Par Anthony Brondel

Donald Trump a pris ses fonctions de 45e président des Etats-Unis le 20 janvier 2017. Si pour le peuple mexicain la victoire du milliardaire est synonyme d’incompréhension, les autorités s’y préparaient depuis plusieurs mois.

Au lendemain de l’élection, le quotidien El Universal commentait ainsi la victoire de Donald Trump : « Le peuple américain a choisi le chemin du racisme, de la haine et de l’intolérance ». Au Mexique comme ailleurs, personne n’a vu venir l’élection de Donald Trump, mieux perçu comme un candidat fantaisiste machiste et raciste plutôt que comme futur président des Etats-Unis. Les réalités sociales de ce pays, notamment l’état de délabrement des campagnes face à la désindustrialisation, n’ont pas fait objet d’analyses par la presse mexicaine. L’hostilité du peuple américain envers la candidate démocrate, Hillary Clinton, symbole des élites intouchables et corrompues, a été ignoré.

Le mur de la honte

Les médias mexicains ont occulté l’originalité du programme économique protectionniste [1] du candidat républicain. S’ils ont insisté sur ses phrases chocs mêlant immigration et criminalité pour justifier la construction d’un mur à la frontière au Mexique [2], ils ont peu insisté sur le chantage mis en place pour son financement.

Tête de gondole médiatique du programme de Donald Trump, le projet de mur est considéré par beaucoup comme fantasque. Face à ses détracteurs, le magnat de l’immobilier a menacé de faire pression sur l’Etat mexicain afin qu’il finance la construction de l’ouvrage estimée entre 8 et 21 milliards de dollars selon les sources (8 pour Donald Trump pendant la campagne, 21 selon le Département de sécurité nationale). Pour ce faire, le nouveau président américain envisage de bloquer une partie des envois de fonds (remesas) des travailleurs immigrés résidant sur le sol américain à leurs familles, grâce à la loi du Patriot Act [3].

Le total des remesas dirigées vers le Mexique atteint 26 milliards de dollars (2016). Selon El Pais [4], Washington exige du gouvernement mexicain qu’il paie une somme comprise entre 5 et 10 milliards dollars pour le financement du mur ou les remesas seront taxées. Pour le Mexique, une telle perspective signifierait une explosion de la détresse sociale dans un pays où plus de 60 millions de personnes vivent déjà sous le seuil de pauvreté.

Déjà 1120 kilomètres de double clôture métallique

Lancée en 2002 par George W. Bush, l’idée d’une frontière barbelée entre les Etats-Unis et le Mexique fait débat depuis plus de quinze ans. Le projet s’est concrétisé avec la signature du Secure Fence Act [5] en 2006, puis s’est poursuivi avec Barack Obama. Sur les 3200 kilomètres de frontière qui séparent les deux pays, 1120 sont déjà couverts par une double clôture métallique.

Les constructions existantes n’ont eu pour conséquence que de pousser les migrants à emprunter un chemin plus risqué : le désert aride de l’Arizona. On ne compte plus le nombre de personnes qui ont perdu la vie en tentant de franchir la frontière. Malgré le risque, les 1120 kilomètres de clôture n’ont en rien empêché le passage d’entre 200 000 et 500 000 personnes par an. On estime à environ 870 000 le nombre de Mexicains qui auraient rejoint les Etats-Unis entre 2009 et 2014 [6].

Le projet fait également face à une limite environnementale : celle de la gestion des crues du Rio Grande. Il se confronte aussi à l’hostilité locale. Les ranchers (propriétaires terriens texans) défendent en effet avec ardeur leur accès – celui de leurs propriétés – à l’eau du fleuve frontière.

Si le projet de mur est perçu comme une insulte, il pourrait toutefois ne pas faire que des malheureux du côté mexicain. Selon El Pais [7], l’entreprise mexicaine Grupo Cementos de Chihuahua pourrait participer à sa construction, un comble pour les électeurs de Trump. A suivre…

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