Le ministère de l’Intérieur a recensé 1 million 270 000 manifestants dans toute la France, dont 87 000 à Paris. C’est plus que la précédente mobilisation du 19 janvier. 

Défi relevé

La mobilisation reste constante et a même augmenté. Le gouvernement, lui, reste toujours camper sur ses positions. Deux jours avant cette nouvelle manifestation, dans une interview accordée à France Info, la première ministre, Elisabeth Borne, a réaffirmé l’inflexibilité de l’État. « Ce n’est plus négociable. La retraite à 64 ans, c’est le compromis que nous avons proposé (…). C’est nécessaire pour assurer l’équilibre du système. » De quoi galvaniser la foule… 

« La retraite à 60 ans, on s’est battu pour la gagner, on se battra pour la garder. » 

Parmi les drapeaux colorés des syndicats, Sandrine, Jean-Marc et Gilles, habillés du gilet orange CFDT. « Vous étiez là le 19 janvier ? » – « Évidemment ! ». Tous les trois, ils en veulent au président Emmanuel Macron pour son hypocrisie. Lors de sa campagne présidentielle de 2017, il avait déclaré : « Dans les cinq ans à venir, je ne propose pas de décaler l’âge de départ à la retraite. » Deux ans plus tard, en 2019, lors du grand débat national, il renouvelle cette parole : « Est-ce qu’il faut reculer l’âge légal qui est aujourd’hui à 62 ans ? Je ne crois pas ».  (https://www.youtube.com/watch?v=KGyxcYvcjTk&ab_channel=L%27Obs). Puis, pour sa seconde campagne, il revoit ses plans et propose un relèvement progressif de l’âge légal de départ à 65 ans pour finalement changer une nouvelle fois d’avis.

Jean-Marc déplore la rigidité de cette réforme. « Si on est carrière longue, c’est-à dire si on a commencé tôt, et qu’on a un incident, dans notre carrière, c’est fini. » En effet, les périodes d’inactivités pour cause de maladie, accident du travail ou encore période de chômage indemnisé ne doivent pas dépasser 4 trimestres. Au-delà, cet avantage de départ anticipé est brisé. Gilles continue en expliquant qu’elle n’est pas égalitaire. En fonction de l’année de naissance, le nombre de trimestre exigé pour le départ à taux plein diffère. « Elle arrive de façon brutale. Il aurait fallu la répartir dans le temps. » 

C’est justement le cas de Patricia, 59 ans, employée à la banque. Elle a fait 2h de voiture pour venir. Elle travaille depuis ses 16 ans et s’apprête à partir cet été lorsqu’elle en aura 60. Elle est en « plan sauvegarde de l’emploi départ volontaire ». Grâce à un accord avec son entreprise, elle peut quitter son poste en août pour tout de suite bénéficier de sa retraite. Si la réforme passe, ça ne sera plus possible. Elle quittera son poste mais tombera au chômage. À cause de son année de naissance, il lui manquera 6 trimestres, soit 18 mois de travail. Sa fille présente à ses côtés s’inquiète pour l’avenir de sa mère et du sien. 

Plus loin, Christelle et Olivier sont deux jeunes assistants maternels qui s’occupent de très jeunes enfants. « Nous on a un métier, qui ne bénéficie pas de la pénibilité. On fait des journées de 10h par jour. Des semaines de 50h. » Christelle sait déjà qu’elle devra partir dans tous les cas à 64 ans. Impossible pour elle de s’imaginer poursuivre au-delà : « J’ai signé pour ce métier là et pas un autre ». 

Une solidarité toujours forte 

Laurent, retraité et Brigitte, employée à la poste arborent fièrement l’autocollant rouge de la CGT sur leur veste et bonnet. Ils condamnent fermement cette réforme qui n’a pour eux, pas lieu d’être. « Le déficit annoncé, c’est 3% du budget. On paye déjà la CSG, qui est une cotisation sur les pensions, ce n’est pas normal. » Ils sont surtout là pour soutenir les jeunes, « Ils ont le droit d’être en retraite avant de mourir ».

« C’est la goutte de trop » pour Tristan, 21 ans, et ses amis. Derrière ses grandes lunettes rondes, il dénonce le manque de considération qu’à le gouvernement pour la jeunesse. Il aimerait que les jeunes comme lui puissent se loger dignement et qu’ils n’aient plus à devoir travailler à côté de leurs études. Ce combat, c’est pour leurs droits futurs. « On se doit d’être solidaires avec les travailleurs, les retraités, avec tous les français. » conclut-il.  

D’autres luttes

Florence, aide soignante depuis plus d’une dizaine d’années dans un EHPAD (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, anciennement dénommés maisons de retraite), voit ses conditions se dégrader d’années en années. Moins de personnel pour plus de travail. Elle déplore le manque d’écoute du gouvernement sur sa profession. « On fait de la maltraitance involontaire. » déplore-t-elle. Le côté humain a disparu. Elle n’a plus le temps de communiquer avec les résidents. « Vous venez, je m’occupe de vous. Je pars, je continue ».

Un peu plus loin, une petite jeune femme habillée toute de rose, Violette, est venue pour réclamer la réintégration de tout le personnel soignant injustement suspendu depuis la crise covid. Pour elle, une décision arbitraire « au mépris des droits de l’homme et du serment d’Hippocrate ». Elle estime que cette violation du travail a ouvert la porte à tous les abus face à l’indifférence générale. 

Cette réforme ravive la colère des français sur des problèmes plus vastes qui touchent la société et qui en fait sans doute la force de ce mouvement intergénérationnel. Malgré quelques heurts en fin de manifestation par des black blocs, l’ambiance est restée bonne enfant avec de la musique. Selon le dernier sondage Ifop 68% des français demeurent opposés à cette réforme des retraites. Prochain rendez-vous prévu la semaine prochaine, le 7 et 11 février.