Par Olivier Flumian

Toulouse, quatrième ville française par sa population (500.000 habitants dans la commune mais 1 million si on prend en compte l’agglomération) est la capitale européenne de l’industrie aéronautique et spatiale. Ville économiquement dynamique, ville jeune de par la présence de 100.000 étudiants, c’est aussi une cité qui grandit rapidement. Les enjeux de la croissance de la ville de Toulouse sont significatifs des grands enjeux de la croissance urbaine aujourd’hui : enjeux environnementaux, économiques, sociaux, sociétaux, etc. Or, de nombreux habitants ne sont pas satisfaits de la manière dont la cité est gérée depuis des années et se plaignent du manque flagrant de démocratie. Depuis deux ans, pour répondre à ces enjeux, une démarche citoyenne originale, est en cours dans la métropole occitane. Baptisée « Archipel Citoyen », elle est basée sur l’idée de « démocratie permanente ». Pressenza a rencontré Caroline Honvault, porte-parole de l’Archipel Citoyen.

 

L’Archipel Citoyen, qu’est-ce que c’est ?

Archipel Citoyen affirme son identité municipaliste, à savoir un projet politique visant la réappropriation collective des institutions locales par les habitant.e.s, et à regagner une indépendance vis à vis des stratégies et contraintes politiques départementales, régionales, nationales, européennes ou mondiales tout en gardant une coopération et une main tendue vers toutes les organisations qui poursuivraient des objectifs similaires.

Archipel Citoyen se donne pour but de redonner aux habitant.e.s le pouvoir de transformer leur quartier, leur ville et métropole. Archipel Citoyen affirme sa volonté de développer dans le temps, avant, pendant et après les élections une culture de la démocratie permanente et prend l’engagement de considérer toutes ses actions à l’aune des principes fondateurs suivants :

– Légitimer les personnes aujourd’hui hors système démocratique de consultation, représentation et décision en donnant aux oublié.e.s, aux absent.e.s, aux invisibles une voix, une représentation et une capacité de décision dans la démocratie locale.

– Favoriser le collectif et son intelligence au détriment des egos. Favoriser une culture de la coopération et de l’inclusion dans le but de l’émancipation individuelle et collective, contre les systèmes de domination en place.

– Porter une transformation en phase avec un socle de valeurs humaines, sociales, environnementales et politiques précis : justice sociale, transition écologique, démocratie et vivre-ensemble.

Comment est née cette démarche ?

Archipel Citoyen est né il y a un peu plus de deux ans, par le regroupement de personnes issues d’horizons divers (personnes engagées dans le milieu associatif toulousain, militant.e.s politiques, etc.).

Nous nous sommes retrouvés autour du constat qu’il y avait urgence à traiter certains sujets : une urgence écologique, une urgence sociale et une urgence démocratique. Nous voulons agir, nous mobiliser pour cela. Nous voulons participer à sa gestion, participer aux décisions qui nous concernent, qui ont un impact sur nous. Nous sommes légitimes pour cela.

Redonner le pouvoir aux citoyen.ne.s, nous le proposons via la constitution de la liste, qui est désormais réalisée, par la participation à l’élaboration du programme et, une fois élu.e.s, par la création d’instances qui permettront à chacun.e de participer aux décisions.

Pourquoi à Toulouse ?

Sans doute parce qu’il y avait déjà eu des expériences citoyennes, qu’il y a donc un terreau pour cela (les Motivé.e.s* par exemple). Au départ, l’idée était de penser à l’échelle de la Métropole, dans les faits, c’est devenu un mouvement plus toulousain que métropolitain du fait des personnes qui se sont engagées dans la démarche.

Mais il existe d’autres expériences similaires, dans d’autres villes de la région et d’ailleurs.

Comment êtes-vous organisés et comment fonctionnez-vous ?

L’Archipel Citoyen est décomposé en groupes de travail, que l’on nomme des cercles, qui ont fonctionné en autonomie depuis deux ans et demi. Ce sont des cercles de travail, thématiques ou de gouvernance : coordination, communication, etc.

Nous avons également un « Comité de suivi » qui est l’instance chargée de garantir le respect des principes et de la démarche initiale. Il a été très mobilisé au moment de l’élaboration de la liste.

Le Grand Cercle est la réunion de toutes les adhérent.e.s et sympathisant.e.s du mouvement. Il se réunissait tous les deux mois au départ, tous les mois désormais.

La gouvernance du mouvement se veut agile, elle s’adapte aux contraintes et moments de la campagne. Il est probable que dans les prochaines semaines, certaines modifications interviennent pour mener le plus efficacement possible la campagne : nous allons ainsi constituer une direction de campagne, désigner des porte-paroles de la liste (7 personnes) et des porte-voix du mouvement.

Quels sont les grands axes de votre programme ?

Au cœur de la démarche, il y a d’abord un programme démocratique ambitieux, pour concrètement redonner le pouvoir aux citoyen.ne.s pendant le mandat, ne plus se contenter de consulter la population mais lui donner une place dans les processus de décisions.

Pour les aspects thématiques du programme, nous avons défini 16 grands enjeux qui sont actuellement travaillés au sein de cercles de travail. L’objectif est d’organiser tout au long du moins de novembre des réunions publiques pour nourrir ces enjeux et définir des préconisations qui constitueront le programme proprement dit.

Vous parlez de « la démocratie permanente ». Qu’est-ce que c’est ?

C’est le programme démocratique évoqué plus haut, notre ambition inspirée du municipalisme : des moyens concrets pour que chacun.e puisse prendre part aux décisions qui relèvent des compétences de la municipalité.

Cela passe par 6 grands axes d’implication : se former, s’informer, proposer, participer, décider et contrôler.

Nous proposons par exemple la création de 3 instances :

1 – L’université citoyenne du débat public

Ce sera un espace où les citoyen·ne·s, élu·e·s et personnels de l’administration se forment au fonctionnement de la Ville et aux méthodes de discussions, de débats et d’intelligence collective. L’université citoyenne proposera un programme de formation accessible et gratuit et animera les débats publics.

2 – Les maisons de la citoyenneté

L’idée est de transformer les mairies de quartiers en véritable maisons de la citoyenneté, les multiplier pour les rendre proche des habitant∙e∙s et en faire des jardins de la Démocratie : c’est à dire des lieux animés, tournés vers la population, festifs qui permettent la co-construction de la politique publique.

3 – Les assemblées citoyennes décisionnaires

Pour rendre aux citoyen∙ne∙s la possibilité de proposer, participer et décider, une assemblée citoyenne se constitue pour répondre à un enjeu de la ville et élaborer une réponse co-construite. Elle est constituée par des citoyen·ne·s impliqué·e·s et majoritaires, dont une partie tirée au sort, des élu·e·s, qui assureront le lien avec l’institution et des agents publics qui garantissent la faisabilité des propositions.

Comment peut-on participer ?

Chacun.e a pu participer au choix des candidat.e.s sur la liste, via un processus en 3 phases (une phase de candidatures et de tirage au sort ; une phase d’évaluation et enfin dans l’élaboration de la méthode d’ordonnancement de la liste.

 

*Motivé-e-s est le nom d’un mouvement politique local de gauche créé à Toulouse, à l’initiative notamment de membres du groupe de musique Zebda en 2001.

 

Par Olivier Flumian