Paco Vaquero est membre des Humanistes pour le Revenu de Base Universel. Il a participé au Forum Humaniste Européen qui s’est déroulé récemment à Madrid les 12 et 13 mai 2018, en tant qu’intervenant à la table du « Journalisme indépendant et activisme social » et également dans le domaine de « Politique et mystique sociale ».

Quel a été le rôle des médias indépendants dans la transformation sociale et quel pourrait être leur rôle dans le futur ?

Fondamentalement de “s’infiltrer” dans la pensée unique que le système (unique également) essaie de nous imposer. Bien évidemment cela fait que, dans la majorité des cas le journalisme indépendant risque beaucoup : l’honnêteté du/de la journaliste, sa survie économique, sa famille dans d’autres cas et enfin sa vie. Tout cela pour parvenir au lieu où les faits se sont déroulés, ou au lieu où les faits sont déformés. C’est quelque chose que nous ne jugerons jamais à sa juste valeur, étant donnée la disproportion actuelle des médias.

Les médias indépendants pourraient-ils contribuer à générer le discours d’une culture plus humaine et moins violente et rompre avec l’hégémonie culturelle des grands médias ?

Sans aucun doute. Derrière ce travail, ou peut-être devant, il y a un regard attentif et prêt à montrer la face de la réalité faussée qui, parfois de manière séductrice – mais pas moins violente pour autant – nous est imposée.

Exposer les autres points de vue, les autres expériences autour d’un même fait est précisément un acte d’action culturelle, contreculturelle si l’on veut, qui répond à un code ancestral de l’Humanité : Traites les autres de la manière dont tu aimerais être traité.

Pourraient-ils les médias indépendants restituer la liberté d’expression si menacée ?

Pour l’instant, ils maintiennent la flamme. Péniblement, étant donné les temps qui courent où l’on sert à la pièce comme plat de résistance de l’information, une vérité absolue qui a besoin de son accompagnement de sauté de mensonges, plus ou moins subtiles, qui aident à digérer ce qui est le plus grossier, en négligeant même les dates de péremption des informations.

Mais en effet, ils pourraient aider à instaurer la liberté d’expression comme un droit humain, chose qui, de nos jours, est seulement réservé sans aucun risque aux porte- paroles du système.

Pour l’instant, il faut résister.

L’agenda des médias ne représente pas la réalité des citoyens/-nes et est éloignée à ses besoins et intérêts. Avec leurs actions et leurs mobilisations, les mouvements sociaux peuvent-ils inclure un sujet dans l’agenda médiatique ?

Oui, définitivement. Nous avons des expériences de cela ces derniers temps, particulièrement provenant de mouvements comme le 15M en Espagne, qui a concordé avec le mouvement Occupy Wall Street, ou les campements de dignité, des années auparavant dans le Sahara, et plus récemment, les mouvements contre les expulsions, les retraités et le féminisme en particulier qui, selon moi, réunit un lieu de rencontre de beaucoup de revendications “pour toutes”, qui est aussi un “pour tous”, et qui parvient à menacer le système judiciaire même, le système du travail, le système de représentation, etc.

Evidemment, l’intérêt de toutes ces mobilisations n’était pas précisément celui d’atteindre un “quota” dans cet agenda médiatique. Ils ont été la nouvelle en raison de leur conviction pour la lutte qu’ils mènent.

Les citoyens/-nes peuvent-ils générer de l’information et marquer l’agenda médiatique ?

Tel que je le commentais dans la question précédente, si les citoyens/-nes parviennent à s’organiser et à montrer leur position de manière constante et majoritaire, les grands médias traditionnels n’auront d’autre alternative que de répondre à leurs demandes. Bien sûr, il faut prendre en compte le fait qu’ils feront tout leur possible pour manipuler les faits et leurs interprétations. C’est là que la présence des médias indépendants est nécessaire.

Concernant le slogan de ce forum: “ce qui nous unit”, comment pourrait-on améliorer notre travail ensemble, les médias et les mouvements sociaux ?

C’est une très bonne question, selon moi, car il n’est pas question de créer une espèce de concubinage médias indépendants – mouvements sociaux qui finirait par faire la même chose que les grands médias.

Le travail de chacun a besoin d’un point de rencontre, des « connections » si l’on veut, où la véracité des faits, mais aussi des interprétations, soient reflétées en totale honnêteté.

De par leur définition même, les médias indépendants se démarquent, pas seulement des circuits officiels – en créant les leurs – mais également de l’éthique professionnelle qui les oriente. En d’autres termes, le journalisme indépendant est en soi divers et montre la diversité des expressions. La contrepartie c’est le monobloque que nous observons sur les chaînes de télévision par exemple, où l’on n’est pas d’accord seulement sur les prévisions météorologiques ou l’horoscope.

Les mouvements sociaux, eux aussi par définition, ne présentent pas de carnet de route rigide dans leurs actions ni un front unique de conduite. Ce qui est sûr c’est que la direction de leurs actions va vers le changement de l’actuel système de « bien-être » dont ne bénéficient que quelques-uns. C’est dans la diversité et la recherche commune, qui a seulement lieu lorsqu’on se rend compte qu’il n’y a pas « opposition » entre les différentes propositions mais au contraire, complémentarité.

Ce qui nous unit, dans l’essence, semble se percevoir clairement, quant à la manière de nous unir, il faut lui donner forme.

Moi j’ai espoir.

 

Traduction de l’espagnol par Angèle Gay