ou l’ancrage universitaire et clinique à Oslo, chacun a exposé les leviers propres à son territoire.
Les échanges ont fait émerger plusieurs constantes : la nécessité de sensibiliser largement les citoyens, de soutenir les professionnels en première ligne, et de coconstruire les politiques locales avec les personnes concernées. Les ateliers en petits groupes ont souligné l’enjeu de passer de l’intention à l’action, en structurant des outils, des méthodes et des protocoles à même de pérenniser cette culture du lien et de la non-violence.
Les intervenants ont ainsi mis en lumière trois piliers fondamentaux de toute politique trauma-informed ambitieuse :
– Un ancrage scientifique solide, fondé sur des collaborations universitaires, une veille active en neurosciences, et des indicateurs partagés pour suivre les transformations ;
– Un engagement citoyen structuré, mobilisant des volontaires formés, des campagnes de sensibilisation, et des espaces de co-construction démocratique ;
– Une coopération interprofessionnelle active, entre la santé, l’éducation, la justice, le social et la sécurité, afin d’élaborer un langage commun et des pratiques partagées.
Leur expérience démontre qu’en croisant ces trois dimensions, il devient possible de faire émerger une culture publique du soin, de la réparation et de la résilience collective — une source d’inspiration directe pour Marseille et d’autres villes françaises.
POUR SOUTENIR ET PARTICIPER AU PROJET « TRAUMA INFORMED »
Informez-vous plus largement et laissez-nous vos coordonnées pour être informé.e des prochains événements : https://www.filliozat.net/projet-marseille-ville-non-violente/
Signez notre manifeste : https://www.change.org/p/marseille-ville-non-violente-informee-sur-le-trauma?source_location=search
Rejoignez le groupe de volontaires pour encadrer la journée d’information du 29 août auprès des agents municipaux de la petite enfance ; envoyez un mail à : sophie.queiros23@gmail.com
A bientôt !
Les auteur.e.s
Florent Delaunay – Enseignant-formateur du secteur médico-social ; musicien humaniste ; cofondateur des Universités de l’humanisme universaliste ; membre de « Marseille Ville Non-violente » ;
Julia Dussaucy – Fondatrice de la plateforme citoyenne de pair-aidance « Déjà-Vu », secouriste en santé mentale (PSSM). Membre de « Marseille Ville Non-violente », engagée dans la création d’outils numériques et collectifs pour faire émerger une culture du soin, du lien et de la résilience ;
Laurence Nabitz – Facilitatrice des dynamiques collectives et coopératives, coach et formatrice. Engagée dans tout ce qui touche à la non-violence et aux dominations ; membre de « Marseille Ville Non-violente ».
Notes
[i] – https://www.has.asso.fr/
[ii] – https://traumainformedoregon.org/
[iii] – https://www.safeguardingni.org/trauma-informed-approach
[iv] – https://www.trgm.co.uk/manchester
[v] – https://westyorkshiretraumainformed.co.uk/
[vi] – https://iopt.no/en/aktivitet/videreutdanning/
[vii] – https://etoiledesfamilles.fr/la-rochelle-ville-informee-sur-le-trauma/
[viii] – Par exemple : https://www.science.org/content/article/parents-emotional-trauma-may-change-their-children-s-biology-studies-mice-show-how
[ix] – Vincent Girard et le projet Marseille Ville non-violente : https://www.youtube.com/watch?v=Kd7_SXMg8Cw
[x] – Isabelle Filliozat et le projet Marseille Ville non-violente : https://www.youtube.com/watch?v=H3QDH4iAXO8
[xi] – https://www.higheredtoday.org/2022/03/14/trauma-informed-colleges-begin-with-trauma-informed-leaders/
[xii] – https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/securite-et-risque-pour-sante/approches-traumatismes-violence-politiques-pratiques.html
[xiii] – https://www.santepubliquefrance.fr/competences-psychosociales
[xiv] – https://smpm.univ-amu.fr/fr/formations/formation-continue/attachement-liens-competences-psychosociales-et-psychotrauma