En décembre dernier, le gouvernement argentin était un peu dépassé par le nombre d’organisations, de tribunaux et d’organismes internationaux qui réclamaient la libération de Milagro Sala et dénonçaient sa détention arbitraire et criminelle.

De Buenos Aires, ils ont demandé à Gerardo Morales, le gouverneur de Jujuy, de cesser de se rendre ridicule au plan international et de parvenir à condamner « l’indienne » pour un quelconque motif. Morales y mit du sien et relança une affaire qu’il avait imposée et avec ses procureurs et juges alliés, il décida de se venger pour avoir été conspué en 2009, lorsqu’on lui a envoyé deux œufs à la figure.

Milagro Sala ne s’était pas rendue à l’université où le sénateur à l’époque de l’Alliance avait été « agressé » mais il semble que quelqu’un l’avait désignée, ou avait pensé à elle, puis deux employés du gouvernement ont déclaré au cours du procès que Milagro avait incité et ordonné à des militants d’autres organisations, qui n’étaient pas de Tupac Amaru, de malmener Morales.

Les juges s’accordèrent une semaine pour examiner si la parole de ces deux témoins qui avaient commis un parjure manifeste au cours du procès, constituait une preuve concluante pour condamner Milagro Sala à trois ans de réclusion, en plus des frais de justice et d’un travail communautaire à Caritas, pour avoir placé les œufs qu’utiliseraient Graciela Lopez, également condamnée à trois ans de prison et Ricardo Salvatierra à deux ans, pour « préjudices aggravés ».

« Je ressens une forte douleur intérieure en raison de l’injustice que nous vivons parce que nous n’avons rien volé, nous avons travaillé, nous avons rendu leur dignité à des milliers et des milliers de collègues », a déclaré la leader du Tupac Amaru avant d’entendre la sentence et d’ajouter : « Rendre leur dignité à ceux qui en ont le moins a eu comme conséquence pour moi d’être accusée et d’être jugée ici. »

Ce journaliste a entendu la décision rendue la veille où le Comité pour la liberté de Milagro Sala s’est installé devant le bâtiment des tribunaux de la ville de Buenos Aires. Après la lecture de la décision, l’ambiance était sinistre. Alors qu’il n’y avait presque aucun espoir que les juges puissent rendre justice, le niveau de l’infamie était si immense, que le grotesque de la décision a serré les gorges de toutes les personnes présentes.

Après la décision, Alejandro « Coco » Garfagnini, le secrétaire national de l’association Tupac a dû faire appel à tout son courage pour faire un bref commentaire, à nous qui l’accompagnions et aux médias qui approchaient leurs micros. « Ils n’ont pas besoin des forces armées, ils ont désormais le Parti Judicial » s’est-il enhardi, alors que les gens scandaient « Morales aux ordures, tu es la dictature. »

Il a affirmé que les organisations sociales doivent continuer à résister et à lutter pour que la vraie démocratie revienne en Argentine. Il a indiqué que le chemin devrait être nonviolent, « comme nous l’ont enseigné les mères et les grands-mères de la Place de Mai ». Il a également prédit que le président Mauricio Macri finira en prison « pour toutes les atrocités qu’ils sont en train de commettre ».

Il a appelé au calme et à la patience, sachant que des collègues doivent faire un plus grand effort, du fait qu’ils sont arrêtés, mais a déclaré que : « le rôle historique des mouvements sociaux a été de résister » et a appelé à lutter pour que la « démocratie existe à nouveau, car c’est ce que nous avons perdu le 10 décembre dernier ».

En conclusion, il était sceptique sur les autres causes qui « ont été consécutivement mises en place pour garder prisonniers les collègues de travail » et a regretté que le gouvernement national persiste à stigmatiser les mouvements sociaux et les accuse d’avoir organisé le pillage.

Si mes chroniques de Argengüenza vous paraissent peu sérieuses, je vous invite à lire le jugement rendu par la Cour n°1 de Jujuy, qui constitue un véritable surréalisme magique.

 

Article traduit de l’espagnol par Nicolas Carlier – Trommons.org. Révision de Ginette Baudelet