Corrida ?

Le taureau, pour entrer dans le jeu que lui ont imposé ses « maîtres » les hommes, est piqué à vif, excité, et lorsqu’il est prêt à charger, on le stimule avec un chiffon rouge… Le taureau ne porte plus aucune attention à rien d’autre qu’à ce danger (expérimenté déjà par les blessures antérieures) qu’on lui rappelle incessamment.

Ne serions-nous pas en train de vivre une gigantesque corrida ?

Nous sommes emportés, comme le taureau dans l’arène que ni ne voit plus que le chiffon rouge, par un raz de marée « d’informations ». Informations à peine questionnées. Certains sont illogiques, d’autres contradictoires, la plupart sans fondement sérieux, rapides et non vérifiables. Mais TOUTE l’attention mondiale est concentrée sur ces informations et la panique emporte des individus, des groupes et des pays… La panique est un état de conscience altérée qui ne permet pas de prendre du recul et baisse le discernement et la réversibilité.

En conséquence, les consignes sont contradictoires (« Restez chez vous mais allez voter ! » « Restez chez vous mais allez quand même travailler », « Le virus n’est pas si dangereux, les décès sont dus à des pluri-pathologies… mais il y aura des milliers de morts ») les informations floues, non vérifiables et inquiétantes. Les comparaisons se font en dépit du bon sens et sans réels fondements scientifiques. Les agissements à tous les niveaux de responsabilité, de l’individu au plus haut sommet de l’État sont contestables et changeants. Bref : le chaos !

Et le chiffon rouge d’informations et de désinformations s’agite, stimule, agace mais dans tous les cas attrape toute l’attention. « Nous sommes en guerre ! », répète à 5 reprises le Président ! C’est une grande irresponsabilité ! Cette affirmation est hautement anxiogène et ne décrit pas la réalité. Ce n’est pas la guerre, il n’y a pas d’ennemi, c’est avec les progrès de la science et les efforts de la médecine que nous pouvons combattre un phénomène de santé publique, pas avec des armes ! Il serait intéressant et nécessaire d’étudier de près ce que nous devons combattre, en effet, de manière lucide et ENSEMBLE.

On connaît les coronavirus depuis plus de 20 ans, on sait que les virus mutent, c’est pourquoi il en existe de différentes formes. Celui-ci (COVID19) est-il plus meurtrier que les autres ? Sur quels comparatifs se base-t-on ? Les décès recensés aujourd’hui et qu’on impute au virus sont tous de patients souffrant de pluri-pathologie et ayant un système immunitaire dégradé. Ce fait n’est pas en opposition avec le d’être prudent, de respecter les consignes sanitaires. Mais continuons à poser des questions : Pourquoi a-t-on redéfini récemment la définition de pandémie ? Comment peut-on disposer de chiffres exacts, de comparatifs scientifiques sur ces phénomènes saisonniers de pluri-pathologie ? Quels sont les taux de mortalité habituelle et quels sont-ils aujourd’hui ? (voir www.euromomo.eu et https://www.youtube.com/watch?v=p_AyuhbnPOI (allemand, anglais)

Mais les média mainstream et les réseaux sociaux cette fois aussi se consacrent presqu’exclusivement à ce seul sujet, relayant et renforçant les effets de panique. Alors plus personne (sauf quelques rares associations) ne va tirer la sonnette d’alarme pour les gens fuyant leur pays en guerre, leurs maisons détruites, leur vie dévastée, qui meurent de froid et de faim à nos frontières ou se noient dans la méditerranée. D’autres associations lancent des appels désespérés car non entendu pour les millions de personnes sans abri dans toutes les grandes villes d’Europe. Pas question car apparemment inopportun de parler d’autres propagations à grande échelle comme celle des cancers, de l’augmentation drastique des suicides ces dernières années et qui entraîne des milliers de victimes tous les ans (12.000 décès par an en France, de 8 à plus de 80 ans, soit 1000 décès par mois ! Mais ce n’est pas contagieux !). Et bien entendu, il serait vu comme totalement inopportun de parler de la menace nucléaire qui pèse véritablement et quotidiennement sur toute la planète. On passe aussi sous silence de cruelles actualités tel que le commerce d’armes qui vient d’augmenter subitement. Et il va de soi qu’on ne mentionne nulle part l’aubaine que cela représente pour les « GAFA ». Les Google, Apple, Facebook, Amazon et tous leurs homologues se régalent, les grands du monde virtuel et de la livraison à domicile se frottent les mains : voilà que non seulement ils reçoivent la plus grande publicité jamais imaginée mais la situation les a transformés en nécessité

Quoi qu’il en soit, toute l’attention des individus est forcée vers un seul sujet, sans offrir aux personnes la possibilité de vérifier les informations assenées comme vérités, le niveau de réflexion et de discernement baisse à grande vitesse. Toute mise en questionnement quelconque est immédiatement interprétée comme un « complotisme simpliste ». Les uns et les autres se reprochent des réactions ou des prises de position distinctes, comme s’il s’agissait d’opinions et certainement pas de besoin de fondements scientifiques, de vision en processus et d’authenticité, et toute rébellion (qui était présente dans des dizaines de pays : convergeaient dans les rues des capitales du monde entier des jeunes, des femmes, des pauvres, des abandonnés, des laissées pour compte, des soignants, des professeurs, des chercheurs…) est étouffée à vitesse rapide et à l’échelle mondiale.

