Voilà maintenant 8 semaines que le peuple français se mobilise d’une part chaque samedi en manifestations rassemblées dans les petites et grandes villes de toute la France, d’autre part en plus petits groupes dans les ronds-points et aux péages d’où ils veulent faire entendre leurs doléances et revendications et commencent à développer différents types d’actions.

Ce qui a été pris pour une démonstration sans lendemain se transforme petit à petit en un mouvement qui se bat pour la Démocratie réelle.

Mais aujourd’hui où l’on ne cultive que le culte de l’instant et l’absence de recul, les anecdotes remplacent l’analyse de fond, les visions politiciennes se substituent au regard du sociologue, le sensationnel masque les raisons profondes. Et lorsqu’on soupçonne l’ampleur et la force du phénomène, alors l’information est manipulée, devient mensongère et grossière jusqu’au plus haut de l’Etat. Et publiquement à l’occasion de ses « vœux » au peuple, le président de la République, qualifie les gilets jaunes mobilisés en très grand nombre de « foule haineuse ». Aveuglément complet ou calomnie avérée ?

Nous nous proposons ici de poser un regard sur les contextes plus larges et de développer une vision plus globale et en processus. Peut-être pourrions-nous en conclure des perspectives d’avenir de ce mouvement inédit.

Contextes

Nous n’allons pas ici rappeler le contexte plus large de la chute des idéologies, de l’absence de projets de sociétés, de l’antihumanisme grandissant de toutes parts, de la finance gouvernant le monde, en répandant la pauvreté, la violence sous toutes ses formes et la haine.

Nous souhaitons juste observer un contexte plus récent et plus spécifique à la France :

Au soir du 29 mai 2005, les Français viennent de rejeter majoritairement le traité établissant une Constitution pour lEurope disant « Non, nous ne poursuivrons pas dans cette voie ». Les Français, comme d’autres citoyens de l’Europe, lancent un avertissement sans précédent aux institutions de Bruxelles et aux partis politiques.

Pourtant, cette constitution ne devait être qu’une formalité. Au printemps 2004, les pronostics sont très favorables au « oui ». Les deux grandes formations politiques, l’UMP [Union pour un mouvement populaire est un parti politique français classé à droite et au centre droit] et le PS [Parti socialiste, parti politique français de gauche et de centre gauche], sont majoritairement pour. Ce texte, tout en compromis et lourdeurs institutionnelles, devait passer comme une lettre à la poste. Du moins, c’est ce que tous s’imaginaient, politiques, observateurs, journalistes, instituts de sondages… Mais les Français se sont emparés du débat qui a permis de poser des questions fondamentales sur l’économie, la démocratie, les institutions. Cette agora a duré un an, de l’annonce du référendum jusqu’au jour du vote. Séquence politique mémorable durant laquelle se sont surtout exprimées les craintes d’une France plongée, déjà, dans la crise économique et sociale.

Ce « non », les institutions européennes l’accepteront un temps pour l’oublier très vite avec des traités de remplacement, contre la volonté des peuples. Ce déni de démocratie marquera les institutions européennes au fer rouge. C’est à cette Europe-là, technocratique et libérale, voir ultra-libérale, que les Français ont dit non le en mai 2005. [1]

Depuis lors, deux tendances en France :

  • A quoi bon voter puisque notre vote n’est pas respecté ? A quoi bon manifester puisque nous ne sommes entendus en rien ?
  • La lutte continuelle pour protéger les droits et rétablir la Démocratie.

La première tendance, alimentée par une presse mensongère et manipulatrice, nourrie au quotidien par une exhortation à la consommation sans mesure, par l’endormissement des foules, prédomine durant 15 ans.

Mais les français ont dans leur histoire, dans le tréfonds de leur paysage de formation, la révolution française. Beaucoup ont oublié les détails de l’histoire et jusqu’à leurs évènements précis. Mais tous ont gardé en mémoire : le peuple qui se rebelle peut renverser la monarchie. C’est le pouvoir du peuple dont on se souvient.

En mémoire également, la « résistance » organisée durant 4 longues années pendant l’occupation allemande, résistance au risque de sa vie et de celle de ses proches.

