par Jérôme Duval, Fátima Martín

« Le Réseau Municipaliste contre la dette illégitime et les coupes budgétaires s’élargit au niveau des régions autonomes » (NDLR : 12 Communauté autonomes composent l’État espagnol, parmi elles l’Andalousie, la Catalogne, le pays basque, la Communauté de Madrid,…). L’annonce a été faite par la députée de Podemos du Parlement andalous Carmen Lizárraga, en conférence de presse lors du lancement de la seconde rencontre du Réseau. Celle-ci a réuni à Cadix plus de 150 participants représentants près de 77 municipalités de tout l’État espagnol les 2, 3 et 4 juin. Au début de ces journées s’est tenue une réunion avec des membres des groupes parlementaires et députés des Communautés autonomes à laquelle ont participé des représentants du Parlement andalous, de Navarre, des Baléares, Estrémadure et de Galice et à l’issue de laquelle il a été décidé de « se voir après l’été plus fréquemment et de manière coordonnée ».

La lutte contre la dette illégitime au niveau municipal, régional et national est dans l’ADN du front. Le Manifeste d’Oviedo, germe du réseau signé par plus de mille élus (dont des conseillers municipaux, députés et europarlementaires, auxquels se sont ajoutés des activistes de mouvements sociaux et des personnalités internationales), s’est engagé à « soutenir la création d’un front espagnol des municipalités, des communautés autonomes et des nationalités qui remet en cause la dette illégitime et œuvre à son annulation ». L’avancée faite à Cadix vient le confirmer.

Treize municipalités et deux parlements autonomes du réseau approuvent des motions pour la remunicipalisation

Ces dernières semaines, 13 municipalités du Réseau (Gijón, Laviana, Torres de la Alameda, Morón de la Frontera, Getxo, Vilassar de Mar, Santa Coloma de Gramanet, Loeches, Valdemoro, Amurrio, Jerez, Petrer et Leioa) ont approuvé des motions dans leurs mairies respectives contre les Dispositions Additionnelles qui empêchent la remuniciapalisation de services dans les Budgets généraux de l’État (PGE) présenté par le Ministre des Finances, Cristóbal Montoro. Une motion du Parlement de Navarre allant dans le même sens et une proposition du Parlement d’Aragon se sont ajoutées à celles déposées par les municipalités.

Eric Toussaint, porte parole du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), présent à la Rencontre, a considéré « fondamental d’arriver à concrétiser une étape au niveau des Communautés Autonomes. Si le front reste au niveau municipal et ne parvient pas à convaincre les régions, tant au niveau des partis comme des mouvements sociaux, nous serons rapidement dans une impasse. Quant aux résultats, s’il n’y a pas de capacité de s’affronter au Gouvernement central, il n’y aura pas de solution ».

Dans le même registre, en conférence de presse, le responsable pour l’Économie et les Finances de la ville de Madrid, Carlos Sánchez Mato, a exprimé la « nécessité de travailler de manière unie et coordonnée. Ou bien nous arrangeons cela entre nous tous et toutes, ou bien nous n’avons aucune possibilité de gagner ».

Mato, qui a rappelé le chemin parcouru depuis les révoltes des Indignés de 2011 jusqu’à la constitution de gouvernements municipaux du changement dans une centaine de municipalités grâce aux victoires électorales municipales lors des élections de mai 2015, a affirmé que « ce n’est pas la même chose qu’à Cadix gouverne Teófila Martínez (ancienne maire libérale du PP) que ‘Kichi’ (c’est le surnom populaire du maire Podemos – Por Cádiz Sí Se Puede), ou qu’à Madrid gouverne Manuela Carmena (de la coalition progressiste Ahora Madrid) à la place d’Esperanza Aguirre (du PP) ”.

« Là où nous gouvernons, nous devons dépasser le cadre légal. Madrid livre une bataille, une sacrée bataille contre Montoro. Bien sûr qu’il faut la mener. Et nous allons la gagner. Parce que leur législation injuste reste sans fondement pour réussir à nous imposer ces absurdités ».

