Par pour le Blog : Le blog de liligaby | Mediapart

Voici reproduit la lettre d’un médecin révolté après la sortie du décret de la honte qui consacre le droit à euthanasier des patients confrontés à un état asphyxique et ne pouvant être admis en réanimation. Nos aïeux en Ehpad semblent avoir été sournoisement condamnés à mort par une série convergente de circulaires gouvernementales.

ET SI C’ÉTAIT MA MÈRE ?

ou la chronique d’une femme médecin généraliste seule face à l’horreur. 

Mardi 31 mars 2020 au soir, dans ma boîte mail un document (1) émanant de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) : « Fiche Conseil Urgence sanitaire – Patients COVID ».

Il s’agit d’une explication très précise de la procédure à suivre pour abréger les souffrances des patients infectés par le  COVID19 en situation de détresse respiratoire « qui n’auront  pas  pu bénéficier d’une hospitalisation en service de réanimation » (personnes âgées, personnes en état de faiblesse, …).

J’apprends qu’un décret (2) du 28 mars 2020 a été publié autorisant, à mots couverts, tout médecin à pratiquer l’euthanasie sans nécessairement s’appuyer sur une décision collégiale comme le prévoit la loi Léonetti, dans le cadre de l’épidémie de COVID-19.

Moi, seule, au domicile du patient, j’en ai désormais le droit.

 Je reste bouche bée. 

Je suis médecin généraliste, mon métier : soigner.

Depuis 33 ans j’enchaîne les formations pour soigner mieux, jamais en effet je n’ai pensé me former pour abréger la vie.

Il est précisé :

« Rester calme »

« Après l’épisode, prendre un temps avec la famille et les soignants » : la mort d’un patient, on appelle ça un «épisode » ??

Je frissonne.

Je lis en page 2 les symptômes de la détresse respiratoire :

« Sensation d’étouffement avec angoisse massive/agitation et sensation de mort imminente. (…) Faciès de peur. »

Au secours !

J’imprime les 11 pages de ce mode d’emploi et puis je les déchire, elles me font l’effet d’un pistolet chargé, prêt à l’emploi pour tirer dans la foule, version serial killer.

Impossible de dormir, je rallume mon ordinateur à la recherche d’informations, je cherche de l’aide, rien, pas un article. Je suis seule. Cette nuit, il va falloir que je pense seule.

Alors je pense à ma mère et je pleure, je sanglote. 

Ma mère âgée, bien en forme qui va changer de dizaine à l’automne…. et je me dis que dans mon armoire à pharmacie j’ai ce qu’il faut si elle est infectée. Je revérifie : 2 boites de Plaquenil et 2 boites d’Azithromycine, c’est plus qu’il n’en faut.

Je me rassure.

Mais non… rien n’est rassurant, le décret (3) du 26 mars 2020 m’interdit de les utiliser…

J’imagine son regard apeuré.

Je hurle.

Tant pis je désobéirai…

Je hurle de colère pour les autres patients. Qui sont eux aussi tous des mamans, des papas, des tantes, des oncles, des sœurs, des frères… comment peut-on nous demander de les tuer sans nous avoir donné l’autorisation d’utiliser un traitement qui pourrait les soigner ?

Je deviens militante.

J’écris à des philosophes, des sociologues, des journalistes, pour qu’ils viennent à la rescousse, pour nous aider à penser ce que l’on vit dans cette réalité de meurtre des personnes en état de faiblesse dans notre pays. La France, pays des « droits de l’Homme ».

Je dicte à haute voix sur mon logiciel de reconnaissance vocale. Je m’agace. Quand je prononce le mot «euthanasie »  il comprend « état nazi », un comble, à croire que mon  logiciel est  devenu penseur.

J’attends leur réponse sur les ondes, sur les réseaux sociaux.

J’ai besoin de leur réponse.  

« Nous sommes en guerre » 

Dans cette guerre les médecins sont soldats. Des soldats qu’on a désarmés pour soigner.

Mais armés de Rivotril injectable pour tuer.

Nos dirigeants n’entendront pas le bruit des râles des patients qui suffoquent, ce décret permet de les taire dans une mort bien propre.

Cette fois c’est du sang pur qui abreuve nos sillons.

Alors  moi,  médecin,  femme,  mère,  citoyenne,  je  refuse d’obéir  à un  système  qui m’empêche de soigner et me donne comme seul rôle d’endormir les plus faibles.

Dr Nathalie CARADOT

 

(1) http://www.sfap.org/document/detresses-respiratoires-asphysiques-et-dyspnee

(2) Décret n° 2020-360 du 28 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

(3) Décret n° 2020-337 du 26 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/liligaby/blog/090420/et-si-cetait-ma-mere