Tragédie ?

Oui bien sûr, il y aura et il y a déjà des tragédies vécues surtout par les mesures drastiques qui sont prises partout la planète. Des millions de personnes vont être ou sont déjà concernées par la perte de leur emploi, de leur commerce, de leur petite entreprise. En France, voilà plus d’un an que les gilets jaunes crient la situation de précarité et de pauvreté dans laquelle notre pays s’est enfoncé et qui a été renforcée par des mesures cruelles. Voilà plus d’un an que les hôpitaux sont en grève, notamment les services d’urgence (les services de réa ne pouvant pas se le permettre), professeurs et médecins en tête, ne sachant plus que faire pour alerter du manque de personnel et de matériel et de la fermeture des lits dans le contexte des regroupements hospitaliers (les GH) et des coupes et restrictions budgétaires. Alors des tragédies, il y en avait déjà mais pas de caméra pointée dessus, et il y en aura d’autant plus à partir de cette situation de paupérisation intentionnelle des services publics et des peuples.

Mais la tragédie de laquelle aujourd’hui on détourne les yeux, c’est le cauchemar quotidien pour des MILLIONS de gens, c’est la guerre, la faim, la détresse dans l’indifférence, la maladie que l’on sait soigner mais contre laquelle on ne fait rien, la solitude, la mort garantie dans des conditions inhumaines. La tragédie, c’est l’injustice, le racisme, la manipulation sous toutes ses formes, et la violence physique, psychologique, économique, raciale, de genre et spirituelle. La tragédie : c’est l’anti-humanisme grandissant.

MAIS au cœur même de cette « tragédie », et du seul fait qu’elle se vit partout dans le monde, nous reliant soudain dans l’épreuve, soufflent les vents du grand changement : parallèlement, de partout, et vers partout, circulent des milliers d’initiatives populaires, des appels à la solidarité, des micro-organisations se mettent en place (livraisons de nourriture, entre-aide entre voisins, fabrication de masques, prêts de livres, mise en ligne de milliards de vidéos de la part des musées, des bibliothèques, des médiathèques, des plateformes…)

Partout les gens entrent en communication, renforçant cette mystique sociale qui s’exprimait avec force et que l’on n’étouffe ni avec des armes ni avec un virus. De différentes cultures s’échangent des vécus, des idées, et l’on constate en situation, que l’on est en train de vivre une situation qui traverse le monde certes, mais aussi que nous la vivons à travers le monde, par et pour ce monde. Et dans les multiples réactions de tous, quelle que soit la culture, on remarque que les individus vivent les mêmes craintes, se posent les mêmes questions, compatissent aux situations des uns et des autres, et ont les mêmes espérances.

Ce rapprochement mental, si on veut bien le laisser advenir, n’a rien de tragique. Mon monde externe semble se restreindre et voilà que mon monde interne s’ouvre et s’amplifie : on pense à des personnes que l’on n’a pas vues depuis longtemps, on prend des nouvelles des uns et des autres, on veut savoir comment on s’organise dans les autres pays.

L’être humain se rend compte dans l’expérience inhabituelle et terrifiante qu’il est un être social, qu’il a besoin des autres (et pas que de sa propre famille ni de son propre pays), et que les autres ont besoin de lui. Et mieux encore : c’est en situation de grave crise et de forte déstabilisation qu’on fait l’expérience très claire que lorsque l’on traite les autres comme on voudrait être traité, on reste libre !

Alors Opportunité ?

Sans nul doute. Celle de la prise de conscience d’abord. Se rendre compte…

Se rendre compte que je suis le produit de l’Histoire humaine, que les pères et les pères de mes pères se perpétuent en moi, que je suis en relation avec le monde qui me constitue mais que ma vie et mes actes ont une action sur ce monde.

Se rendre compte que j’ai la capacité d’agir, et si possible en cohérence, que j’ai des sentiments, des émotions, qui pourraient dominer et devenir le maître des conduites personnelles et sociales mais que je peux les réguler, notamment en les communiquant ces émotions si terribles et si belles ; se rendre compte que j’ai la capacité, le droit et le devoir à la réflexion critique, au discernement.

