La relation « moderne » entre les être humains et le Travail a débuté avec la Révolution néolithique, lorsque l’agriculture et l’élevage coïncidaient avec l’établissement de colonies permanentes.

Le début de ce processus dans différentes régions du Croissant fertile est daté entre 10 000 et 8 000 ans avant J.-C. La transition de chasseur-cueilleur à agriculteur s’est d’abord révélée néfaste pour la santé de la population du fait de la réduction de la diversité alimentaire mais également l’augmentation des travaux difficiles nécessaires au maintien d’un approvisionnement régulier pour les colonies alors en croissance. De récentes analyses ont démontré que l’agriculture a également conduit à des divisions sociales profondes et en particulier qu’elle a favorisé l’inégalité entre les sexes. Wikipedia

Un intéressant site archéologique qui correspond à cette période a été découvert à Göbeki Tepe en 1994 par l’archéologue allemand Klaus Schmidt et semble remettre en question certaines des hypothèses émises à propos de la chronologie du processus. Alors qu’on pensait classiquement que la religion organisée était apparue après la Révolution néolithique et l’établissement des campements permanents, ceux qui se sont réunis à Göbeki Tepe pour des sortes de rituels étaient en fait des chasseurs-cueilleurs qui ont apporté avec eux de la nourriture d’ailleurs. Cependant, avec le développement du site et l’établissement des personnes de passage, le besoin de nourriture s’est révélé être un facteur de développement de la domestication des plantes. Ainsi, certains ont dû s’engager dans des travaux laborieux.

Comme l’a dit l’archéologue Klaus Schmidt : « On a d’abord créé le temps, puis la ville. » Wikipedia. Il aurait dû ajouter « et avec cela, le travail ».

Le site semble avoir inspiré de nombreuses histoires chez ceux qui cherchaient des preuves archéologiques de la Bible, qui ont peut-être vu ici le mythique Jardin d’Éden. Mais une interprétation encore plus intéressante a été proposée selon laquelle le fardeau de la Révolution agricole ainsi que la mauvaise santé et le travail acharné qui en découlent sont devenus, au fil des années, le souvenir d’un « moment » représenté comme l’expulsion d’Éden et la nécessité de gagner son pain « à la sueur de son front ».

Alors que le travail était considéré comme une malédiction par les anciennes civilisations, l’éthique du travail protestante et la perception de la paresse comme un péché mortel ont donné lieu à une culture basée sur le dogme moderne qui voit le travail comme le sens de la vie et le devoir de chaque être humain. La pensée que les robots puissent remplacer les humains à l’avenir suscite l’horreur. Cependant, elle ne fait pas la distinction entre le travail sans effort mental, usant, subalterne et répétitif, le plus susceptible d’être remplacé par l’automatisation, et le travail créatif, orienté sur la recherche et émotionnellement gratifiant, qui pourrait se voir allégé par l’automatisation mais certainement pas remplacé.

Si nous ajoutons à cela le temps libre obtenu avec la réduction de la semaine de travail et qui pourrait être utilisé pour des loisirs, des activités d’apprentissage ou sociales, l’avenir s’illumine. La peur créée par le scénario de l’automatisation est basée sur la tendance actuelle de concentration des richesses et des ressources entre les mains d’un nombre de personnes toujours plus restreint. Ainsi, l’hypothèse est que l’automatisation permettra aux riches de devenir encore plus riches et conduira massivement les travailleurs vers le chômage.

Le revenu de base universel

La seule façon de faire face à l’effondrement des structures sociales engendré par l’automatisation est d’assurer que l’ensemble de la population dispose d’assez d’argent pour mener un train de vie raisonnable. Il ne s’agit pas seulement des besoins « basiques » mais également ceux qui permettent la pleine participation à la vie communautaire. Les expériences menées sur le revenu de base universel ont montré que, plutôt que de tendre vers l’inactivité, les gens s’impliquent avec enthousiasme dans les tâches créatives qui les motivent. Au lieu de « travailler » pour un salaire, les personnes participent, s’impliquent, se développent et apprennent.

Tout comme les effets négatifs de la Révolution néolithique qui ont nécessité des millénaires pour se résorber, la « Révolution anthropocène » à laquelle nous faisons face nous fait courir le risque de subir des conséquences négatives si les valeurs sur lesquelles nous nous basons constituent une prolongation de la déshumanisation que nous connaissons actuellement. Il est ensuite nécessaire que cela devienne une « Révolution humanistique » dans laquelle l’être humain devient une valeur centrale, plutôt que l’argent et le pouvoir, dans laquelle la solidarité plutôt que l’individualisme et la coopération plutôt que la compétition forment les bases pour de nouvelles formes de relation et de production. Le travail ne peut pas être le sens de la vie humaine puisque chaque individu doit avoir la liberté d’explorer le sens de sa propre existence.

Nous revenons ensuite au moteur de l’avancée que connaît l’être humain dans son évolution. Si une recherche spirituelle a précédé certains changements des plus drastiques, il est peut-être à nouveau nécessaire de trouver l’étincelle d’une nouvelle existence dans les profondeurs de la conscience humaine. C’est la clé pour choisir la voie qui offrira un avenir à toute l’humanité et non pas uniquement à une petite minorité puissante. Être capable d’appliquer des politiques telles que le revenu de base universel et revenir au bien commun serait le reflet (et un inducteur de retour permanent) des changements existentiels qui permettront aux êtres humains de s’extraire de leur déshumanisation actuelle. Il ne s’agirait pas d’un « retour » à un Éden mythique mais de la création d’une société basée sur une image qui a toujours été une ouverture sur l’avenir.

 

Traduction de l’anglais par Caroline Pequegnot