Les canadiens vivent actuellement un précédent important au Canada en matière de limitation des droits et liberté à manifester. En effet, les parlementaires ont entrepris jeudi matin un débat historique sur le bien-fondé du recours à la Loi sur les mesures d’urgence pour mettre un terme à la manifestation du convoi de la liberté qui paralyse le centre-ville d’Ottawa depuis près de trois semaines.
Le gouvernement fédéral a annoncé le recours à la Loi des mesures d’urgence afin de protéger les emplois, l’économie et les familles canadiennes.
Les « activités illégales et dangereuses » qui se poursuivent à Ottawa et qui ont paralysé des postes frontaliers pendant plusieurs jours constituent une grave menace à la sécurité publique, soutient le premier ministre Justin Trudeau. (Source : La Presse )
Loi des mesures d’urgences une mesure contraignante et abus de pouvoir
L’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) a annoncé jeudi après-midi qu’elle poursuivra le gouvernement fédéral, considérant que le seuil exigé pour avoir recours à la Loi sur les mesures d’urgence n’a pas été atteint. Il n’y a aucun canadien en réel danger.
Étant donné que le gouvernement possède déjà l’autorité légale pour intervenir en cas de situations difficiles, le recours à cette loi est « inutile, injustifiable et inconstitutionnel », selon Noa Mendelsohn Aviv, directrice générale de l’ACLC. De plus, la Loi sur les mesures d’urgence donne des pouvoirs extraordinaires au gouvernement pour agir c’est démesuré.
L’organisme reproche à cette loi de ne pas être limitée « à des manifestations particulières », peut-on lire dans le communiqué. « [Les décrets d’urgence] s’appliquent de la même façon dans tout le pays et imposent des restrictions sans précédent aux droits constitutionnels de chaque Canadien », a écrit l’ACLC. (Source: La Presse)
Certes, la situation à Ottawa est sérieuse et les manifestants restent campés sur leur position. Mais plusieurs questions doivent être soulevées : Pourquoi au cours des trois dernières semaines le gouvernement fédéral n’a pas entrepris des pourparlers avec les dirigeants du convoi de la liberté afin de trouver des solutions à cette crise?
Tandis que les premiers ministres de plusieurs provinces canadiennes annonçaient des assouplissements des mesures sanitaires ainsi que la fin des vaccins obligatoires et du passeport vaccinal. Pourquoi le gouvernement fédéral a poursuivi sa politique de vaccination obligatoire pour les camionneurs qui traversent la frontière américaine ?
Le gouvernement fédéral invoque la sécurité des canadiens et la protection de l’économie, pourtant les barrages érigés par les camionneurs sur le pont Ambassador, le lien routier transfrontalier ou circulent des centaines de camions à tous les jours est accessible depuis plusieurs jours.
Finalement, pourquoi le gouvernement fédéral annonce-t-il aujourd’hui l’application de la Loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin à l’occupation d’Ottawa et limiter les droits de tous les canadiens à manifester, alors qu’il existe d’autres moyens pour désamorcer la crise ?
Samedi, un bataillon de 1000 policiers a été déployé dans la capitale. Les policiers ont arrêtés 191 personnes et remis 3600 constats d’infractions aux manifestants. Dimanche l’occupation était pratiquement terminée. Plusieurs résidents du centre-ville de Ottawa se sont dit soulagés d’un certain retour à la normal. Au cours des derniers jours, plusieurs résidents disent avoir été intimidés par les propos agressifs des camionneurs.
Loi des mesures d’urgence et loi des mesures de guerre
La loi des mesures d’urgences a été mise sur pied en 1988. Son objectif était alors de s’assurer qu’aucun gouvernement ne pourrait répéter les graves abus de pouvoir commis au cours de la crise d’Octobre en 1970 au Québec. C’est l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau, père de l’actuel premier ministre du Canada, qui avait invoqué la Loi sur les mesures de guerre, à la demande du Québec, à la suite de l’enlèvement du ministre Pierre Laporte par des membres du Front de libération du Québec (FLQ).
La Loi sur les mesures de guerre suspendait les droits et libertés des individus d’un bout à l’autre du pays. C’était une loi draconienne. Et c’est la violation la plus importante des droits de la personne jamais survenue au Canada. Durant cette crise, des centaines de Québécois ont été arrêtés par les forces policières et jetés en prison sans jamais être accusés de quoi que ce soit.
Selon certains observateurs, la loi des mesures d’urgence demeurent vagues et pourraient entraîner des abus de droit, notamment en ce qui concerne la limitation géographique. Le fait que le gouvernement ait recours, aujourd’hui à cette loi, pourrait, dans un avenir relativement proche, restreindre tout droit légitime de manifester à certains groupes d’individus.