C’est avec des sentiments mitigés que les trois organisations de défense des droits de l’homme, PRO ASYL, borderline-europe et WatchTheMed/Alarm Phone, ont réagi au jugement rendu en Italie sur le naufrage qui a eu lieu en 2013 devant Lampedusa. En effet, si la Cour de justice de Rome a jugé que les garde-côtes et la marine italienne sont rendus coupables d’omission volontaire de sauvetage et qu’ils sont responsables de la mort de 268 réfugiés, les deux accusés, le capitaine Leopoldo Manna et le capitaine de frégate Luca Licciardi, ont uniquement échappé à une condamnation parce que le cas est prescrit.

Il s’agit dorénavant de vérifier si l’État italien, dans le cadre d’une procédure civile, peut être passible d’indemnisation des victimes.

PRO ASYL, borderline-europe et WatchTheMed/Alarm Phone estiment le jugement du 16 décembre 2022 ainsi : « Les appels de détresse en mer doivent être pris au sérieux et déclencher immédiatement des opérations de sauvetage. C’est le message central de ce procès, qui s’adresse non seulement aux garde-côtes italiens, mais aussi à toutes les gardes côtières et forces d’intervention en Méditerranée ». Des personnes en détresse en mer doivent toujours être sauvées de la noyade !

« Il aura fallu plus de neuf ans pour que soit rendu un jugement dans ce cas de non-assistance à personne en danger ayant provoqué la mort. Les responsables accusés n’ont pas pu être tenus responsables en raison de la prescription. Pour les parents des victimes, c’est une expérience amère », affirment les trois organisations.

Left to die : le refus d’assistance a coûté la vie à 268 personnes

Le contexte : huit jours après la tragédie plus connue du bateau au large de Lampedusa le 3 octobre 2013, 268 réfugiés, dont 60 enfants, se sont noyés dans un autre accident au large de l’île italienne : le 11 octobre 2013, un bateau transportant plus de 400 boat people syriens et palestiniens en provenance de Libye s’est retrouvé en détresse imminente en mer. L’embarcation avait auparavant été poursuivie par une vedette libyenne qui lui avait tiré dessus.

Pendant plus de cinq heures, les personnes à bord du bateau ont envoyé par téléphone satellite des appels de détresse désespérés aux garde-côtes italiens et maltais. Le centre opérationnel de sauvetage en mer italien a volontairement omis d’envoyer sur le lieu de l’accident un navire de la marine italienne, localisé à peine à 17 miles marins.

Si les autorités italiennes avaient immédiatement déclenché les opérations de sauvetage en mer, tout le monde aurait pu être sauvé : c’est également la conclusion du journaliste italien Fabrizio Gatti qui, par ses recherches, avait lancé les enquêtes et le procès qui dure depuis des années. Le jugement du 16 décembre 2022 souligne que le naufrage aurait pu être évité si les responsables avaient fait leur devoir et avaient agi selon le droit international.

Cinq heures durant, les naufragés n’ont obtenu aucune ai

Les juges ont étayé leur jugement et reconstruit le déroulement du naufrage traité très en détail, et ce sur 87 pages. La présidente du Second Tribunal correctionnel, Anna Maria Pazienza, et les juges Maria Concetta Giannitti et Chiara Bocola ont conclu que la Marine et les garde-côtes italiens s’étaient volontairement rendus coupable d’omission de sauvetage. Leur décision de ne pas intervenir a conduit au nombre élevé de morts, femmes, hommes et enfants.

« Nos mandants, qui ont vu se noyer leurs parents et leurs enfants durant les cinq heures pendant lesquelles ils ont vainement attendu les sauveteurs, n’ont cessé de nous demander de veiller à ce que cela ne se répète pas. C’est la raison pour laquelle ils ont pris sur eux les affres de ce long procès », déclarent après le procès les avocats des survivants qui se sont constitués partie civile.

La vie humaine en mer doit toujours être sauvée

Ils ont rajouté : « Aujourd’hui, nous pouvons espérer que ce jugement rappellera à tous les obligations constitutionnelles et de droit international public qui incombent aux intervenants du sauvetage en mer. Le jugement de la Cour de justice de Rome n’est pas uniquement tourné vers le passé, mais aussi vers le présent et l’avenir : la vie humaine en mer doit toujours être sauvée et aucun ordre ne peut passer outre à cette obligation. »

Pour l’Italie en particulier : le nouveau gouvernement sous Giorgia Meloni devrait étudier en détail de jugement et reconnaître sans conditions sa responsabilité dans le sauvetage en mer. « Car nous devons actuellement constater comment le ministres de l’Intérieur en fonction, Matteo Piantedosi, et le ministre de l’Infrastructure, Matteo Salvini, tentent de nouveau, par tous les moyens, de rendre plus difficile le sauvetage en mer civil  et s’accommodent ainsi du nombre accru de victimes », selon les trois organisations PRO ASYL, borderline-europe et WatchTheMed/Alarm Phone.

 

Traduit de l’allemand par Laurence Wuillemin, Munich