Bien des précédents plus récents de mobilisation populaire ont été sous-estimés : Le mouvement des Indignés en Espagne, ou 15M (15 mai 2011) sera relayé en France en particulier lors du premier rassemblement mondial le 15 octobre, mais les groupes seront dispersés par les forces de l’ordre et la presse fera son œuvre manipulatrice de discréditation. En 2012, ce sursaut social semble avoir disparu. Il réapparaît quelques années plus tard en 2015 et 2016, après manifestations et grèves, sous la forme des Nuits debout [Ensemble de manifestations sur des places publiques, ayant commencé le 31 mars 2016 à la suite d’une manifestation de refus de la loi Travail. Cette dynamique s’élargit à une contestation plus globale des institutions politiques et du système économique], dont les rassemblements seront eux aussi dispersés par la Force. En 2016 et 2017, des regroupements encore plus discrédités ou passés sous silence, sont pourtant notables : les meetings de Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise naissante rassemblent des dizaines et des dizaines de milliers de personnes, allant au-delà de 100.000 dans certaines villes de France…

Ce qui grésillait là, dans les foyers, dans les villes et les campagnes, était bien un brasier… et du vent violent a soufflé sur les braises : le Président à peine élu, a montré de manière ostentatoire d’une part son mépris pour le peuple (marqué par de nombreuses phrases assassines envers les « petites gens ») et d’autre part sa ferme détermination d’en finir avec les acquis sociaux « qui coûtent un pognon de dingue ! ». Les mesures prises à toute vitesse attaquent directement le peuple : handicapés, retraités, étudiants, chômeurs, travailleurs… Les manifestations et mobilisations reprennent de plus belle : pour défendre le droit du travail, pour protéger le transport public, pour sauver ce qui reste du service public (hôpital, écoles, universités). Des milliers de personnes dans les rues. La réponse politique : arrogance et mépris affichés publiquement, jusqu’au micro des presses étrangères.

Alors l’augmentation des taxes sur le gasoil n’a opéré que comme une étincelle sur un brasier brûlant de colère accumulée, de désespoir ignoré, de souffrance niée.

Dès la première mobilisation en novembre, l’effet démonstratif est accompli dans la mesure où il confirme :

  • La capacité de mobilisation des français excédés de tant d’injustice sociale,
  • Que Paris n’est pas la France et que la force se trouve dans ses villes de Province !
  • Que les médias mentent sans mesure pour protéger la nouvelle monarchie.

La vague aurait peut-être pu être endiguée à ce moment-là si le gouvernement avait répondu favorablement à la demande ponctuelle des citoyens (suppression des taxes carburants). Mais la moquerie et la manipulation ont démultiplié les colères mais aussi et surtout les prises de conscience.

Mouvement de prise de conscience

Arborant un gilet jaune qui ne relève d’aucune étiquette mais a le grand avantage d’apporter beaucoup de visibilité, les gens commencent à se rassembler autour d’un « ras le bol » et rapidement autour de l’identité de peuple dont le Président, son gouvernement et finalement « les puissants » se moquent. Très vite aussi, ce mouvement se veut sans forme, sans représentant, sans verticalité aucune, acéphale et polymorphique. Les individus lambda se retrouvent aux ronds-points des villes où ils habitent, bloquent la circulation, et là se font l’écho et la vitrine de la misère en France : pauvreté, avec ou sans travail, retraites insuffisantes, charges excessives, impôts injustes. Voilà que les gens se parlent, se découvrent, se reconnaissent et apprennent à être ensemble au-delà de leurs clivages d’opinion.

Lors des premières semaines, il y a encore un sentiment d’appartenance corporatiste et l’on voit les taxis, les étudiants, les infirmières, et même les avocats, enfiler le Gilet jaune et « soutenir » le mouvement.

Mais très vite aussi, des assemblées populaires s’organisent : on y débat, on y entend des informations, on cherche, on se renseigne, on apprend… ON SE REND COMPTE !

Alors on enfile le GJ [Gilet Jaune] et l’on dit : « nous », sommes le peuple, « nous » voulons récupérer le pouvoir sur nos vies.

