Entre le 30 septembre et le 3 octobre 2016 a eu lieu à Berlin le Congrès International pour la Paix IPB. Un atelier sur le Revenu de Base Universel ou Revenu de Base Inconditionnel (RB) a été coordonné par Juana Pérez et Ángel Bravo de l’organisation Humanistes pour le Revenu de Base, d’Espagne ; puis par Diane Aman et Ralph Boes de l’organisation allemande Bürgerinitiative bedingungnsloses Grundeinkommen, qui vient de fêter ses 10 ans d’existence.

Ángel Bravo a commencé en mettant le Revenu de Base dans le contexte de violence économique que l’on vit aujourd’hui au quotidien. Il doit être inconditionnel, individuel et suffisant.

Diane Aman a ensuite expliqué la nécessaire séparation entre travail et revenu, car aujourd’hui les deux vont ensemble. A l’inverse, le Revenu de Base propose un revenu rien que par le fait d’être en vie, sans avoir besoin de passer aucun examen ou de remplir de quelconques conditions.

De plus, ce Revenu doit être assez important pour ne pas obliger les personnes à travailler, car si le Revenu de Base est petit les entrepreneurs peuvent vouloir moins payer, avec l’argument que les personnes touchent déjà de l’argent.

Dans le livre « Utopie » de Thomas More, la pauvreté était déjà associée à la criminalité, indépendamment de la gravité de la peine. Ce livre posait la question de savoir pourquoi il y avait tant de criminalité si la peine capitale existait pour le vol, beaucoup de gens étaient obligés de voler pour survivre. Bien qu’aujourd’hui la situation ne soit pas exactement la même, ces idées continuent à être en vigueur. Par exemple, des personnes en Allemagne touchent des allocations de pauvreté mais cela n’est pas suffisant pour couvrir les frais de transport.

Une autre référence historique est Thomas Paine, l’un des pères fondateurs des États-Unis. À la fin du XVIIIe siècle, il a proposé l’idée que toute personne propriétaire de terres devait payer un impôt proportionnel à la taille de la propriété. Et ceux qui n’avaient pas de propriété, devaient recevoir un paiement au titre de la terre qui leur correspondait mais qu’ils ne possédaient pas. Pour Paine, la terre était pour tous.

Taller RBU, Berlín, 1.10.2016

Ensuite, Ralph Boes a donné des précisions sur la séparation entre travail et revenu. Si je suis dans les transports et il y a quelqu’un qui fait la quête, cette personne travaille, même si elle n’obtient que très peu d’argent ; il en est de même pour les enfants qui vont à l’école. Le développement technologique fera qu’il y aura de moins en moins de travail, le monde n’est pas encore préparé pour le chômage de masse. Il faut donc casser la relation entre travail et revenu. Les problèmes sont de plus en plus grands et nos hommes et femmes politiques ont une vision très courte.

Quelques exemples de comment le Revenu de Base pourrait contribuer à la paix

En Grèce il y a des millions de personnes sans travail. Pendant la crise nous avons donné de l’argent aux banques en Grèce, mais rien n’est parvenu aux personnes. Si les gens avaient eu de l’argent, il n’y aurait pas eu une crise des banques, parce qu’ils auraient eu de l’argent pour payer leurs dettes, et ils auraient pu vivre en dehors de la misère. Maintenant il y a de la misère et du ressentiment.

Les gens en Irak et en Syrie sont en train de fuir vers l’Europe. Ils ne viennent pas parce que l’Allemagne leur plaît, mais parce qu’ils ne peuvent pas vivre dans leurs pays. Par conséquent, si nous leur disons de rester ici, nous n’allons pas non plus résoudre leur problème principal. Si l’on aide ces pays à mettre en place le Revenu de Base au lieu de leur jeter de bombes, les gens pourraient revenir dans leur pays, et de plus cela reviendrait moins cher. De cette façon, si quelqu’un veut venir en Allemagne, il le ferait parce qu’il le veut et non pas parce qu’il y est obligé. En Irak, après la chute de Saddam Hussein, les anciens militaires sont restés sans revenus, ainsi plusieurs parmi eux ont signé avec l’organisation Etat islamique, Daesh.

 

Finalement, Juana Pérez a terminé en expliquant pourquoi le Revenu de Base serait un pas vers la paix et la nonviolence :

Nous voyons le Revenu de Base depuis un regard humaniste dans lequel la valeur centrale est l’être humain, en opposition à l’actuel système qui met l’argent au centre.

Une chose est l’emploi dans lequel il y a un salaire, et une autre c’est le travail, qui correspond à toute activité que réalise une personne, qu’elle soit rémunérée ou pas. Ce n’est pas l’emploi qui nous donne de la dignité, car nous avons de la dignité simplement par le fait d’être nés humains. Nous ne sommes pas d’accord avec l’interprétation de la malédiction biblique « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » qui est utilisée pour justifier le système violent actuel. C’est la racine de notre culture, et on la trouve à l’origine des guerres et d’autres formes de violence que l’on expérimente au quotidien.

Lorsqu’on parle de remettre de l’argent aux personnes pour « ne rien faire », nous sommes en train de toucher la racine du système dans lequel nous vivons, c’est pourquoi l’on perçoit tant de résistance non seulement parmi les groupes de pouvoir économique, mais aussi dans nos propres têtes.

Il faut aussi revisiter le concept de « richesse » en incluant non seulement les tangibles mais aussi les intangibles, et percevoir quel est le résultat du travail de milliers de générations tout au long de l’histoire, par conséquent la richesse correspond à toute l’humanité.

Selon les experts, il y a de la richesse aujourd’hui pour que jusqu’à 12 milliards de personnes puissent vivre dignement. Donc, ce n’est pas le manque de ressources mais l’injustice sociale et l’inégalité dans la répartition qui empêchent de vivre dignement.

Les avancées technologiques sont en train d’éliminer des postes de travail; quelques experts disent que dans 2 ou 3 décennies, 50 % des actuels postes de travail devraient disparaître. Pour certains, cela est une tragédie, pour nous c’est une occasion de nous libérer et d’investir notre énergie dans ce qui nous semble le plus important.

Toutes ces données nous indiquent qu’aujourd’hui nous sommes à une croisée des chemins : ou bien nous continuons dans ce qui est connu, une grande dictature économique planétaire qui peut revenir aux étapes que nous croyions dépassées telles que le semi­‑esclavage et l’esclavage, ou bien nous faisons un saut historique que l’humanité a vécu peu de fois, et qui consiste à mettre l’être humain comme valeur et préoccupation centrales.

Nous avons les moyens matériels pour parcourir le deuxième chemin, ce qui nous libérerait de l’interprétation de la malédiction biblique qui est à la base de ce système inhumain.

Aujourd’hui un autre futur est possible si l’on accorde la priorité aux personnes, à travers un désarmement progressif et une culture de paix et de nonviolence, pour qu’il nous reste de l’énergie libre afin de faire ce que nous considérons comme nous rendant plus libres et heureux.

Chacun devra choisir dans cette croisée des chemins, nous tous sommes responsables de l’avenir qui nous attend. Pour commencer à marcher vers ce nouveau paradigme plus juste et nonviolent, commençons par réclamer le Revenu de Base. Les moyens économiques et matériels existent, il faut seulement des personnes mobilisées et des femmes et des hommes politiques courageux.

L’atelier s’est terminé avec un échange entre participants et intervenants.