Quand il s’agit de nucléaire, l’utilisation de la « langue de bois » permet de prendre des libertés avec la réalité.

Jugez-en plutôt.

Les faits.

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vient d’annoncer que 2,2 millions de riverains supplémentaires des 19 centrales nucléaires françaises vont recevoir des comprimés d’iode et des informations sur la conduite à tenir en cas d’accident.

Naturellement, personne parmi les autorités civiles et tout autant parmi la population ne souhaite pareille catastrophe, du type de celles de Tchernobyl ou de Fukushima. Et pourtant, des précautions sont prises et même accentuées, puisque le rayon des zones dans lesquelles sont mises en place les actions de protection et les moyens de secours en cas d’accident a été élargi en 2016 (20 km autour des centrales, contre 10 km auparavant).

Le cas du nucléaire militaire.

Par contre, l’hypothèse d’une explosion d’arme nucléaire est tout simplement rejetée.

Telle n’est pas la position des autorités américaines, qui ont mis au point depuis plusieurs années un site internet destiné à aider les citoyens des Etats-Unis à « se préparer aux urgences, naturelles ou causées par des humains, à y faire face et à en limiter les conséquences ». En particulier, il fournit des conseils détaillés sur le comportement à adopter en cas d’explosion d’armes nucléaires, sachant que, selon ces recommandations, « une explosion nucléaire peut se produire avec un préavis de quelques minutes voire sans préavis ».

En France, rien ! L’argumentation officielle est simple : « Il est inutile d’affoler la population. L’arme nucléaire nous protège. Personne n’osera nous attaquer. Donc, nous ne courons aucun risque. Il n’y a rien à craindre. »

C’est la traduction de la fameuse (et stupide) théorie de « l’arme de non -emploi ». Comme il paraît qu’on n’aura pas à s’en servir, on « modernise » les armes nucléaires (missiles, ogives…), on augmente considérablement les dépenses, on invente de nouvelles versions (missiles hyper véloces), on s’efforce de déjouer les systèmes de défense de l’éventuel adversaire…. Et tout cela, au service d’une stratégie de « Destruction Mutuelle Assurée »*, qui signifie tout simplement le suicide mutuel, si bien décrit par un Président des États-Unis en fonction :

« Vous apprenez que des missiles soviétiques ont été lancés, vous savez que, désormais, plus rien ne peut les arrêter et qu’ils vont détruire une partie de votre pays, beaucoup plus grande que ce que vous pouvez imaginer. Et vous êtes assis là, sachant que tout ce que vous pouvez faire est d’appuyer sur le bouton pour que des Soviétiques meurent aussi, alors que nous serons déjà tous morts ». (Ronald Reagan- Interview à Time- 1985)

Il suffit d’une erreur, d’un défaut technique, d’une mauvaise interprétation par un dirigeant, d’un cyber piratage, pour déclencher « l’apocalypse nucléaire », comme cela a été démontré par de nombreux exemples dans le livre « l’illusion nucléaire »

La répétition des mythes et des mensonges ainsi que l’utilisation répétée de la langue de bois permettent aux responsables politiques de passer à côté du sujet essentiel -la sécurité des Français- sans crainte d’être contrariés. On a bien vu en effet, alors que la mode est aux « grands débats », que le thème de la dissuasion nucléaire est considéré comme dangereux…donc inutile. Il sera interdit d’en débattre, comme cela a été expliqué de façon caricaturale au Sénat le 23 mai 2018.

Extrait de l’intervention de Christian Cambon, rapporteur de la Loi de programmation militaire, en réponse à l’amendement de Mme Hélène Conway-Mouret :

« …. au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous avons des rendez-vous qui nous attendent. Ils concernent la dissuasion nucléaire dans le cadre du lancement de la rénovation de la force nucléaire et de ses deux composantes. À cette occasion, nous pourrons, bien sûr, en débattre.

Par ailleurs, un an après la campagne pour l’élection présidentielle, au cours de laquelle ce sujet a été abordé, j’ai le sentiment que le débat a été tranché. Il ne me paraît pas forcément judicieux de le relancer, au risque de mettre ainsi à nouveau en lumière toutes les oppositions sur le sujet et de donner la parole à tous ceux qui souhaitent se manifester contre le nucléaire d’une manière générale. »

La ministre, Mme Geneviève Darrieusecq, a alors demandé, au nom du gouvernement, le retrait de l’amendement …. qui a été retiré.

     Il paraît que le régime de la France est ….la démocratie !!

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*  En anglais « Mutual Assured Destruction »….soit MAD (FOU en anglais) : tout un programme !

L’article original est accessible ici