Image : Dernière mobilisation du 5 janvier en France dans quelques villes

Le rôle de la presse mainstream

Elle va jouer un grand rôle dans l’amplification de la vague. Mais elle n’agit pas ici comme le contre-pouvoir qu’elle est censée être. Elle est au service de ce pouvoir, ne donnant qu’une information partielle et partisane, et bien souvent fausse : les chiffres de mobilisation sont diminués de manière ridicule (passant de plusieurs centaines de milliers de gens dans les rues à quelques dizaines de milliers annoncés par les grands médias), les images émises en boucle ne donnent à voir que « des casseurs en jaune », on se laisse aller à l’antenne à dégrader et insulter les personnes de ce mouvement. Cette manipulation extrême de l’information va démultiplier les colères. En outre, on commence à soupçonner une manipulation orchestrée de bien plus haut lors du rassemblement du 2 décembre où des individus (qui sont-ils ?) s’en prennent à l’Arc de Triomphe. La diabolisation devient grotesque. Mais aucune stratégie ne va fonctionner : ni la diffamation (mouvement d’extrême droite), ni la manipulation des images (foule haineuse et violente), ni la référence à des figures contestables et contestées comme leader du mouvement, ni les supposées tentatives de récupération politique et syndicale, ni la peur (répression policière) ne vont essouffler le peuple. Ils croiront pourtant avoir réussi grâce à un scénario d’opposition très clair : « Citoyen : n’y allez pas : c’est à haut risque, c’est dangereux… »

Ces exagérations vont conduire les gens à une autre prise de conscience : eux qui croyaient encore que « ce que l’on voit à la TV ne peut être que vrai », les voilà par milliers à se rendre compte que tout est mensonge et manipulation ! L’exaspération est à son comble.

La presse de son côté continue de feindre d’ignorer qu’une grande majorité de la population, même lorsqu’elle ne se mobilise pas dans la rue, soutient ce mouvement, parce qu’une grande majorité se reconnaît dans ses revendications et exigences… que la presse ne relaie pas, évidemment.

Revendications des GJ [Gilets Jaunes]

Elles étaient d’abord spontanées et les slogans dans la rue cathartiques. Aujourd’hui, fruits de nombreuses réunions et assemblées citoyennes, elles se consolident, prennent du poids et de l’ampleur, et se précisent au point d’être écrites.

En voici un exemple, diffusé amplement dans les réseaux sociaux (qui est la principale source d’informations et d’organisation), en 21 points, qui montrent avant tout la volonté farouche de plus de justice : démocratique, fiscale, économique et sociale et un « pouvoir d’achat » qui permettent de passer de la survie à la vie.[2]

Image : Premières revendications des Gilets Jaunes. On les retrouve à la fin de cet article en format texte.

Pourtant dans la rue et sur les ronds-points, le slogan le plus crié, est depuis le début du mouvement et reste : Macron démission.

Et sur les pancartes et désormais les murs des villes : RIC : Référendum d’Initiative Citoyenne (point 9 dans le tableau)

Plus les revendications sont claires, plus la mobilisation est importante. Plus la sympathie du reste de la population arrive en soutien : dans un récent sondage, 77% des français seraient favorables au retour de l’ISF (Impôt sur Grand Fortune) et 80 % pour le RIC…

Voilà de quoi inquiéter TRÈS sérieusement le pouvoir… qui, forcé de constater l’ampleur de l’insurrection, perd pied et répond par la force répressive la plus incontrôlée qu’on n’ait vécue dans l’histoire française moderne.

Violence répressive

S’octroyant la légitimité d’une « répression ferme » avec le prétexte de répondre aux violences (dégâts matériels) produites par certains « casseurs », la force armée envoyée sur le terrain est sans précédent. Non seulement en nombre d’hommes déployés, mais surtout quant au matériel utilisé et aux méthodes employées.

Pourtant le « Défenseur des droits »[3], Jacques Toubon, assurément non « gauchiste », lance l’alerte de manière récurrente. Il en vient à publier un rapport « le maintien de l’ordre au regard des règles de déontologie »[4], où sont très clairement décrits la dangerosité des ULBD (Flashball, c’est une arme de feu sublétale, qui utilise des balles en caoutchouc, conçue pour ne pas pouvoir tuer mais qui peut causer des blessures graves), l’interdiction déontologique d’employer la force lorsqu’elle ne s’avère pas nécessaire, l’encerclement des manifestants non menaçants, les coups portés aux manifestants à terre, et les arrestations arbitraires de citoyens ne représentant aucun danger.

Or, les exemples contraires se multiplient, illustrés par des dizaines de vidéos, amplement diffusées sur les réseaux sociaux.

À ce jour, 10 personnes sont mortes au cours de ces manifestations (d’accidents et une personne directement de la répression policière), on dénombre plus de 4000 blessés graves, dont des dizaines de personnes mutilées à vie : perte d’un œil, fractures multiples de la mâchoire, yeux brûlés de manière irréversible… À cela s’ajoutent 4570 interpellations, pour la plupart arbitraires.

