Par Monique Barbut, sous-Secrétaire Générale des Nations Unies et Secrétaire Exécutive de la Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification (UNCCD)

La journée Internationale des Femmes de cette année met l’accent sur l’autonomisation économique dans un monde de travail qui change. La vision est de réaliser l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles d’ici 2030. Les filles qui ont trois ans maintenant deviendront des adultes et auront des droits légaux de travailler en l’an 2030. Ensemble avec les filles jusqu’à dix ans, elles sont la cible privilégiée pour l’égalité des sexes d’ici 2030.

Mais la persistance des obstacles que les femmes ont dû franchir au cours de l’histoire et le fait d’avoir négligé la pauvreté des femmes rurales à l’époque des Buts du Millénaire pour le Développement, nous met en garde de nous concentrer surtout sur deux fronts. D’abord le front des mécanismes principaux comme l’éducation, qui prépare les jeunes femmes et les jeunes filles pour leur carrière. Mais il ne faut pas oublier le front des autres mécanismes qui sont liés à la propriété foncière, qui représentent les moyens de subsistance de la plupart des femmes dans les zones rurales. Probablement les femmes vont encore se replier là-dessus en 2030. Ils sont également indispensables.

Des droits fonciers pour les femmes, un des buts à atteindre pour l’égalité des sexes d’ici 2030 est un mécanisme essentiel qui donnera forme au progrès que feront les femmes dans l’agriculture. Mais le changement est-il possible?

En 2011, le travail des femmes dans l’agriculture représentait 43% dans les pays en développement. En Afrique et en Asie, respectivement 60 et 70% des femmes adultes travaillaient la terre. Mais dans beaucoup de ces pays, les femmes agriculteurs peuvent seulement faire usage de, mais ne peuvent pas posséder la terre qu’elles travaillent. Et pire encore, dans certains cas, l’excédent qu’elles produisent ou ses bénéfices sont saisis par leurs maris qui prétendent à la propriété de la terre.

Beaucoup de femmes rurales se trouvent dans une impasse; la terre est primordiale pour ses ressources et elles travaillent sur un terrain non sécurisé ou marginal ou finissent par faire usage de la terre de la famille de façon non durable. Des expériences qui viennent de l’Afrique nous montrent qu’il y a des chemins innovateurs pour les femmes pour obtenir des droits fonciers et la propriété de leurs produits ce qui peut engendrer de la richesse et la sécurité alimentaire pour les familles. Ils montrent que la volonté politique est un levier essentiel pour le changement.

Dans la région Mboula au Sénégal, le gouvernement régional a distribué des pistes de terre à des groupes de femmes pour cultiver la terre ensemble afin de répondre aux besoins alimentaires des ménages. Les femmes se sont organisées elles-mêmes en groupes qui travaillent un jour par semaine. Les bénéfices dépassaient les attentes du gouvernement. Les femmes travaillent moins longtemps sur le champ mais produisent constamment des excédents alimentaires, réalisant en même temps les besoins de la famille et du marché. Ces résultats, combinés avec la sécurité du mandat qu’elles ont sur la terre qu’elles travaillent ont motivé ces femmes pour suivre une formation pour cultiver un arbre traditionnel à grande échelle. Elles ont l’intention de produire l’huile commercialement, récolter les feuilles comme nourriture et améliorer la productivité du pays par agro-foresterie.

Dans le nord-est de l’Ouganda le gouvernement a pris une initiative similaire mais va encore plus loin. Le public visé sont des femmes qui possèdent seulement des droits d’utiliser la terre familiale. Là, où la terre était dégradée et la production était incertaine, elles ont remis en état les terres dégradées et produisent maintenant du surplus. Les ministres de l’environnement et du commerce ont développé ensemble un programme pour instruire les femmes comment mettre en place, diriger et gérer une coopérative. Les femmes sont près de se joindre à la chaîne d’approvisionnement alimentaire officielle. Elles sont entrepreneuses et créatrices d’emploi dans leur communauté.

De petits changements peuvent être transformationnels.

C’est une priorité absolue de préparer chaque fille à être autonome économiquement afin d’obtenir l’égalité des sexes d’ici 2030. Un regard dans l’histoire du passé nous avertit qu’il sera inéluctable de renouveler les droits fonciers des femmes comme nous avançons vers 2030.

Il y a différents chemins pour atteindre ce but. Les femmes rurales peuvent acquérir individuellement ou en groupe des droits fonciers. Que les femmes aient seulement le droit d’utilisation et d’accès au terrain ce qui leur donne la possibilité dé posséder et de vendre ce qu’elles produisent, est une autre option. L’abnégation des droits fonciers par la culture est blâmable.

Là où la direction est éclairée et progressive, il est possible de créer de nouveaux modèles de droits fonciers.

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