Par Osvaldo Cardosa Samón

Couvert de décence et d’innocence, l’ancien président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva est sorti hier en liberté morale, la seule vraiment importante, après avoir purgé 580 jours de prison politique dans la ville de Curitiba, capitale de l’État du Paraná.

L´ancien dirigeant ouvrier est entré le 7 avril 2018 au sein du siège de la police fédérale de cette ville, après avoir passé 48 heures au Syndicat des Métallurgistes de l’ABC, à Sao Bernardo do Campo, à São Paulo.

Plus tard, l’ancien chef ouvrier a dû entrer dans une cellule de la Surintendance de la police après que la justice ait, sans aucune preuve, présumé qu’il avait reçu un appartement de la part de la société OAS (impliquée dans l´affaire Petrobras) en échange de faveurs politiques.

Selon les accusations, Lula, en tant que responsable de la nomination des cadres supérieurs de la compagnie pétrolière d´État, a joué un rôle important dans le schéma criminel de l’opération Lava Jato (lavage automatique).

Ce réseau de corruption encourageait les grandes entreprises nationales à se mettre d’accord pour partager les contrats de Petrobras, en soudoyant des politiciens et des employés de la société.

Compte tenu de la sentence de l’ancien juge et actuel ministre de la Justice, Sérgio Moro, Lula a commis une violation compliquée « impliquant la pratique de divers actes à des moments différents ».

Avec le paiement apparent, ont indiqué les procureurs, l’ex-métallurgiste aurait modifié et meublé un appartement de luxe de trois étages (triplex) dans la zone côtière de Guarujá (Sao Paulo), inculpation qui manque toujours de preuves concrètes.

Dans ce scénario, l’ordre de détention délivré par Moro a été exécuté 26 heures après le délai indiqué par le magistrat.

Lula avait alors annoncé qu’il se rendrait à la police fédérale lors du meeting dans l’enceinte de l’ABC, à Sao Bernardo do Campo.

Mais avant de faire ce pas, il avait insisté sur le fait qu’il était innocent de toutes les accusations et avait rejeté la proposition de s’exiler dans un autre pays ou une ambassade.

Il avait alors attiré l’attention sur sa critique des juges de la Cour Suprême Fédérale (STF) et avait déclaré que le pays ne pouvait pas rester subordonné à la dictature d’un petit groupe du pouvoir judiciaire.

Il avait indiqué qu’ils avaient l’intention de l’exclure du scrutin présidentiel d’octobre 2018, comme cela s’est effectivement produit.

L’ancien juge Moro l’a condamné à neuf ans et six mois de prison. La peine a été étendue en deuxième instance à 12 ans et un mois, puis réduite en troisième instance à 8 ans et 10 mois.

Les avocats de la défense ont souligné que les charges retenues contre leur défendeur étaient entachées de nombreuses présomptions, mais qu’aucune preuve concrète de sa participation présumée aux faits qui lui étaient imputés n´avait été présentée.

Depuis le 4 mars 2016, l’ancien président est la victime directe d’accusations visant à détruire sa trajectoire, construite en plus de 40 ans de vie publique.

Comme on pouvait s’y attendre, Lula a été la cible de bombardements médiatiques et des dénonciations superficielles ont émergé qui, malgré la virulence des accusateurs, ne prouvent aucun comportement illégal.

Dans ce contexte, le 1er septembre 2018, la Haute Cour Électorale invalide la candidature de Lula, qui était en tête des sondages pour les élections du 7 octobre.

Cinq jours plus tard, le politicien d’extrême droite Jair Bolsonaro, maintenant en tête des sondages du premier tour en l’absence du fondateur du Parti des Travailleurs (PT), est blessé d’un coup de couteau lors d’un rassemblement à Minas Gerais.

Et le 11 septembre 2018, l’ancien maire de Sao Paulo Fernando Haddad remplace Lula comme candidat du PT.

Après un premier tour des présidentielles, (Bolsonaro avec 46% et Haddad avec 29), tous deux ont disputé le second tour le 28 octobre de l’année dernière.

Finalement, l´ancien capitaine de l´Armée remporte le scrutin avec plus de 55% des voix.

Au début du mois de novembre 2018, l’ancien juge Moro a exclu avoir migré vers la politique, bien qu’il ait accepté un poste de ministre, et tout en prétendant être « un homme politique qui ne ment pas ». Pour beaucoup, le prix remis par Bolsonaro est un remerciement pour l’emprisonnement de l’ancien président.

Lula a défini Sergio Moro comme un cadre politique, « mais la rapidité avec laquelle s’est concrétisée cette mutation a cependant été une surprise ».

Il a révélé sa stupéfaction non par la rapidité de la justice, mais par celle de la métamorphose d’un juge en politique.

Moro a alors trahi les déclarations qu’il avait faites il y a près de deux ans, lorsqu’il avait exprimé qu’il était loin de la politique en acceptant l’invitation de l’ancien militaire.

Après que le masque de l’ancien magistrat soit tombé, les avocats de la défense ont considéré que « Lula est victime d’une véritable chasse à l’homme judiciaire par un agent en robe noire (Sergio Moro) qui a utilisé abusivement des dossiers juridiques pour poursuivre politiquement un citoyen, cherchant à annuler, une par une, ses libertés et droits ».

Le 29 septembre dernier, Lula avait purgé un sixième de sa peine, ce qui lui permettait de passer au régime semi-ouvert, ce que l’ancien président a refusé d’accepter.

Selon l’ancien syndicaliste, la demande de changement de régime qui a été formulée à la suite d’une lettre adressée aux tribunaux par 15 procureurs de Lava Jato constituerait une autre manœuvre de l’opération qui l’a mis en prison.

Il a précisé qu’il voulait seulement sortir de prison avec cent pour cent de son innocence prouvée.

« Vous avez une enquête mensongère, des accusateurs menteurs et des condamnations mensongères. Les mêmes personnes qui ont menti sur moi, parce que la scène politique a changé, sont sorties pour que Lula rentre chez elle avec le prix de la progression de la peine. Mais je ne veux pas que la sanction continue, je veux mon innocence. Je veux qu’ils jugent les réalités de mon affaire. Point ! », avait-t-il souligné.

La justice brésilienne a décrété sa libération vendredi 8 novembre après qu’une décision de la juridiction supérieure ait approuvé le droit pour les détenus, condamnés en deuxième instance, de faire appel jusqu’à épuisement de toutes les procédures légales.

Le juge fédéral Danilo Pereira Junior, de Curitiba, a signé l’autorisation pour que Lula quitte le siège de la police de Curitiba et attende maintenant en liberté les résultats des recours formés par sa défense.

L’article original est accessible ici