Moni Ovadia, un homme de théâtre et de culture, d’origine juive, qui se consacre depuis longtemps à la recherche d’une solution au conflit israélo-palestinien et qui, pour cette raison, a reçu le Prix colombes de la paix en 2005 ; nous lui demandons son avis sur les derniers développements.

Ceux qui critiquent la politique d’Israël, et en particulier les violations des droits humains envers les Palestiniens, sont souvent accusés d’antisémitisme, comment cette accusation pourrait-elle être éliminée ?

En premier lieu, la dénoncer pour ce qu’elle est : une infamie, une propagande brutale pour faire taire les hommes libres, une lâcheté pour empêcher tout discours sur l’injustice subie par le peuple palestinien, et aussi une forme de court-circuit psychopathologique, de paranoïa. C’est comme si la personne qui avait créé la formule vivait à Berlin en 1935 et non dans un pays lourdement armé, qui possède également des armes nucléaires et qui est un allié non seulement des États-Unis, mais aussi, en fait, de l’Égypte, de la Jordanie et de l’Arabie saoudite. C’est le seul pays qui fait ce qu’il veut et qui ignore les résolutions de l’ONU sans que la communauté internationale ne lève le petit doigt.

J’ai moi-même souffert de cette infamie. Puisque l’antisémitisme en Italie est un crime, j’ai mis au défi mes accusateurs de me traîner devant les tribunaux, afin que nous puissions voir comment les choses se passent réellement. Je les ai également invités à consulter un psychiatre pour une longue thérapie.

Que pensez-vous de la loi adoptée il y a un mois par le Parlement israélien déclarant Israël « État national du peuple juif » ?

Je la vois comme une loi qui établit l’apartheid et le « racisme de droit », qui existait déjà de facto, et qui exprime une logique et une mentalité colonialistes. C’est insensé, alors que 20% de la population est arabo-palestinienne, et que par conséquent Israël est déjà un Etat binational.

Je ne dis pas que tous les Israéliens ont cette mentalité : il y a ceux qui s’accrochent à la peur et sont la proie du mythe du blocus, ceux qui préfèrent ne pas voir la réalité, et ceux qui critiquent cette politique et paient le tribut de sa signification. Malheureusement, ces derniers sont minoritaires, mais dans l’histoire, ce sont souvent des minorités qui ont été rachetées et sauvées. La majorité a le droit de gouverner, mais pas d’être seule à avoir raison.

Des organisations comme Combattants pour la paix rassemblent des Israéliens et des Palestiniens qui se sont tournés vers la nonviolence après avoir participé à des actions militaires les uns contre les autres. Des milliers de femmes juives, musulmanes et chrétiennes ont participé à la Marche des Mères pour exiger une solution nonviolente et mutuellement acceptable au conflit. Que pensez-vous de ces initiatives ?

Ce sont des initiatives courageuses et admirables, menées par des personnes boycottées par le gouvernement et accusées d’être contre les intérêts d’Israël. Je voudrais également mentionner les jeunes objecteurs de conscience, qui préfèrent aller en prison plutôt que de servir dans les territoires occupés, ou adhérer à des associations de défense des droits humains comme B’Tselem.

Il y a deux ans, son directeur, Hagai El-Ad, a appelé à une « action immédiate » contre les colonies israéliennes lors d’une session spéciale du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’occupation, et a dénoncé la « violence bureaucratique quotidienne invisible » que les Palestiniens subissent « du berceau à la tombe ».

Que pouvons-nous faire, à votre avis, en tant qu’Européens et, en particulier, en tant qu’Italiens, pour contribuer à une solution pacifique du conflit entre Israël et la Palestine ?

La première chose c’est le travail culturel dont j’ai parlé tout à l’heure : continuer à répéter que dénoncer l’injustice et l’oppression dont souffrent les Palestiniens n’a rien à voir avec l’antisémitisme et la Shoa.

En second lieu, faire pression sur les gouvernements pour qu’ils adoptent une position et exigent le respect des résolutions de l’ONU qui sont toujours violées par Israël.

En troisième lieu, soutenir le mouvement BDS, une campagne mondiale de boycottage, de désinvestissements et de sanctions contre Israël, appelant l’Europe à confisquer les biens produits dans les territoires occupés et les colonies de peuplement comme étant illégaux. Le message est simple, mais très fort : « Ce n’est pas votre terre, ce sont donc des marchandises de contrebande et illégales, et nous n’en voulons pas ».

 

Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet