La rareté de main-d’œuvre, l’attrait du marché du travail et la possibilité de faire des sous peuvent sembler reluisants pour les jeunes qui décideront d’abandonner leurs études. Le décrochage scolaire est à la hausse depuis les dernières années et est en voie de gagner les plus jeunes. Tommy Poulin, directeur de la polyvalente Louis-Saint-Laurent à East Angus (région de l’Estrie), s’inquiète de voir des jeunes de secondaire I et II abandonner l’école. Contrairement à la croyance populaire, ce phénomène n’est pas l’affaire exclusive du milieu scolaire: parents, amis, famille, employeurs, toutes les couches de la société devraient se sentir concernées.

C’est du moins le message que lancent les représentants scolaires, ceux des maisons des jeunes du territoire et du Carrefour jeunesse-emploi (CJE) du Haut-Saint-François. Le décrochage, de mentionner Judith Olson, coordonnatrice aux services d’intervention et intervenante au CJE, n’est pas que scolaire et n’est pas lié uniquement à l’emploi, il est multifactoriel.

Poulin souligne que le décrochage scolaire est à la hausse. Bien que les deux dernières années pandémiques viennent changer la donne, il n’en demeure pas moins que le nombre de décrocheurs pour l’année scolaire 2019-2020 est passé de 13 à 27 pour 2020-2021, alors qu’il se situait autour de 15 pour les années antérieures. Pour l’année en cours, bien qu’elle ne soit pas complétée, on dénombrait 20 décrocheurs dont 4 sont âgés de 14-15 ans tout secteur confondu, régulier et adaptation scolaire.

Poulin ne cache pas son inquiétude envers ce qui semble ce nouveau phénomène qu’il qualifie de décrochage précoce, chez des élèves de 14-15 ans, soit début secondaire. Parmi les 20 élèves ayant décroché, 7 ont quitté pour le travail, d’expliquer M. Poulin. Il existe également une autre sorte de décrocheurs non comptabilisés, d’ajouter la directrice adjointe, Anne Lachance, qui sont les élèves présents en classe, mais non attentifs, entraînant pour conséquence des redoublements.

Sans pointer du doigt une seule cause expliquant le décrochage scolaire, on parle de multifacteurs des effets post pandémiques, de santé mentale, d’anxiété, d’attrait du marché du travail alors que certains employeurs sont disposés à embaucher des jeunes sans diplôme et formation scolaire.

Des mesures sont prises, explique M. Poulin. « J’ai un comité d’appoint. Moi aussi, j’ai des élèves qui arrivent en premier secondaire avec des difficultés. On les accueille, on a de l’adaptation scolaire qui existe. On réfléchit à comment notre organisation peut faire pour les amener encore plus vers la réussite. » Le directeur ajoute qu’il n’y a pas qu’un seul parcours qui existe pour la réussite. « On a chacun notre parcours et c’est ça qu’on essaie de trouver pour que les jeunes puissent avoir leur propre réussite. » La réussite, c’est multifactoriel, précise-t-il, c’est de mettre des structures. « Je pense que la Santé globale, c’est une structure qui favorise la réussite à cause de la motivation scolaire, savoir où nos jeunes s’en vont, ça fait partie des facteurs qui peuvent amener à la réussite. Avoir une réflexion que ces jeunes-là savent pourquoi ils viennent sur les bancs d’école, c’est un facteur de réussite. » 

La mise en place, il y a quelques années, du parcours employabilité consistant à développer des cartes de compétence particulièrement pour les élèves en adaptation scolaire est un autre facteur de réussite, estime le directeur.

« Ce qu’on veut, c’est que ces jeunes-là réussissent à leur façon. »

Des efforts sont également déployés pour aider les jeunes individuellement, que c’est par l’intervention de professionnels comme psychologue, travailleur social, éducateur spécialisé, conseiller en orientation, orthophoniste. D’autres initiatives s’ajoutent comme celle d’être une école hors piste permettant l’intégration d’un programme qui travaille en prévention et intervention pour l’anxiété entre autres. Un autre partenariat avec Probex vise à garder les élèves accrochés à l’école et de revenir avec une idée positive de l’école, d’expliquer Mme Lachance.

Le message

La réussite, ce n’est pas juste entre les 4 murs d’une école, d’insister M. Poulin, « c’est une affaire de société, faut que ce soit l’affaire du Haut-Saint-François, qu’on se mette ensemble et qu’on valorise l’école, qu’on valorise la réussite scolaire et qu’on pose de petits gestes au quotidien qui va faire un effet boule de neige, qui aura un effet global. »

« Ça passe par le loisir, le culturel, le politique, tout le monde est concerné. Si on veut garder une population active et diminuer la précarité, on est tous concernés. C’est important de valoriser notre jeune. Si vous êtes témoin d’un jeune qui subit de l’intimidation, que sa santé psychologique va pas bien, appelez, prenez un temps avec lui pour jaser. Appelez à l’école, au CJE », d’exprimer Mme Olson.

Le personnel des maisons de jeunes sur le territoire et de la Maison Actimaje à East Angus est aux premières loges pour observer ce phénomène. Vicky Couture, coordonnatrice à la Maison des jeunes Actimaje, rappelle que le rôle de la ressource est de sensibiliser les jeunes à plusieurs valeurs comme le respect, la communication, les relations sociales entre jeunes.

« On les aide à participer à des activités dans la communauté. Ils vont avoir un sentiment de fierté et de valorisation en faisant différentes tâches. Ce qu’on va leur inculquer, ça va avoir un impact dans leur relation avec les adultes. »

Pour Charles Talon, directeur général à Animation jeunesse du Haut-Saint-François, pour les points de service de Weedon, Dudswell, Scotstown et Saint-Isidore-de-Clifton, c’est d’offrir un milieu de vie où les jeunes ne se sentent pas jugés.

« On favorise l’écoute, fait du repérage, de la prévention, de l’accompagnement. On évite que les jeunes aillent vers la consommation. » Ces intervenants prônent tous la même chose: prioriser l’écoute sans jugement, ce qui semble un bon point de départ pour mettre les jeunes en confiance et qu’ils prennent les bonnes décisions.

Pierre Hébert

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