Pour sa part, Eric Toussaint, a souligné l’importance du Réseau, qui est inédit tant dans l’État espagnol qu’au niveau international. Et il a précisé que « le défi est d’arriver à obtenir l’alchimie qui permette de joindre des mouvements sociaux avec des élus ». En prenant en compte que beaucoup de ces élus proviennent des mouvements sociaux laissant un vide dans les rues. Un autre des défis qu’il a signalé est celui de réussir en tant que front à changer le rapport de force avec le gouvernement. Ce n’est pas la même chose d’être à la Mairie de Madrid en confrontation avec Montoro que dans des petites municipalités menacées d’intervention tel que Puerto Real ou Cadix. De là, la nécessité d’un front de solidarités.

Lors du lancement inaugural Fátima Pontones, responsable des Finances de la Mairie de Puerto Real, municipalité prise dans l’étau de la dette, a dénoncé la perversion d’un système qui « ne lui laisse employer personne mais qui permet de soumissionner et privatiser le service » et a désiré qu’« avec des actes de désobéissance, les citoyens fasse pression ». Elle a aussi critiqué des crédits ICO pour avoir convertit une dette commerciale en dette financière et l’obligation de payer les banques en priorité grâce à l’article 135 qu’ils ont modifié dans la Constitution.

Maria Rozas, responsable des Finances de Santiago de Compostelle, a critiqué la loi Montoro qui se préoccupe de donner la « sécurité aux investisseurs » mais ne semble pas se préoccuper des 26 000 personnes en risque de pauvreté dans la ville. « C’est notre responsabilité de leur faire face », a t-elle conclu.

Kichi annonce l’audit citoyen de la dette à Cadix

D’autres nouvelles se sont répandues au début de cette deuxième rencontre de Cadix, qui poursuit celle célébrée en novembre passé à Oviedo. Le maire de Cadix, José María González ‘Kichi’, a annoncé le début de l’audit citoyen de la dette à Cadix en septembre. Entre autres finalités, pour la transparence avec l’argent public. « Quand il y a un contrôle, il y a moins de marge pour le gaspillage » a t-il dit. Il a montré sa confiance dans « l’apprentissage collectif, fondamental pour ne pas répéter les erreurs du passé ». Rappelons que, comme dans de nombreuses autres municipalités, Cadiz a reçu des crédits en 2013 à 5,95 % d’intérêts, alors que les banques qui délivraient ces crédits recevaient des prêts de la Banque centrale européenne (BCE) à 0,25 %.

Défenseur de la participation citoyenne, le maire de Cadix a donné un nouvel exemple de son étroite relation avec son voisinage en abandonnant le panel inaugural de la Rencontre pour aller s’enfermer dans le collège de ses enfants en défense de l’éducation publique.

A la fin de la Rencontre, la volonté de poursuivre le travail en réseau a été mise en avant et une troisième réunion est dors et déjà programmée dans la localité madrilène de Rivas Vaciamadrid, à 15 kilomètres de la capitale, en novembre prochain.

 

Auteur :

Jérôme Duval

est membre du CADTM, Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (www.cadtm.org) et de la PACD, la Plateforme d’Audit Citoyen de la Dette en Espagne (http://auditoriaciudadana.net/). Il est l’auteur avec Fátima Martín du livre Construcción europea al servicio de los mercados financieros, Icaria editorial 2016 et est également coauteur de l’ouvrage La Dette ou la Vie, (Aden-CADTM, 2011), livre collectif coordonné par Damien Millet et Eric Toussaint qui a reçu le Prix du livre politique à Liège en 2011.

Auteure :

Fátima Martín est journaliste, membre du CADTM et de la PACD, la Plateforme d’Audit Citoyen de la Dette en Espagne (http://auditoriaciudadana.net/). Elle est l’auteure, avec Jérôme Duval, du livre Construcción europea al servicio de los mercados financieros, Icaria editorial 2016. Elle développe le journal en ligne FemeninoRural.com.

L’article original est accessible ici