S’il est vrai que l’opportunité nous est donnée de nous rendre plus connectés et plus solidaires, il serait gravissime pour le futur que le confinement perdure ! Nous parlons ici du confinement qui peut conduire à l’isolement et à la destruction définitive des liens sociaux. Le confinement mental qui fait croire déjà depuis plusieurs décennies que suffiront les amis virtuels (mais les sentiments violents de solitude augmentent), qu’on n’a pas besoin de faire partie de groupes (et l’on croit très vite n’avoir besoin de personne mais très vite aussi on croit aussi n’être utile pour personne), que le télétravail est une merveilleuse solution pour allier vie professionnelle et vie personnelle (et l’on sort de moins en moins, rencontre de moins en moins de gens et de pensée contradictoire à la sienne), que les achats livrés à la maison c’est quand même bien plus pratique (et l’on ne sort plus du tout, coupant tous les échanges), que les infos circulant sur les réseaux sociaux sont plus fiables que celles émanant de journalistes professionnels ou des experts en la matière (et l’on contribue à la désinformation, à l’information approximative et à la propagation de rumeurs), que la politique et les institutions ne servent à rien (et l’on ne va plus voter)…

Si cette tendance était prise (ou devrais-je dire renforcée ?), ce serait gravissime pour la santé psychologique individuelle et collective, gravissime pour les démocraties. Et ce serait hélas un renforcement du type de société que précisément l’on voudrait voir changer : celui de la concentration financière, de la concentration des pouvoirs, de la réduction des principes et modes démocratiques, de la virtualisation, de la robotisation à outrance, de la baisse de la pensée critique, de la mise en sommeil de toute réversibilité, en somme de l’anti-humanisme. Les peuples seraient encore plus manipulables et les individus ne seraient désormais plus qu’un producteur et un consommateur à distance.

Mais l’être humain est fondamentalement social et spirituel… Une nouvelle mystique sociale a émergé depuis quelques années déjà. Elle s’est exprimée de diverses manières. Elle se traduit à la fois dans des « réseaux sociaux » qui échangent à grande vitesse (même si l’information y est souvent déformée ou superficielle), dans les manifestations de grande ampleur et parfois relayée mondialement (le climat, la cause des femmes…), dans les recherches de développement personnel, dans les quêtes de meilleure compréhension de la conscience collective, et enfin dans le soupçon (ou déjà l’expérience) d’une spiritualité qui se passe de dogme, de structure religieuse. Une spiritualité réveillée de son profond sommeil pour nourrir les êtres humains dans leurs meilleures aspirations. (Silo, Le Message, Editions Références, 2010, p. 131)

C’est l’aspiration à un Nouvel Humanisme UNIVERSALISTE qui peut être déployée. Ce n’est pas les virus qui n’ont pas de frontière, c’est l’être humain. Ce ne sont pas les États qui se montrent solidaires, ce sont les individus. Le don désintéressé peut augmenter, considérablement, et les gens pourraient expérimenter à grande échelle comme il est bon de se sentir grandir à l’intérieur et d’avoir envie de répéter ces actes qui nous font vérifier que nous ne sommes qu’un.

Dans ces actes, au travers desquels on n’attend rien en retour, sinon le bien-être des uns et des autres, on pourrait découvrir ou renforcer la vague de bonté qui nous traverse et que l’on sent émaner de ce « quelque chose qui nous dépasse ». On pourrait ainsi saisir l’opportunité d’aller faire quelques incursions en soi, de plus en plus calmement et profondément. On vérifierait que

« quand nous parvenons à comprendre que ce n’est pas un ennemi qui habite à l’intérieur de nous, mais un être empli d’espérances et d’échecs, un être dans lequel nous voyons, dans une courte succession d’images, de beaux moments de plénitude et des moments de frustrations et de ressentiment ; quand nous parvenons à comprendre que notre ennemi est un être qui a vécu aussi des espérances et des échecs, un être dans lequel il y eut de beaux moments de plénitude et des moments de frustration et de ressentiment, nous posons alors un regard humanisateur sur la peau de la monstruosité. » (Silo à ciel ouvert, Harangue sur la Réconciliation, Éditions Références, 2007, p. 41.)

Alors une vague de réconciliation entre les personnes pourrait commencer à s’étendre, alors l’autre serait de plus en plus important et co-présent, alors on aurait un peu plus d’énergie libre pour aller investiguer les profonds moteurs de l’Histoire humaine, alors ce qui nous relie serait plus clair, alors ensemble nous pourrions gagner en discernement, en cohérence, en bienveillance mutuelle. Alors nous pourrions faire l’expérience plus fréquente d’états de conscience inspirée et de la vitesse de la propagation de l’inspiration.

Nos vies gagneraient alors en paix, en force et en joie d’assister à l’aube d’une nouvelle civilisation : La Nation Humaine Universelle.

C’est donc maintenant qu’il ne faut pas se tromper de Chemin. Chacun d’entre nous, même en situation de grande instabilité, garde la pleine et entière responsabilité de ses actes et de ses choix.