Les scènes de violence sont inouïes, proviennent tantôt d’agent sans matricule, tantôt de plus hauts gradés (commandant) : coups à plusieurs sur une personne désarmée et non protégée, scènes d’humiliations (auprès de jeunes mineurs), tirs à l’aveugle (vieille dame tuée en fermant ses volets) ou tirs ciblés intentionnels (dans la tête de préférence), nasses d’encerclements et gazages systématiques, lance « à eau » avec produits hautement toxiques sur femmes, enfants, handicapés, personnes âgées…

Certains observateurs étrangers s’en alarment. Amnesty International déjà le 17 décembre rédigeait un rapport complet sur « l’usage excessif de la force lors des manifestations des gilets jaunes »[5], relevant à la fois une démesure indescriptible et l’illégalité de l’utilisation de certaines « armes de dissuasion ». Depuis lors pourtant, la violence policière illégitime et illégale s’est encore accrue.

Le journaliste David Dufresne, sur son compte Tweeter[6], organise toute une compilation de signalements et témoigne de la scission qui est en train de s’opérer au sein des forces de police. Car là, comme au sein des gilets jaunes, une profonde ligne séparatrice est en train de se creuser.

La ligne séparatrice : violence/non-violence

Certains, au sein de la Police, ont en tréfonds de leur mémoire la devise de leur métier : « pro patria vigilant » (« ils veillent pour la Patrie ») et au cœur de leur conscience leur mission : « Les missions du corps de police sont la garantie des libertés individuelles et collectives, la défense des institutions de la République, le maintien de la paix et de l’ordre public et la protection des personnes et des biens. »

On voit apparaître des vidéos de dénonciation, des questionnements d’agents quant à la légitimité des ordres qu’ils reçoivent, les arrêts maladies se multiplient comme unique réponse légale possible de leur part, et dans de plus rares cas, des refus d’obtempérer. On a vu des tentatives de dialogues et de fraternisations entre les GJ [Gilets Jaunes] et la police. Certains commencent à en appeler à la désobéissance salutaire.

On a étouffé (ou cru étouffer ?) ce petit sursaut de prise de conscience par une prime de 300 euros de fin d’année pour chaque agent, et pour prévenir les réveils éventuels de conscience, on envoie les troupes à l’assaut loin des lieux où elles habitent. Mesures insignifiantes… et de toute façon inutiles pour répondre à la fatigue des forces de police qui pour la première fois affrontent « des gens comme eux », c’est-à-dire se plaignant de la précarité à laquelle le système actuel les conduit.

Des commandants, pour l’instant encore sous anonymat, témoignent ne plus savoir quoi faire pour conserver le « modèle à la française » du maintien de l’ordre public. Ce « modèle » en effet faisait référence à l’international pour sa déontologie : « le moins de contact possible, pas de recours à la violence sans absolue nécessité, promouvoir la désescalade, pas de démesure dans l’utilisation des armes de dissuasion, être garant de la désescalade et du retour au calme. »

Mais face à cette conscience citoyenne, on assiste donc aussi au déchaînement d’une police devenue hors de contrôle. Et l’escalade inouïe de la répression à laquelle on assiste, semble être légitimée par les donneurs d’ordre : les préfets de région et à leur tête le ministre de l’intérieur, Castaner.

C’est ainsi que d’une ville à l’autre, les rassemblements prennent une toute autre allure : là où la police est modérée et peu présente, ni casse, ni violence (par exemple Tarbes, Dijon, etc.) Là où l’ordre est donné de « charger », les fins de rassemblements sont tragiques.

Il en va de même chez les Gilets Jaunes.

La plupart se reconnaissent et s’affirment comme un mouvement pacifique, non-violent et bienveillant. Du reste, ils multiplient les faits et gestes l’attestant : organisation de rassemblements populaires et festifs, actions d’entraide solidaire, tentatives de dialogue avec les forces de l’ordre. Ils s’organisent en petits groupes dits de « sérénité », composé de femmes, de personnes d’un certain âge, pour réguler les courants et calmer les exaspérations. Ils affichent sur toutes les pancartes leur identité et leurs valeurs.

