Le 5 mars dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à flécher une partie des encours du Livret A, normalement destiné à financer le logement social, vers les industries d’armement. Ce 14 mars, l’Assemblée nationale en examine une autre ayant le même objectif.

Pourtant, les industries d’armement n’ont nul besoin de cette source de financement supplémentaire. Le secteur se porte très bien, la France est le 3e vendeur d’armes du monde, et Thalès vient d’annoncer des profits record en 2023 : plus de 18 milliards de chiffre d’affaires, plus de 2 milliards de bénéfice, 11% de profit – à rapprocher du taux de rémunération actuel du Livret A à 3%. Alors pourquoi ces propositions de loi ?

Parce que, selon leurs promoteurs, « faire de la Base Industrielle et Technique de Défense une priorité dans l’allocation de l’épargne préférée des Français, voilà qui serait un signal fort pour banaliser son financement par les acteurs de la finance ». Il s’agit avant tout de « banaliser l’idée même d’investir dans la défense », « mieux faire connaître le secteur de la défense à la communauté des investisseurs » et ainsi contribuer à leur « développement à l’international ».

Ainsi, sous prétexte de défendre la France, on habitue insidieusement les esprits à investir dans les armes, en fait pour leur exportation. Une exportation juteuse que les mêmes parlementaires voudraient faciliter jusqu’au niveau européen en réduisant les « normes de vigilance » censées moraliser les ventes d’armes, qui n’empêchent pas la France d’en vendre à des régimes arabes dictatoriaux en guerre au Yémen, ou à Israël malgré les massacres de Gaza.

Toutes ces démarches ne visent qu’à une chose : renforcer la mainmise déjà écrasante du lobby militaro-industriel sur la démocratie. Mais la défense nationale n’a pas à dépendre de l’initiative des particuliers ni du choix des banques ; c’est une fonction régalienne, qui doit être financée par l’impôt et exercée par l’Etat, sous le contrôle du Parlement et avec l’approbation du peuple français. Ce ne sont donc pas les encours du Livret A ou du LDDS qu’il faut flécher vers les industries de guerre, c’est le budget de la Loi de Programmation Militaire qu’il faut réorienter.

C’est pourquoi ACDN a fait une autre proposition de loi visant à organiser un référendum sur un choix politique, diplomatique et militaire fondamental : la participation de la France, à l’abolition des armes nucléaires, conformément à l’article 6 du TNP. Selon le général Lee Butler, ancien chef du Strategic Air Command, ce sont des armes « fondamentalement dangereuses, extraordinairement coûteuses, militairement inefficaces et moralement indéfendables« . Voilà le sujet dont le Parlement devrait plutôt saisir le peuple qu’il est censé représenter.

 

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