Par Luigi Mosca et Dominique Lalanne(*), pour Abolition des armes nucléaires—Maison de Vigilance

À cause de la pandémie de Covid-19, la Conférence de révision du TNP a été repoussée en janvier 2021 : est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle pour progresser vers un désarmement nucléaire ?

Depuis la précédente Conférence de révision en 2015, sans conclusion à l’unanimité, deux types d’événements se sont produits : d’une part, une modernisation croissante des armements nucléaires (nouveaux types de vecteurs, mini-nuke, etc.), effectuée ou programmée, et la déconstruction de plusieurs traités ou accords internationaux (le JCPoA avec l’Iran, l’INF, et même le NewStart)[1] et, d’autre part, l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) en juillet 2017, actuellement en cours de ratification en vue de son entrée en vigueur (36 États sur 50 États requis)[2].

Ce délai, non prévu, pourrait permettre de parvenir aux 50 ratifications du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), ce qui apporterait aux ONGs et aux États signataires un positionnement plus favorable dans leurs échanges avec les délégations des États dotés et de leurs alliés grâce à un rôle catalyseur du TIAN.

La Suède, l’Allemagne et 13 autres États[3] viennent de lancer un appel[4] pressant aux États dotés pour qu’ils engagent des pas concrets en direction du désarmement nucléaire. Une initiative intéressante mais qui reprend la stratégie habituelle de demander d’agir uniquement aux pays du « club ». Et qui, malheureusement, ne parle pas du TIAN !

Comment amplifier la stigmatisation des États nucléaires qu’ICAN a réussi durant les trois années passées ? Telle est la question qui se pose pour notre participation à cette Conférence d’examen du TNP. Son report au mois de janvier 2021 nous laisse plus de temps. Un appel en France pourrait-il créer ce que nous recherchons ? Car nous voulons une prise de conscience par nos compatriotes que la « sécurité » de la France n’est pas assurée par la « dissuasion nucléaire ». Souvenons-nous du paradigme exprimé par Gorbatchev que « chacun doit assurer la sécurité de l’autre ». Il s’agissait, en 1986 d’une proposition d’élimination de toutes les armes nucléaires faite à Reagan et que ce dernier a refusée.

Un appel du Parlement européen pour que tous les pays — en commençant par ceux de l’Union européenne — signent le TIAN, serait la bonne démarche que nos élus devraient faire avant la réunion de janvier 2021 ! Nous engageons, sans plus attendre, une action dans leur direction.

 

Notes

[1] Glossaire : le JCPoA avec l’Iran (Joint Comprehensive Plan of Action), l’INF (Intermediate-Range Nuclear Forces Treaty), le NewStart (Strategic Arms Reduction Treaty) remis en cause pour son renouvellement à partir du 5 février 2021, le TIAN (Traité sur l’interdiction des armes nucléaires).

[2] Voir la liste des signatures et ratification :
https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXVI-9&chapter=26&clang=_fr

[3] Argentine, Canada, Finlande, Indonésie, Japon, Jordanie, Kazakhstan, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, République de Corée, Espagne et Suisse.

[4] https://www.government.se/information-material/2020/02/npt-at-50-advancing-nuclear-disarmament-securing-our-future/

 

Auteur

(*) Dominique Lalanne – Docteur en physique nucléaire et physique des particules, Directeur de recherches au CNRS, retraité. Ses recherches ont d’abord été menées au Laboratoire de l’accélérateur linéaire à Orsay, puis dans le laboratoire souterrain de Modane. Dès les années 1980 il s’est intéressé au désarmement nucléaire dans les associations Stop-Essais et la Maison de Vigilance. Il est actuellement co-président d’une fusion de ces associations « Abolition des armes nucléaire-Maison de Vigilance », membre de la campagne ICAN.