Mais la souffrance s’exprime de différentes manières et chez beaucoup, la colère gronde… et le déni du gouvernement, cette insistance à insulter le peuple, sont autant d’incitation à la violence. Comment un président de la République peut-il parler d’un rassemblement de centaines de milliers de personnes réclamant un référendum d’Initiative citoyenne en ces termes : « une foule haineuse, ils s’en prennent aux élus, aux forces de l’ordre, aux journalistes, aux juifs, aux étrangers, aux homosexuels, c’est tout simplement la négation de la France… »

Ce genre de propos, alors même que notre pays vit une situation sociale parmi les plus graves qu’il ait jamais connues, alors même que ce sont ses forces de l’ordre qui s’en prennent aux plus faibles, est propre à déclencher la rage et son expression violente.

Aujourd’hui ce ne sont plus seulement les « casseurs » qui revendiquent le droit à la violence, ce sont des gens excédés, exaspérés, humiliés, qui veulent la justice et la réparation des préjudices. La « violence » des GJ [Gilets Jaunes] est stigmatisée dans les médias, les « coupables » immédiatement arrêtés, jugés, condamnés, parfois arbitrairement et sans fondement, « pour l’exemple », tandis que la violence policière n’est en rien relayée, et s’il elle l’est, elle est légitimée ou banalisée. Cette injustice aux allures de dictature décuple la colère des manifestants et les appels à la violence en retour se multiplient. On est entré dans le cercle vicieux de la violence.

De la révolution à l’évolution

C’est justement un positionnement clair et ferme pour la non-violence active qui pourra apporter les caractéristiques d’évolution à ce mouvement de révolution.

Car c’est d’ores et déjà bien plus qu’une vague d’insurrection. Les actions en témoignent : assemblées populaires citoyennes, des maires ouvrant leur mairie à la rédaction de cahiers de doléances, rédactions de revendications de plus en plus claires, volonté d’un référendum d’initiative citoyenne, nécessité d’une nouvelle Constitution… Il semble que la France veuille s’acheminer vers la naissance d’une 6e République.

Des groupes entiers et des corporations veulent voir re-naître, (naître nouvellement et non pas une nouvelle fois de manière tronquée), leurs valeurs : liberté, égalité, fraternité.

Des presses alternatives[7] et de petites maisons d’éditions indépendantes[8] se font les relais de la liberté d’expression ; les réseaux sociaux, malgré une censure qui se révèle jusqu’à maintenant impuissante, sont l’outil de diffusion le plus massif. Des avocats viennent en aide, administrativement mais aussi sur le terrain, aux personnes blessées lors des manifestations ou arrêtées arbitrairement. Certains juges se dressent devant l’impuissance à laquelle on relègue la Justice.

Les députés de la France Insoumise, rejoints par nombre de députés de la Gauche « réelle » et par d’autres démocrates, se font l’écho à l’Assemblée et avec tous les moyens à leur disposition pour légiférer sur la question du Référendum…

Parallèlement et en même temps, surtout aux ronds-points, le tissu social est en train de se reformer : on fait là l’expérience de la solidarité, une nouvelle fraternité est en train de naître, nourrie de cet espoir que le peuple uni ne peut être vaincu. Lors des fêtes de fin d’année, et malgré le froid, dans des centaines d’abris improvisés, des gens se sont rassemblés pour célébrer ensemble ce nouvel espoir, accueillant aussi des personnes seules ou sans abris, ou habituellement rejetées, et des centaines d’autres ont apporté nourriture, cadeaux, bois pour les feux. Naissait une force toujours plus grande : celle que procure l’acte valable, celle qui fait grandir, que l’on veut répéter et que l’on ne regrette jamais.

Sur la base de cette Force profonde, individuelle et collective, trois éléments pourraient assurer la bascule :

  • Le positionnement des forces armées pour le peuple : « dans le cas extrême où le peuple déciderait de changer de type d’Etat et de type de lois, il incomberait au peuple de le faire (…) et il serait du devoir de l’armée d’accompagner cette volonté de changement, en créant les conditions permettant au peuple de mettre en marche un nouveau type d’organisation et un nouveau régime juridique. »[9]
  • L’ajout massif de la jeunesse : « ça vaut la peine que les jeunes viennent grossir le torrent de cette force morale, comme une variante de l’Histoire, que son débit soit irrépressible et que l’on entende son grondement dans toutes les langues de la terre. »[10]
  • La contagion au-delà des frontières, à toute l’Europe et au-delà.[11] Inscrire cette volonté d’une nouvelle constitution dans le contexte d’un Dessein plus grand : la Nation Humaine Universelle, qui veut en finir avec la violence et l’injustice.

