Lien à la partie 1 : Marcher vers les origines de la Terre (1/1)

Nous reconsidérons la manière dont nous interprétons ce qui nous entoure, nous laissons une empreinte sur l’espace que nos corps occupent dans un territoire, et nous reconnaissons la tension des intempéries. Cette vision permet de commencer à percevoir le monde qui nous entoure d’autres manières, de manière relationnelle et non hégémonique, car elle considère le fait qu’il n’y ait pas qu’un seul monde, mais divers mondes et manières d’être, de produire et de se reproduire. Diana Maffia dans l’article « Contre les dichotomies : féminisme et épistémologie critique » souligne que « c’est le langage qui signifie, ce ne sont pas les sujets qui, à travers le langage, signifient ».

Le territoire habité se construit, un territoire constitué par des relations historiques et productives qui guident notre conscience et les pratiques de sa construction. De nombreux peuples autochtones affirment que c’est la terre qui nous apprend à être dans le monde, elle nous apprend à gérer les ressources. Ce que nous en faisons, ce que nous produisons, définit en partie qui nous sommes. Dans le document de travail de María Carman intitulé « Le bien vivre, ou manière de donner un sens et d’être dans le monde », l’anthropologue redéfinit l’expression « bien vivre » et fait référence à l’idéal d’une vie harmonieuse liée à la paix et à un état d’équilibre dans la relation à la nature, loin d’une accumulation sans fin de biens de consommation. L’un des critères fondamentaux d’une belle vie fait référence à la capacité d’assurer la reproduction domestique en n’exploitant qu’une petite portion des ressources existantes. Elle analyse également comment se confirme la correspondance entre les modes de relation à la nature et les modes de relation aux autres, dans l’activité quotidienne de plusieurs peuples.

Nous vivons dans une période où les relations du capitalisme – en tant que mode de production qui a toujours guidé le colonialisme depuis l’établissement des états-nations en Amérique latine – s’expriment fortement et ont augmenté la complexité des conflits au niveau territorial avec leur contrôle politique, social, extractiviste et patriarcal. L’article de Yasnaya Elena A. Gil, « L’appel à ne pas idéaliser les peuples indigènes » réaffirme l’idée de revoir les récits qui nous font choisir de « notre propre gré » les produits offerts par le capitalisme, alors que « notre prétendue liberté était auparavant confinée à un petit univers et délimitée par des récits de fer dans des prisons narratives ». Quels sont les points de coïncidence avec ces récits dominants et ceux qui les soutiennent ? Quelles sont les passerelles qui permettraient d’accéder à ces logiques et de les questionner ?

Dans la vision originelle du monde, on croyait que les paroles de nos ancêtres soutenaient le monde spirituel de la vie sur terre. À travers elles s’expriment des milliers d’années de culture, qui ont façonné une manière d’habiter le monde par des relations de réciprocité et d’amour avec la terre. Certains peuples indigènes croyaient que la terre parlait à travers leurs ancêtres, et que cela avait un lien avec leur manière de comprendre la vie, d’honorer le sol qu’ils foulaient, le fruit de la terre qui nourrit. Maffia considère que : « les autres sujets, s’ils sont des sujets comme moi, sont des sujets qui constituent le même monde que moi, c’est-à-dire que nous partageons un monde commun que Husserl appelle le monde de la vie, qui est le monde des transactions quotidiennes, et qui est la base de toute autre construction possible ».

Comme le dit l’auteure Lorena Cabnal, peut-être que « la guérison comme voie cosmico-politique » appelle-t-elle à la guérison des corps pour la libération et l’émancipation dans les territoires. Il faudra se consacrer à l’écoute active, à l’ampleur du regard, aux visions qui aménagent ces sols, se reconnaître dans les cycles des transformations historiques, utiliser le langage comme une boussole, écouter les voix de ceux qui ont habité les territoires et revenir à la sienne, pour, à partir de là, construire de nouveaux récits.

 

Traduction de l’espagnol, Frédérique Drouet