Entretien important avec Tomás Hirsch, député humaniste chilien, à l’occasion du Forum Humaniste Européen tenu à Madrid, les 11, 12 et 13 mai 2018.

T. Hirsch parle de la convergence et des alliances politiques, de la crise de la gauche en Europe, du rôle des députés et des relations avec les mouvements sociaux.

(Transcription ci-dessous.)

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Nous sommes ici avec Tomás Hirsch, député humaniste du Chili. Nous avons une question sur la situation en Europe. Nous constatons que ce que l’on peut considérer comme la social-démocratie perd son élan, disparaît, en tant que force politique et, en même temps, d’autres tendances apparaissent parce qu’un vide se crée. J’aimerais donc que nous parlions de cette situation. Qu’en pensez-vous ?

La social-démocratie est en train de disparaître en Europe et en Amérique latine pour une raison bien simple. Entre une imitation et l’original, les gens ont choisi l’original. Et comme la social-démocratie a ouvert la voie, asphalté le chemin – comme on dit au Chili –, à la droite, en préservant le modèle néolibéral et même en l’approfondissant, avec quelques touches « humanisantes », bref, les gens ont dit : « pourquoi faire ? » Le résultat est qu’on a voté pour la droite et d’autres ont quitté la social-démocratie parce qu’ils sont à la recherche d’une alternative de changement structurel profond.

Aujourd’hui, nous ne pouvons prétendre améliorer le modèle, l’humaniser ou le retoucher. Soit vous êtes en faveur de ce modèle néolibéral individualiste, soit vous êtes en faveur d’un changement structurel et profond de la société susceptible de garantir des droits aux personnes.

La social-démocratie ne faisait ni l’un ni l’autre. Nous au moins, les humanistes et d’autres organisations, sommes sur le point de faire une révolution, dans le bon sens du terme ; c’est-à-dire modifier les structures sociales pour que les citoyens aient des droits et puissent vivre dans la dignité.

Sur quels principes doit se fonder une force politique pour collaborer avec d’autres lorsqu’elle comprend, à un point donné, qu’elle ne peut à elle seule apporter un changement social majeur et doit travailler avec d’autres ?

Quand on travaille avec d’autres, c’est parce qu’on suppose qu’ils sont différents de nous. Il faut donc trouver des points de convergence.

Au Chili, nous travaillons avec des organisations qui viennent de mondes très différents : marxistes, féministes, écologistes, libéraux et, bien sûr, humanistes.

Nous sommes convenus de la nécessité de construire un pays plus juste, plus démocratique ; un pays avec plus de droits pour tous, moins violent, qui déconcentre le pouvoir et génère une constitution démocratique.

Ce sont là des points sur lesquels nous sommes tous d’accord et nous préservons la diversité dans de nombreux autres aspects de la société.

Comment peut-on mieux lier l’activité de l’homme politique à sa base sociale en termes de responsabilité politique ?

Je crois qu’il est en effet très facile, en tant qu’homme politique, de se dissocier de la base sociale du territoire. Au cours des deux derniers mois, j’ai constaté que le Parlement est comme un microclimat, comme une capsule qui déconnecte, isole, et vous pouvez y rester pris toute votre vie.

C’est pourquoi je pense qu’il est très important de garder un pied sur terre et de comprendre que notre tâche fondamentale est de renforcer l’organisation en créant des liens avec les mouvements sociaux et en collaborant avec ceux-ci. Il ne s’agit pas de remplacer les mouvements sociaux, mais plutôt de se mettre à leur service et, par conséquent, d’y poser un autre regard, adopter une autre conception.

Comment puis-je être utile à ces mouvements sociaux au moyen de mon travail parlementaire ? Comment puis-je élaborer des projets de loi issus du mouvement social ? Comment puis-je les aider à renforcer leur organisation ? Comment puis-je travailler avec eux pour leur paver la voie face aux pouvoirs de l’État ?

Tel est le travail à faire. Je pense sincèrement que le travail parlementaire n’a d’autre but que celui de travailler sur le terrain avec ces mouvements.

Tout d’abord, vous êtes humaniste et depuis peu vous êtes un député humaniste. De ce point de vue, en tant que député, vous semble-t-il qu’un changement est possible ? Est-il possible de produire des changements sociaux significatifs ?

Je ne pense pas qu’il soit possible d’apporter des changements en tant que député. Je crois qu’il est possible, en tant que député, de contribuer à un projet plus vaste. Le projet est un projet de transformation sociale, il est donc important d’avoir des gens là où les lois sont élaborées. C’est là où l’on peut se mettre d’accord avec d’autres. C’est là où l’on peut exercer des pressions sur les gouvernements. C’est là où l’on peut influencer les municipalités.

Alors je pense que travailler comme député a effectivement beaucoup de sens. Aujourd’hui, cela fait deux mois – et le travail a été très intense – que nous avons présenté un projet de loi, par exemple, pour que les citoyens puissent accorder la priorité aux projets de loi qui dorment depuis des années au Parlement. Nous sommes intervenus au gouvernement sur de multiples questions, en exigeant aux citoyens de la municipalité qu’ils nous informent sur différentes situations qui les touchent.

Nous avons envoyé des directives sur plus de 10 projets de loi qui touchent la santé, l’éducation, le logement, le travail et l’aide sociale. Donc, oui, je pense que l’on peut faire des choses. Certaines de ces questions se transforment déjà en lois, mais nous savons que cela prendra beaucoup plus de temps.

Mais j’insiste sur le fait que la chose la plus importante, c’est de déterminer comment collaborer avec les mouvements sociaux, comment contribuer à s’organiser au sein d’une société qui renforce et proclame l’individualisme, la fragmentation, le chacun pour soi.

Il s’agit donc d’une tâche mixte au sein du parlement et des territoires communaux.

Merci beaucoup.

 

Traduction de l’espagnol, Silvia Benitez