La révolution est possible parce qu’on ne revient pas sur des prises de conscience. Le peuple français le sait et le sent, il est déjà en train de s’organiser en « grand débat »[12], il compte déjà sur une force de propositions (justice fiscale, exercice du pouvoir démocratique, refondation de nos institutions).

Mais pour qu’il s’agisse bien d’une évolution, il faut que surgisse une nouvelle prise de conscience : la nécessité de prendre en main son destin social mais aussi d’évoluer en tant qu’espèce. Espèce qui fait le choix de la non-violence, et celui de l’acte valable, qui revendique le droit à grandir et à trouver le Sens.

« Nous sommes à la fin d’une obscure période historique et plus rien ne sera comme avant. Peu à peu, commencera à poindre l’aube d’un jour nouveau, les cultures commenceront à se comprendre, les peuples expérimenteront une soif croissante de progrès pour tous, comprenant que le progrès limité à quelques-uns s’achève sans progrès pour personne. Oui, il y aura la paix et on comprendra par nécessité qu’une nation humaine universelle commence à se dessiner. En attendant, nous qui ne sommes pas écoutés, nous travaillerons à partir de maintenant partout dans le monde pour faire pression sur ceux qui décident, pour diffuser les idéaux de paix, sur la base de la méthodologie de la non-violence, pour préparer le chemin des temps nouveaux.

(…)

Je crois que quelque chose de très bon arrivera quand les êtres humains trouveront le Sens, tant de fois perdu et tant de fois retrouvé dans les tournants de l’Histoire »[13]

 

Notes

[1]   Source France Inter, 2015.

[2]   On peut aussi aller voter sur un plus grand nombre de revendications, qui ne font pas toute l’unanimité, à l’adresse suivante. https://revendicationsgiletsjaunes.fr/?fbclid=IwAR3RSXoAXsjZ8-xhJCW3lPxa_J0dA0TxRLsQshKoeVz7QPhn2X-sVLDlXGI

[3]   En France, le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante, créée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et instituée par la loi organique du 29 mars 2011. Son administration prend la forme d’une autorité administrative dont l’indépendance est garantie par la Constitution.

[4]   Rapport disponible dans son intégralité sur le site de l’Assemblée Nationale.

[5]   https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/usage-excessif-de-la-force-lors-des-manifestations

[6]   https://twitter.com/davduf

[7]   Voir reportages et interviews du Media, https://www.lemediatv.fr et les articles de fond de Le vent se lève https://lvsl.fr

[8]   Des clés pour comprendre les gilets jaunes, éditions Syllepse, voir notre article du 26 décembre 2018.

[9]   Silo, Lettres à mes amis, Lettre 8 : Position militaire dans le processus révolutionnaire. On remarque beaucoup de vétérans également enfilant le GJ [Gilet Jaune], et de plus en plus de militaires à visage découvert se dresser devant les abus de la Police. Rappel : les militaires dépendent du ministère des armées, la police du ministère de l’intérieur.

[10]   Silo, Première célébration annuelle du message, Punta de Vacas, 4 mai 2004, silo.net

[11]   Sur ce point sont tenus sous silence les rassemblements qui ont déjà eu lieu dans plus de 20 pays d’Europe. Si ces mouvements s’amplifiaient, l’Europe elle-même se verrait menacée dans ses institutions et son fonctionnement. A la veille des élections européennes, l’information sur un éventuel courant de protestation grandissant sera donc le plus possible passée sous silence.

[12]   Proposition récente de la présidence, reçue par les GJ [Gilets Jaunes] comme une négation de plus de ce qu’ils font déjà, un rejet de leur demande de référendum et un « enfumage médiatique » supplémentaire.

