María de Jesús Patricio, connue sous le nom de Marichuy, est une indigène Nahuatl née le 23 décembre 1963 dans la petite ville de Tuxpan au Mexique.

Pour le CNI-CIG (Congrès national indigène, Conseil indigène du gouvernement).

Déclaration de notre porte-parole à la première réunion anticapitaliste nationale du CNI-CIG et de son porte-parole auprès des travailleurs de la campagne et de la ville.

Sœurs et frères avec qui nous avons rendez-vous pour cette réunion historique des travailleurs et travailleuses de la campagne et de la ville avec le conseil autochtone du gouvernement, nous voulons vous adresser des paroles simples et respectueuses.

Les territoires dans lesquels nous vivons, nous peuples indigènes se trouvent à la campagne, dans les montagnes, dans le désert, dans les combes ou les vallées, où, avec les programmes du gouvernement, avec la dépossession éhontée et violente, avec la privatisation de la terre dans laquelle nous semons, avec la dépossession et la contamination de l’eau avec laquelle nous arrosons et vivons, à cause de la violence armée du gouvernement et de ses narco para militaires et avec chaque fois plus de précarité économique paysanne, nombre de nos frères et sœurs se voient contraints d’émigrer dans les villes pour travailler dans n’importe quel domaine : en tant qu’artisans, dans les usines, dans les mines ou comme journaliers dans les domaines agro-industriels lesquels s’installent le plus souvent sur les terres que l’on nous a prises.

Mais là où nous sommes, nous continuons encore à être des gens, des nations et des tribus originaires, travaillant ensemble avec des milliers de personnes hors de nos communautés, d’où nous cherchons à nous organiser et nous reconstituer en collectivité, car nous savons que si nous perdons notre identité et l’organisation que nous souhaitons conserver ou construire depuis la base comme nous savons le faire, nous aurons perdu la guerre initiée il y a plus de 500 ans par ceux qui pensaient qu’ils nous extermineraient en nous dépouillant, en nous tuant, en nous faisant disparaître ou en mettant fin à notre identité avec leur mépris.

Et là où nous sommes, nous organisons aussi des mobilisations, des grèves, des procès et tout ce qui est nécessaire afin que nos droits en tant que travailleurs et travailleuses, ensemble avec ceux qui vivent dans les villes soient respectés. Alors nous devenons maîtres en résistance, nous sommes dans le travail familier, nous sommes ouvriers et journaliers en grève, des mineurs exigeant de meilleures conditions de travail, des travailleurs et des travailleuses du sexe exigeant des garanties et du respect, des constructeurs, etc, etc.

Mais lorsque les choses tournent mal, lorsqu’ils ne nous ont pas payés, lorsqu’ils nous ont empêché de vendre notre artisanat à la ville ou quand ils nous ont congédiés, nous nous sommes organisés avec d’autres pour nous défendre, nous allons dans nos communautés et nous faisons – avec l’appui solidaire et engagé de milliers de frères et de sœurs non indigènes – notre propre électricité, nous enseignons sans que les dirigeants ne le reconnaissent ni ne le soutiennent, nous recommençons à récupérer ce que les propriétaires nous ont pris et ainsi à ensemencer notre propre terre, à produire dans des coopératives où tout est pour tout le monde, et une nouvelle économie voit le jour au sein de laquelle nos propres peuples se développent avec justice, mémoire et dignité.

Et comme nous constatons que les affaires du capitalisme vont mal en ce monde, que notre terre mère est en train de mourir à cause de l’exploitation brutale et que nous mêmes sommes en train de mourir avec elle, nous crions que nous ne voulons pas mourir, que nous ne voulons pas voir mourir nos enfants sans avoir lutté pour eux, nous ne voulons pas que l’ambition des puissants massacre nos forêts, nos rivières, nos montagnes et nos lieux sacrés où notre mémoire est préservée. C’est pourquoi, nous disons que l’heure est venue pour l’organisation des travailleurs de la campagne et de la ville.

C’est pourquoi nous sommes une communauté, et c’est pourquoi les peuples autochtones se sont organisés en Congrès national indigène et en Conseil indigène du gouvernement, nous n’avons que notre histoire à offrir, nos expériences empreintes de douleur et de colère, les façons ancestrales de nous diriger, de respecter la terre, nos anciens, les camarades, de développer la parole collective qui est sacrée pour nous.

Nous n’avons que nos principes, qui ont leur subsistance dans ce que nous sommes dans de nombreuses régions de ce pays, aussi bien à la campagne qu’à la ville et c’est ce que nous offrons, c’est non pas pour gouverner les gens de ce pays, mais pour que les gens de ce pays se gouvernent eux-mêmes, pour démanteler ce pouvoir qui nous opprime, et établir de nouvelles formes d’organisation du travail, où le salaire sera juste et la production ne sera pas basée sur la dépossession et la destruction de nos territoires et de nos gens, où nous ne devrons pas travailler toute la vie sans avoir droit à quoi que ce soit, où nous ne devrons pas abandonner notre terre et notre famille pour faire la guerre que nous imposent les puissants pour soutenir la production capitaliste qui est en train d’en finir avec la vie. Où le logement, la santé et l’éducation soient un juste fruit de l’organisation des travailleuses et des travailleurs.

C’est-à-dire où l’argent ne dirige pas, mais où nous dirigeons nous ceux d’en bas, afin que cette direction fidèle soit notre gouvernement.

Nous saluons cette rencontre de travailleurs et de travailleuses du monde rural et de la ville, les incitant à tisser avec modestie, petit à petit mais avec une fermeté digne et rebelle, à être anticapitalistes afin que l’injustice ne gouverne plus ce monde.

Le 24 janvier 2018

Pour la reconstitution intégrale de nos peuples
Pour la reconstitution des travailleuses et des travailleurs dans la rébellion et la dignité
Plus jamais un Mexique sans nous.

 

Traduit de l’espagnol par Ginette Baudelet