Malgré l’ouverture d’un centre d’accueil, la situation des migrants Porte de la Chapelle à Paris ne fait qu’empirer. Une tribune dénonce l’incurie des autorités et l’aveuglement des citoyens face à cette misère humaine.

Ce texte est un appel, à tous ceux qui ont la possibilité de se rendre Porte de la Chapelle, à Paris, un appel à aller voir. Pour ceux qui n’en auraient pas la possibilité, voilà, sommairement rapporté, ce qui s’y passe. Des centaines de personnes de tous âges, dans l’interminable attente de se voir sélectionnées parmi les rares élus du jour, « vivent » sur un terre-plein d’asphalte bordé de part et d’autre par un flot incessant d’automobiles.

Qu’attendent ces gens ? Que s’ouvre la porte de la solution humanitaire vantée par la Mairie de Paris, laquelle se targue de faire de la capitale une cité d’accueil pour les personnes fuyant les guerres, les famines, et autres calamités… (ceux qui souffrent (voir leur article dans Libération)

Porte de la Chapelle pourtant, en attendant qu’un jour peut-être le camp « Hidalgo » s’ouvre à eux, des êtres humains survivent dans les conditions abominables. Il est interdit de leur distribuer de la nourriture (!), au point que des bénévoles ont eu maille à partir avec la Police au motif qu’ils enfreignaient cette interdiction. Nul besoin de préciser qu’aucun service de distribution n’est effectué par les services de la Ville. Les tentes sont interdites. D’énormes blocs de pierre ont été déposés sous les rares ponts constituant les seuls abris contre la pluie. Il n’y a ni point d’eau, ni toilettes. Les gens dorment à même le sol au milieu du flot des voitures, dans la compagnie des rats.

Vous ne le saviez pas, vous n’avez rien vu ? Il semble que ce soit, de fait, le but recherché. La presse et les élus s’épaulent mutuellement dans cette entreprise d’invisibilisation, qui semble bien constituer une politique ne disant pas son nom.

Ainsi, après que la Préfecture ait fait évacuer (un nombre incalculable de fois) les camps de tentes principalement installés au nord-est de Paris, après que les rares espaces où les gens pouvaient s’installer aient été grillagés et privatisés, après que les solutions « Hidalgo » aient été annoncées en grandes pompes, comme c’était prévisible, « ceux qui souffrent » se sont systématiquement vu interdire toute installation en ville. Aujourd’hui, toute personne (qu’elle soit française ou étrangère) qui prétendrait s’abriter sous une tente (que ce soit à Paris intra-muros ou à ses portes), aura très rapidement, elle aussi, à faire avec la Police. « L’efficacité » de leurs interventions est telle que les tentes ont littéralement disparu du paysage.

« Le camp Hidalgo », l’un des centres de tri humain inventés par l’Europe, a été installé au milieu d’un entrelacs de voies rapides desservant le périphérique, il est vétuste et délabré. Pourtant il crée, au cœur du plus intense désespoir humain qui puisse se concevoir, une ultime espérance ayant cette force de maintenir à ses portes, pendant parfois des mois, des personnes qui végètent indéfiniment dans des conditions absolument inhumaines.

Mais de quelle politique peut-il bien s’agir ? Parvient-on ne serait-ce qu’à imaginer le vocabulaire utilisé et les discussions ayant cours lors des réunions dans les Ministères, les Préfectures, les Mairies, pour décider de déplacer en permanence, d’assigner l’espoir à résidence, de faire attendre interminablement, et, en attendant, de détruire les tentes, d’interdire de se laver, de gazer les gens… Cette politique qui va jusqu’à l’interdiction de nourrir des êtres humains n’est que barbarie qui ne dit pas son nom. La situation décrite ici n’a que valeur d’exemple, bien d’autres en France sont équivalentes. Et ces exemples, nous en attestons puisque nous en sommes témoins.

Nous, êtres vivants en ce monde, avons besoin d’aller à la rencontre de personnes parfois sublimes, d’humanité, de courage, car par leurs parcours de combattants, ces personnes nous donnent à comprendre comment tenir debout, quoi qu’il arrive. Et, même si nous sommes fatigués d’être intimidés, nous continuerons à nous rencontrer, à nous soutenir et, en groupes d’amis, en famille ou en collectifs divers, à nourrir, héberger, à accompagner à l’hôpital, ou dans le dédale des nasses administratives d’un Droit d’Asile en constant déclin.

Ce texte est un appel à tous ceux qui ont la possibilité de se rendre à la Porte de la Chapelle et ailleurs, un appel à aller voir, à apporter de l’eau, du riz, à danser parfois, à héberger pourquoi pas, à témoigner, à signer cet appel qui a vocation à faire entendre qu’aucune politique ne nous fera disparaître, et, qu’humains, les yeux ouverts, nous sommes là, ensemble et debout.

Si vous souhaitez signer cet appel, merci d’envoyer un mail à chappelavoir@riseup.net en précisant sous quelle forme votre signature (nom propre, pseudo…) devrait apparaître en cas de publication, dans la presse par exemple.

Les auteurs, qui ne sont affiliés à aucune organisation, parti politique, collectif ou comité, s’engagent à ne communiquer à personne la liste mail des signataires de cet appel. Ne seront prises en compte que les signatures individuelles (tous les membres de collectifs, d’organisations etc. sont chaleureusement invités à signer à titre personnel).

Merci de relayer cet appel le plus largement possible !

Crédits photos:

  • Migrants, boulevard de la Villette: Alexandre Charlet
  • Un exilé dort dans la rue à Stalingrad: Nicolas – DR

L’article original est accessible ici