Par Séverine Aouizerate

Voilà déjà plusieurs mois que j’ai mon billet pour assister à la conférence de Pierre Rabhi et je me réjouis que ce jour soit arrivé. Nous sommes le samedi 8 avril et il fait un temps magnifique. Direction la Grande Halles de la Villette pour répondre à l’Appel du monde de demain et participer à la tournée des Colibris. Ouverture des portes à 10h30, la conférence affiche complet depuis plusieurs semaines. La salle se remplit et nous sommes environ un milliers à être venu, avec beaucoup d’enthousiasme, écouter les idées de Pierre Rabhi.

Tout d’abord, Pierre Rabhi nous explique son enfance en Algérie, le décès de sa Maman alors qu’il n’a que 4 ans, son adoption par une couple de français, le grand écart entre les deux cultures. Puis, pendant plus d’une heure Pierre Rabhi partage avec nous sa conception de notre monde et comment lui-même à mener sa propre vie en ne renonçant jamais à ses convictions profondes.

Sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques idées à partager et  donner à réfléchir sur notre société. J’espère les avoir retranscrites fidèlement!

Le travail qui nous aliène…

Avec beaucoup d’humour Pierre Rabhi, nous a parlé de sa « courte carrière » à une banque d’Oran, dans les années 50. Il nous a précisé que ce n’était pas du tout un métier pour lui, ces chiffres étaient toujours faux ! A l’époque, il nous raconte avoir bénéficié de la bienveillance d’un chef, qui le considérait en quelque sorte comme un spécimen rare, un musulman converti au christianisme ! Il a nous expliqué son refus de porter une cravate qui pour lui était comme une strangulation. La cravate, le symbole du conformisme et de l’aliénation de l’homme par le travail. La laisse, la corde au cou qui asservit. En échange d’un salaire, l’homme sacrifie sa vie, il a comparé une année de travail à 11 mois de coma et 1 mois de réanimation. L’homme cherche à savoir s’il y a une après la mort, mais y a-t-il vraiment une vie avant la mort ? Une vie humaine est trop précieuse et nous n’avons pas le droit de la gaspiller.

La complémentarité entre les hommes et les femmes…

L’égalité entre les hommes et les femmes est primordiale. Pierre Rabhi déplore que les femmes soient encore subordonnées sur la planète. Féminin et masculin sont complémentaires. Il remercie sa femme Michèle de l’avoir encouragé à faire ce retour à la terre.

La modernité, la consommation, la publicité, le superflu…

D’après lui, la modernité prétend libérer l’homme, mais en réalité, l’homme reste enfermé toute sa vie. De la maternelle au lycée, il va au bahut, ensuite il travaille dans une boite. Pour se distraire, il va en boite dans une caisse pour finir dans la boite ultime. L’homme doit sortir de ce carcan.

Il faut échapper à la frénésie du monde moderne qui engendre un mal être permanent. Cette frénésie nous commande d’avoir toujours plus et toujours plus vite. Le système fou de la productivité financière aliène l’homme. Aujourd’hui, 30 à 40 % de ce qui nous entoure est superflu et le problème du superflu c’est qu’il prend petit à petit la place de l’essentiel. La société de consommation nous enchaîne, engendre une insatisfaction permanente, toujours plus de déchets, de pollution et un pillage des ressources naturelles. La publicité nous incite à consommer toujours plus. Mais la publicité nous prend pour des cons! C’est une arme de manipulation massive des esprits. La publicité n’est qu’une chimère. Elle éloigne l’homme de l’essentiel, en lui faisant croire que le superflu lui est nécessaire pour être heureux.

Economie, politique, société civile…

Le problème, c’est que l’économie repose sur la croissance et que ce qui détermine la croissance, c’est le toujours plus de consommation. Point de salut à attendre du monde politique. Pierre Rabhi a comparé le débat politique actuel à l’école maternelle, l’innocence en moins. Pour lui, la politique fait de l’acharnement thérapeutique sur un système moribond, qui a fait son temps. A l’inverse la société civile, le monde associatif préparent l’avenir, de nombreuses initiatives intéressantes voient le jour. Les gens se mobilisent de plus en plus. Si bien qu’il est temps d’organiser un forum civique national, un grand débat rassemblant la société civile.

La sobriété heureuse…

La réponse de Pierre Rabhi à la société de consommation qui nous nuit tant, c’est la sobriété heureuse et la sobriété heureuse, c’est disposer de ce qui est indispensable à la vie, manger, se vêtir, avoir un toit au-dessus de sa tête, se soigner. C’est refuser le superflu et la surconsommation. C’est échapper à l’accélération permanente du monde qui fait qu’on ne peut pas goûter la vie au rythme où elle s’offre à nous. C’est faire son jardin. Faire son jardin est un acte politique, parce que c’est tendre vers l’autonomie, mais c’est aussi prendre le temps. Replacer le cours de nos vies dans le temps, dans la saisonnalité.  Profiter de la saveur des choses simples.

L’agriculture, l’alimentation…

Concernant l’agriculture, Pierre Rabhi déplore, dans ce domaine également, que l’homme cherche toujours à produire, plus , plus vite. On ne peut pas continuer à exercer une agriculture qui pollue, qui détruit et qui empoisonne. L’agriculture intensive met à genou des agriculteurs surendettés, pour finalement mettre dans nos assiettes, une nourriture de piètre qualité qui nous tue à petit feu. Pierre Rabhi nous fait remarquer que nous devrions nous souhaiter bonne chance plutôt que bon appétit, lorsque nous nous mettons à table. Il a également alerté sur le problème majeur et irréversible de la disparition des semences.

Il nous faut passer à l’action…

Pierre Rabhi nous a confié avoir une seule exigence : pour inverser la vapeur, l’être humain doit changer profondément. Pour cela, il faut miser sur les générations futures, éduquer dès le plus jeune âge, les enfants à l’écologie, à la solidarité, à la coopération. Manger bio, trier ses déchets, éteindre la lumière quand on quitte une pièce, ça ne suffit pas. Aujourd’hui, il est nécessaire de passer à l’action. A la prise de conscience, Pierre Rabhi préfère l’élévation des consciences. Il nous faut nous élever, trouver le ferment qui permettra une évolution positive de l’humanité. Les bibliothèques sont pleines de livres qui théorisent sur ce qu’il conviendrait de faire ou ne pas faire. Le mouvement des Colibris a ceci de remarquable, qu’il met en oeuvre les actions qu’il promeut. Notamment au travers des oasis où des hommes et des femmes construisent un vivre ensemble autrement. Les oasis sont des lieux de vie où se concrétisent les idées développées par Pierre Rabhi et les Colibris.

Le mot de la fin

Alors bien sûr, il est facile de dire que tout cela n’est qu’utopie, mais au cours de l’histoire, aucun grand changement ne s’est fait sans utopiste. Il est temps que l’humanité, que nous sommes, se ressaisisse. Arrêtons de subir la société de consommation, le travail qui nous aliène, la frénésie du monde moderne. Passons à l’action et rappelons-nous chaque jour que l’homme n’est pas sur Terre pour polluer et détruire. Le rôle de l’homme sur Terre, c’est admirer ce que la nature lui a donné et en prendre soin. Un monde différent doit être possible si nous élevons nos consciences!  Signons l’Appel du monde de demain et passons à l’action.

L’article original est accessible ici