Par Dimitris Karellas** dans le journal des rédacteurs.

Finlande 2017-19, Ontario Canada 2018-19, Stockton Californie 2019-20, Gyeong Corée du Sud 2019-21. C’est la liste des programmes pilotes de revenu de base universel qui ont débuté juste avant la pandémie et qui commencent à montrer une façon de traiter au moins un des effets des crises monstrueuses successives auxquelles l’humanité est confrontée : la pauvreté de centaines de millions de personnes.

La première page et le reportage de ce journal du 18.10.2022 sont indicatifs et confirment qu’aucune politique sociale connue, basée sur les prestations, n’a été en mesure de « ramener la pauvreté » en dessous de 20% de la population en « Occident », alors que l’on trouve trois fois ce chiffre dans le Sud global. Et en Grèce, le risque de pauvreté et d’exclusion sociale oscille autour de 30 % : la réduction d’un féroce 36 % en 2013 à 28,9 % en 2019, puis une augmentation à 29,5 % en 2020 ; cela augmentera apparemment en 2021-22, selon la politique du gouvernement de la Nouvelle Démocratie.

Le revenu de base, fondé sur le droit fondamental à une vie décente, désigne le versement régulier d’une somme d’argent à chaque personne sur un territoire, indépendamment de son âge, de son origine, de sa nationalité, de son statut professionnel, de ses ressources financières, etc. L’idée centrale est simple : l’ensemble des richesses produites, fruit du labeur et de l’effort intellectuel de la grande majorité de la société, doit permettre à tous d’avoir accès aux biens de base.

Après la Corée du Sud, c’est au tour de la Catalogne. Avec un programme de revenu minimum garanti auquel participent moins d’1/3 (!!) des 25% de pauvres, le gouvernement de la région autonome a pris la décision de mettre en œuvre un programme pilote de revenu de base. Pendant 24 mois, 2 500 personnes d’un échantillon statistique aléatoire et 2 500 résidents de deux villes seront crédités mensuellement de 800 euros par adulte et de 300 euros par membre mineur de leur foyer. À titre de comparaison, le seuil de pauvreté est de 794 euros par mois, le salaire minimum est de 1 000 euros et le revenu minimum garanti versé est de 564 euros.

Les revenus du travail et les pensions sont de toute façon considérés comme acquis dans la logique du revenu de base et continueront bien sûr à être versés ; de même que toutes les allocations actuelles, afin de tirer des conclusions sur la possibilité, à l’avenir, d’en absorber certaines dans le revenu de base. La seule restriction était l’exclusion de ceux qui se situent dans les 10% supérieurs de l’échelle des revenus.

Le suivi étroit du projet par une équipe scientifique spécialisée vise à évaluer un certain nombre d’impacts : l’effet sur les indicateurs d’emploi et de chômage, le changement d’orientation professionnelle, l’augmentation des activités coopératives, la variation des indicateurs de santé et d’éducation, le moment où les enfants quittent la crèche, la normalisation ou la rupture des relations intrafamiliales « difficiles », l’autonomisation des femmes, etc.

Ces éléments et bien d’autres encore nous ont été présentés par le chef du bureau gouvernemental chargé de la mise en œuvre du programme, Sergi Raventos, qui nous a également rappelé la dette de l’idée du revenu de base envers la République d’Athènes. Lors d’un atelier organisé le mardi 18.10.2022, les résultats d’une enquête menée auprès des maires de notre pays afin d’étudier leurs connaissances et leurs attitudes vis-à-vis du revenu de base ont été présentés.

Parmi les résultats intéressants de l’enquête :

  • Par ordre d’évaluation, les principaux problèmes des citoyens sont l’incapacité à satisfaire les besoins quotidiens, le chômage/sous-emploi/sécurité et le stress professionnel et économique.
  • Le revenu minimum garanti et les autres prestations inférieures à 500 euros par mois sont considérés par plus de 90% comme peu ou pas du tout suffisants pour couvrir les besoins, les personnes interrogées fixant le seuil de vie décente à des montants mensuels compris entre 500 et 800 euros.
  • Les maires considèrent que la mise en œuvre d’un programme pilote est non seulement souhaitable, mais également réalisable si les questions de financement et de cadre institutionnel sont résolues.

Le programme en Catalogne commencera à créditer les comptes des personnes sélectionnées en mars ou avril 2023. Devons-nous souhaiter le nôtre ?

 

* « Et pourtant elle tourne », phrase attribuée à Galilée, qui l’aurait marmonné en 1633 après avoir été forcé devant l’Inquisition d’abjurer sa théorie (vérifiée depuis lors) que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil, doctrine qui était alors considérée comme hérétique par l’Église.

 

** L’auteur

Dimitris Karellas. Scientifique politique – ancien secrétaire général du bien-être et de la solidarité sociale

 

Traduit du grec par Evelyn Tischer