Selon l’institut international, Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), les dépenses militaires mondiales ont augmenté pour la huitième année consécutive en 2023 pour atteindre un niveau record de 2240 milliards de dollars. C’est en Europe que la hausse des dépenses a été de loin la plus forte (+13 %) et qui s’explique par les dépenses de la Russie et de l’Ukraine. En effet, l’aide militaire à l’Ukraine et les inquiétudes concernant une menace accrue de la Russie ont fortement influencé les décisions de dépenses militaires de nombreux États.

« L’augmentation continue des dépenses militaires mondiales au cours des dernières années est un signe que nous vivons dans un monde de plus en plus incertain », a déclaré le Dr Nan Tian, chercheur principal au Programme des dépenses militaires et de la production d’armes du SIPRI. « Les États renforcent leur force militaire en réponse à la détérioration de l’environnement sécuritaire, qu’ils ne prévoient pas d’améliorer dans un avenir proche. »

Depuis quelques mois, la guerre entre Israël et le Hamas, les tensions autour de la Chine, les nombreux coups d’État en Afrique, la guerre du Soudan, et plus récemment l’influence croissante de l’Iran dans divers zones de conflits ont fait augmenter de plusieurs crans la détérioration de l’environnement sécuritaire mondial.

Par ailleurs, toutes ces situations tensions géopolitiques ont été générées à partir de schémas politiques et économiques de domination qui perdurent depuis plusieurs décennies. Ce sont des schémas dominés par cette course vers la concentration du pouvoir et de l’argent et par une ancienne vision du monde. D’un côté, nous constatons que certains peuples et groupes luttent pour conserver leurs indépendances politiques et économiques alors que d’un autre côté certains groupes et pays souhaitent poursuivre leurs dominations et influences, voire même l’élargir vers d’autres régions.

Ainsi, il n’est pas surprenant de constater l’augmentation des dépenses militaires, puisque à travers l’histoire, face à un futur incertain, la réponse des peuples et des individus s’est souvent tournée vers les armes afin de se protéger contre la montée des menaces qu’elles soient réelles ou encore imaginaires.  Aujourd’hui plusieurs groupes et leaders croient que l’élimination de prétendues conditions dialectiques qui génèrent des tensions sociales et politiques par la pratique de la guerre permet l’évolution des choses. En fait, cette façon de faire provient d’une vision du monde qui appartient à une autre époque et crée d’avantages de problèmes et de situations d’involutions pour des centaines de millions de personnes. 

Ainsi, le vieux remède qui propose de combattre la peur collective par l’appropriation d’armements, génère plus de craintes d’une destruction massive. Comme l’explique Martin Luther King en 1957:

« La cause principale de la guerre est la peur. Évidemment il existe d’autres causes telles que : les questions économiques, politiques, raciales – mais en synthèse toutes ces causes sont issues de la peur. Nous sommes conditionnés à entendre que la haine provoque les guerres. Mais la séquence est des événements est généralement différente, premièrement il y a la peur, puis la haine et finalement la guerre ». (texte paru en 1957)

Aujourd’hui, contrairement à d’autre époque, nous sommes face à une crise mondiale qui est hors de notre contrôle, c’est une crise générée par le long processus de mondialisation qui affecte tous les schémas politiques et économiques. Par ailleurs, il est fort possible qu’une majorité des leaders à travers le monde ne comprennent simplement pas comment cette situation d’incertitude est générée par la déstructuration de tout un système et non seulement par certaines menaces potentielles. Ainsi, plusieurs n’arrivent pas à saisir  qu’aucun pays, régions ou encore accords multilatéraux sera en mesure de pouvoir améliorer la situation à partir d’une vision d’un monde déjà dissous. Il est clair que ceux qui tenteront de contrôler les événements selon des schémas qui appartiennent à une autre époque vont accélérer davantage le désordre. 

Le paradoxe de la théorie des systèmes nous apprend que lorsqu’on tente d’ordonner le désordre croissant, on l’accélère davantage (Lettres à mes amis, Silo, p.117)

Évidemment, cette dissolution amène des événements tragiques et de grands bouleversements, mais présente aussi des opportunités historiques, dont la naissance d’une nouvelle civilisation mondiale et universelle. Mais encore faut-il apprendre à reconnaître les éléments de la crise qui permettent l’adaptation croissante vers l’évolution des choses, des peuples et des être humains. Ainsi, afin d’éviter davantage de destructions et la perte de vie humaine, je crois qu’il est nécessaire d’interpréter les événements à partir d’une perspective du futur, à partir de nos aspirations et des conditions dans lesquelles nous souhaitons vivre et non à partir des menaces potentielles ou imaginaires. Je crois qu’il est nécessaire de donner une direction aux événements qui permettent de dépasser la violence ambiante. 

Ainsi, face à la montée du militarisme à travers la planète, il me semble urgent d’avancer avec une alternative nonviolente et active. Il me semble urgent d’avancer vers l’ouverture d’un dialogue. Enfin, nous devons entreprendre sérieusement de grands chantiers d’éducation à la nonviolence afin que tous ceux et celles qui souhaitent l’évolution des choses puissent s’approprier rapidement les outils de résolutions des conflits et ordonner les conflits par ordre de priorité dans les lieux où chacun vit sa vie. Il ne s’agit pas de proposer une démarche graduelle qui doit gagner du terrain au fil du temps, mais de montrer par la pratique qu’un nouveau système d’inter-relation entre voisins, entre groupes, entre peuples est en train de fonctionner et peut orienter les événements vers l’évolution des choses et des peuples. 

Finalement, l’avantage de l’éducation à la nonviolence est qu’elle est offerte à tous ceux et celles qui luttent pour la justice sociale, pour la paix, pour les droits humains peu importe leurs allégeances politiques ou religieuses, qu’ils soient démocrates, républicains, conservateurs, religieux, athées, socialistes ou environnementalistes. De plus, les séances d’éducation à la nonviolence permet aux individus de rencontrer des personnes qui ne partagent pas leurs positions mais partagent des aspirations futures communes. Évidemment, cette proposition ne fera pas disparaître les conflits, mais aura le potentiel de présenter une alternative nonviolente et active en plus de travailler à désamorcer tous les facteurs qui sont en train de provoquer une involution sans retour.