Image : Les habitants du Quartier, autour de Jean-Luc Mélenchon, au M° Guy Môquet. Photos militantes : https://500px.com/photosmilitantes

Chère France Insoumise,

Merci de m’avoir réveillé après ce long sommeil, car je ne croyais plus dans la politique et je ne me retrouvais plus dans aucune proposition. Je me sentais toujours en contradiction dans mon désir de changer la société, de dénoncer les violences économiques, psychologiques, religieuses, raciales… et d’accompagner ceux qui souffrent. Je vivais une contradiction, car agir dans son milieu n’est parfois qu’un pansement, c’est parfois se donner une « bonne conscience » facilement récupérée par ceux qui produisent tant de souffrance dans notre entourage.

Sur le plan social, j’ai toujours essayé de faire de mon mieux, j’ai exploré différentes formes d’action au niveau local : action politique du Parti Humaniste, action sociale et culturelle dans la Convergence des Cultures, journaux de quartier, actions de solidarité, création de projets associatif, sans compter la vocation qui s’exprime à travers mon travail auprès des personnes âgées. Je suis allé voir des amis en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique latine, pour m’inspirer et les accompagner. Depuis mon adolescence, je suis intéressé par toutes les formes d’action qui rejettent la violence, proposent la désobéissance face aux lois de l’injustice et aux minorités du pouvoir.

À titre personnel , j’ai toujours essayé d’avoir un style de vie « humaniste » qui applique la Règle d’Or consistant à toujours traiter les autres tel que j’aimerais être traité, et à me réconcilier, autant avec les autres qu’avec moi-même, en cas d’échec de cette intention. J’ai toujours essayé de m’appliquer à un style de vie cohérent où je fais ce que je dis et ce que je ressens, car la division intérieure est source de toute souffrance, et donc de violence. Je me suis efforcé de vivre dans l’enthousiasme, projet après projet.

Mon intention a été de réveiller et déployer ce qui distingue l’être humain de l’animal et bien entendu de l’objet : et je l’ai fait par l’épanouissement de l’intentionnalité et la connaissance du fonctionnement du psychisme. Autour de moi, j’ai vu beaucoup de gens tomber dans le ressentiment et le mal-être… Alors j’ai essayé plutôt de veiller à toujours être autant révolté par les idéologies politiques, financières et religieuses qui aujourd’hui considèrent l’être humain comme un objet : un corps sans âme, un outil de production, un consommateur.

Mais il me manquait un niveau global d’application, parce qu’il n’existait plus en France de mouvement social qui agisse à la fois sur les structures du système et dans la base sociale. Quand je visitais des amis aux quatre coins du monde et que je m’intéressais aux mouvements sociaux qui émergeaient, je me disais toujours qu’une force sociale de base, ce n’était pas pour nous. En France, la réponse d’une minorité d’individus qui veulent se séparer du plus grand nombre, vivre isolés, ne m’avait jamais convaincu. Je me disais que leur discours, même s’il était valable pour le développement humain, ne pouvait intéresser le plus grand nombre, qui continuerait à déléguer leur pouvoir et à laisser l’injustice et la violence économique (source de toutes les frustrations actuelles) envahir nos rues.

Aujourd’hui, ceux qui se croient être les « gagnants » (du point de vue économique) tombent dans l’individualisme forcené et prennent conscience un peu tard que, lorsque l’énergie leur manque, leur couple se brise, la maladie les surprend, la mort arrive… et que là, l’argent accumulé ne sert à rien ! Dans les quartiers, les gens ont été abandonnés par les forces sociales et les militants ont été remplacés par des « professionnels », par le système des subventions, plutôt administratif, mettant de côté la communication directe et l’altruisme qui sont la racine de l’action valable pour déloger la violence. Il restait néanmoins quelques travailleurs dans l’éducation, le social ou le médical, à vocation intacte malgré les conditions qui leur sont imposées : ils partagent aujourd’hui le programme de la France Insoumise.

Je ne veux pas me retirer dans une sorte de communauté, mais vivre pleinement dans le monde : je travaille, j’agis et je vis dans mon quartier, j’essaie d’aimer les gens en dépassant les petitesses, mon intérêt et ma recherche vont vers le rejet de la violence, vers le dépassement de la souffrance personnelle et sociale, parce que je me réfère à l’humanisme universaliste qui a été le seul dans l’humanité à produire des changements significatifs sur le plan personnel, le milieu immédiat et à l’échelle globale des civilisations. Cet humanisme, qui n’est pas une morale mais un comportement et un acte pour la vie, que j’ai d’abord appris et approfondi par les enseignements et dans les projets sociaux développés par Silo, je l’ai retrouvé dans la France Insoumise.