[13]   Silo, Première célébration annuelle du Message, Punta de Vacas, 4 mai 2004, silo.net

 

Voir aussi :

25/11 Gilets jaunes à Paris : la colère (Gabriela Bravo et équipe Rédaction Pressenza France)

30/11 Gilets Jaunes : risque ou opportunité ? (Rédaction Pressenza France)

06/12 Gilets Jaunes où la Démocratie en Marche ! [1/2] (Rédaction Pressenza France)

07/12 Gilets Jaunes ou la Démocratie en Marche ! [2 / 2] (Rédaction Pressenza France)

09/12 Gilets verts et gilets jaunes, ensemble pour un monde meilleur ! (Brigitte Cano et Mauricio Alvarez, Rédaction Pressenza France)

10/12 Les gilets jaunes : Ne pas seulement marcher… Aller au-delà des manifestations (Mathieu Dégé, témoignage)

11/12 [Gilets jaunes] Annonces de Macron : un enfumage pour préserver l’injustice fiscale et les cadeaux faits aux riches (ATTAC France)

12/12 Le mouvement des gilets jaunes (Ginette Baudelet, Rédaction Pressenza France)

15/12 [Gilets jaunes – témoignage] « On nous parle de violence » (Toulouse, témoignage)

18/12 Rétentions, répression et violence : les méthodes du gouvernement pour en finir avec les gilets jaunes (Josefina Dowbor)

25/12 [Vidéo] Merci aux gilets jaunes (Brigitte Cano, Rédaction Pressenza France)

26/12 Gilets Jaunes – Des clefs pour comprendre (Des clés pour comprendre, Éditions Syllepse)

06/01Lettre ouverte au Président Macron : « Changez nos institutions et démissionnez ! » (Pascal Maillard pour son blog Polared)

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Premières revendications des Gilets Jaunes

POUVOIR D’ACHAT

1

– SMIC (salaire minimum) à 1300 euros net.

– Pas de retraite en dessous de 1200 euros.

2

– Les salaires ainsi que les retraites et les allocations, doivent être indexés à l’inflation.

3

– Salaire maximum fixé à 15000 euros.

– Limiter l’écart des salaires de 1 à 20 dans l’entreprise.

4

– Augmentation des allocations handicapées et chômeurs.

– Retrait de la CSG sur les retraites. [N.d.E. CSG, Contribution Sociale Généralisée, est un prélèvement obligatoire, qui participe au financement de la sécurité sociale, et, depuis 2018, de l’assurance chômage, à la place des cotisations prélevées sur les salaires.]

 

JUSTICE FISCALE

5

– Impôt sur le revenu davantage progressif (plus de tranches pour les plus riches).

6

– Rétablissement de l’ISF.  [N.d.E. ISF, Impôt Sur la Fortune, payé par les personnes physiques et les couples détenant un patrimoine supérieur à 1,3 million d’euros. L’ISF va diminuer en 2019, ce qui représente un manque de 4 milliards d’euros dans le budget.]

– Fin du CICE pour financer le pouvoir d’achat. [N.d.E. On donne 20 milliards d’euros aux entreprises chaque année depuis 2013, au titre d’un soutien appelé CICE, Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi. Il sera supprimé en 2019 et remplacé par une diminution des cotisations sociales aux entreprises. Ce qui représente un manque de 20 milliards d’euros dans le budget 2019.]

7

Salaire maximum fixé à 15000 euros.

Limiter l’écart des salaires de 1 à 20 dans l’entreprise.

8

Aller chercher les 80 milliards de l’évasion/fraude fiscale.

Taxe sur le fuel maritime et le kérosène.

 

JUSTICE DÉMOCRATIQUE

9

Référendum Initiative Citoyenne.

10

Référendum révocatoire des élus ayant failli à ses engagements.

11

Fin des indemnités présidentielles à vie.

12

Rétablir les élections à la proportionnelle aux élections législatives et municipales.

Référendum révocatoire si non-respect de ses engagements.

 

JUSTICE ECONOMIQUE

13

L’électricité, l’eau et le gaz sont des biens de première nécessité. Ils doivent redevenir publics.

14

Interdiction de vendre les biens appartenant à la France (barrages, aéroports…)

15

Protéger l’industrie française, interdire les délocalisations. Protéger notre industrie.

16

Grand plan d’isolation des logements. (Faire de l’écologie en faisant faire des économies aux ménages).

 

JUSTICE SOCIALE

18

Zéro SDF [N.d.E. Sans Domicile Fixe, personnes sans-abri] : URGENT.

Revenir à la retraite à 60 ans à taux plein.

19

Le système de retraite doit demeurer solidaire et donc socialisé. (Pas de retraite à points).

20

Même système de sécurité sociale pour tous (y compris artisans et autoentrepreneurs).

21

Limitation des loyers. Plus de logements à loyers modérés (notamment pour les étudiants et les travailleurs précaires).