Au moment des élections présidentielles je me suis rendu compte que je passais peut-être à côté de quelque chose. Et sans trop réfléchir, j’ai cherché et je me suis inscrit dans le groupe de la France Insoumise dans mon quartier. Avant cela, j’ai cherché des informations et ce qui m’a convaincu ce sont les vidéos très pédagogiques de la Revue de Presse de JL Mélenchon ainsi que le programme de l’Avenir en Commun, les vidéos d’« Osons causer »  informaient de manière simple et visaient à réveiller les consciences. Dans tout cela, je retrouvais en grande partie mes convictions.

Bien sûr, il y manque pour moi la dimension de changement personnel et social simultané, qui est la seule garantie d’une profonde rénovation de l’humanité. Mais ce thème peut se comprendre dans l’action, quand on reconnaît avec sincérité le fossé qui existe entre nos pensées, nos actes et notre attitude personnelle. De plus, en écoutant Mélenchon et ceux qui l’entourent, j’ai saisi cette intention chez lui, par son parcours, par sa manière d’avancer ses propositions, par sa poésie et par la force de l’esprit qui oriente son action.

À partir de ce moment mes priorités ont changé : j’ai réduit pour quelques temps mes études, la peinture, mes lectures, une partie de mes activités, qui sont toutefois restées présentes et source d’inspiration tout au long de ces deux mois de campagne. Aujourd’hui, je fais le parallèle avec ceux que j’aime étudier : Mani, Zarathoustra comme Silo avait lancé un message presque imperceptible dans le monde (centré souvent sur la spiritualité), qui donna naissance à une grande révolution sociale et humaine. Attar ou Kubra aussi devaient chercher les sources de la sagesse, et se rebeller avec intelligence contre l’invasion des Mongols et le pouvoir qui croyait naïvement à la réussite grâce à l’accumulation des richesses.

Grâce à tout ce travail de réflexion, de méditation et d’action, pendant ces premières semaines d’implication dans l’action politique, je me suis trouvé souvent bien différent : très inspiré, calme et très heureux, avec une autre sensation que celle du passé où j’avais été actif sur le plan politique. Je ne peux décrire cela, mais je suis plus joyeux, parce que je me sens plus cohérent.

Ce qui me plaît, c’est de rencontrer dans mon quartier des personnes d’une même sensibilité, sûrement plus enclins à produire un changement profond au niveau social que celles que j’ai rencontrées dans le milieu institutionnel ou associatif. Dans les réunions et l’action, j’ai apprécié la grande diversité des personnes, par leur âge et par leur expérience. J’ai trouvé une intention de bien se traiter et également de bien traiter les oppositions qui ne manquaient pas de s’exprimer par le cynisme, la fermeture ou, plus rarement, par la violence.

J’ai ressenti dans l’action auprès des habitants la polarisation des « deux clans », dans l’ambiance actuelle de la violence économique et politique et du « mythe de la réussite » : d’un côté, l’humanisme (beaucoup de gens s’approchant avec bienveillance, ou venant exposer leurs doutes et leurs questions), et  l’anti-humanisme où on voyait des personnes seulement préoccupées de leurs intérêts à court terme (souvent avec des questions économiques, ou avec la peur de perdre argent, situation et prestige). Dans tous les cas, j’ai senti une grande frustration à laquelle chacun tente de donner une réponse. Il existe un esprit de vengeance qui cherche à « gagner » à tout prix sans prendre en compte le destin de l’humanité. En contraste, s’organise un esprit de compréhension qui cherche à sortir la planète du non-sens. Bien-sûr, j’ai fait ce deuxième choix, car il est le seul bon pour l’avenir, pour l’équilibre psychique des individus et des groupes humains, pour la continuité et la transcendance de toute humanité et dans les temps et les espaces futurs.

Nous voici maintenant en train de construire une force nouvelle, qui doit s’organiser sur une base différente de celle des vieux partis avec leurs coupoles et leurs militants trahis. Une force présente à la base, et unie pour agir globalement. Des équipes qui doivent accompagner au jour le jour les personnes qui souffrent de la violence : en les informant des conséquences des lois en prévision, le fonctionnement des systèmes politiques et économiques et en nous entraidant pour nous réapproprier notre place et notre joie perdue.

Dans ce processus, où l’on doit se libérer des habitudes et des croyances imposées, il y aura des difficultés. Le plus important sera dans notre belle diversité, d’avoir toujours la plus grande affection pour ceux qui luttent pour vivre dans de bonnes conditions de vie, d’éducation et de santé et pour ceux qui s’organisent et agissent.

Je m’interroge sur l’avenir : alors que les profonds changements semblent remis à plus tard, et que nos générations seront critiquées pour leur hypocrisie et leur irresponsabilité, je vois que quelque chose de beau avance et s’exprime, bien au-dessus des petitesses, des mesquineries et du ridicule du pouvoir et des formateurs d’opinion.

Les gens, on ne lâche rien !